dimanche 25 novembre 2007

AP : 1. Vengeance : Chapitre 11

11
Il est moins doux d'assouvir son amour que de satisfaire à sa vengeance.
[Paul-Jean Toulet]
Les trois impostures

Terre :

« Rien à foutre ! »
LG mit de coté ses exercices. Depuis un an, ils avaient commencé à apprendre à l’école la langue des Maÿcentres. Il n’aurait pas su dire s’il trouvait ça interessant ou non mais il assimilait très vite les langues et au moins, ca lui faisait un cours où il était sur de réussir sans travailler ni même tricher. Cela dit, il était tombé sur un motivé comme il les appelait. Ce genre de prof qui ne se contente pas qu’on réussisse et devant ses exploits, il lui avait donné du travail supplémentaire. Il disait que c’était dommage qu’il gâche son temps à regarder dehors pendant que ses condisciples tentaient désespérément d’assimiler les bases. Il ne regardait pas dehors, il se concentrait pour attirer l’attention des passants et les envoyer se cogner contre les arbres qui bordaient l’allée. C’était de la science expérimentale. L’enthousiasme de son prof ne durerait pas longtemps. Il ne maîtrisait pas si bien cette langue et LG commençait à devoir le reprendre. Il revint à la réalité voyant son pote le regarder discrètement. Enfin, son pote, c’était beaucoup dire. David avait été un bon ami mais maintenant il lui paraissait fade, peu intéressant. Un peu coincé.

« Je ne peux pas continuer à vivre ainsi » s’exclama-t-il devant l’air hagard de David.

- Hé, on se calme LG qu’est-ce qui t’arrive » demanda ce dernier en se replongeant dans la feuille qu’il avait sous le nez.

« J’en peux plus » répéta LG, « j’étouffe. Mes parents m’étouffent. Ils ne comprennent rien, ils vivent dans un autre monde, celui des croulants sans doute, complètement dépassé. C’est une vraie révolution, tout change et eux, ils ne voient rien. Pire, ils refusent de le voir, ils refusent de changer. Mais, c’est toi qui avait raison, l’avenir n’est pas ici, bientôt, nous pourrons conquérir des planètes entières et nous, nous restons là à résoudre des problèmes de physique et à potasser le programme du bac qui ferait bien d’être remis au goût du jour. C’est dépassé tous ca. Tout est dépassé ».

- T’es pas bien toi. C’est les cochonneries que tu manges qui te montent à la tête, ca te fais puer le gingembre

- Non, si, Au contraire » s’exclama Lull sautant soudain sur le lit de David, « je n’ai jamais été aussi bien, si lucide, l’avenir s’offre à nous David. Mais ce n’est pas en passant le bac à quinze ans qu’on révolutionnera le monde, il faut vivre la vie, pas l’étudier. Il faut découvrir le monde, découvrir l’univers.

- Bien sur et comment comptes-tu t’y prendre ?

David se moquait de lui. C’était sans importance, il le laisserait tomber, voila tout."Il faut trouver les bonnes personnes. La chance est à nos portes et nous la regardons passer sans la saisir.

- Que veux-tu dire ?

- Malta » s’exclama-t-il

« Monsieur Malta ? Celui qui nous a fait ses conférences ?

- Oui, il travaille avec les Maÿcentres. Tu savais qu’il avait fait ses études ici ? Mais il ne s’en est pas contenté, il n’a pas attendu les bras croisés en regardant la télévision quand les autres ont débarqué, non, de suite, il est allé les trouver, il a appris leur culture et peut-être sera-t-il dans les premiers à aller là-bas.

- Je croyais que ca ne t’intéressait pas.

- Je le pensais aussi, et d’un coté, c’est vrai, ce n’est pas les Maÿcentres qui m’intéressent, ce que je veux, c’est réussir ma vie, devenir quelqu’un, être reconnu et si tout cela passe par les Maÿcentres, alors, je passerais par eux aussi. Tu savais que Monsieur Malta connaissait mes parents ?

- Tu m’as dit oui. Tu m’as dit aussi qu’il t’avait dit que c’était quelqu’un de pas fréquentable et que l’honneté n’était pas son fort.

- C’est sur, il faut mieux être honnête et croupir ici plutôt que de faire quelques petits écarts et conquérir l’univers entier.

- T’es fou toi, occupes-toi plutôt de l’exercice pour demain.

- T’es bouché ou quoi ! Monsieur Malta, il est là maintenant. Une fois qu’il aura fini ses interventions, qui sait où il ira ? Il repartira sans doute aux Etats-unis travailler avec ceux des Maÿcentres et l’occasion sera passée.

- Tes parents n’accepteront jamais que tu fasses quoi que ce soit avec lui.

- Il s’agit de ma vie, pas de celle de mes parents, ils ne peuvent me cloisonner ainsi.

- Et qu’est ce que tu comptes faire ?

- Je me casse, je m’en vais, BASTA

Maïcentres

Umia regardait la pale lueur de l’aube à travers les vitres fumées.
La nuit était passée. Il n’avait pas fermé l’œil. Quand il rejoignait Réalité, il ne dormait jamais. Il passait la nuit rongé par le remord et la honte, se disant que se serait la dernière fois et qu’il ne reviendrait plus et pourtant, il la retrouvait toujours. Il avait été trop direct avec la Syhy Lytïl, sans doute côtoyer les gens de Plume ne lui réussissait pas, il attrapait leurs manies. Elle était partie sans répondre à sa question. Ca faisait plusieurs mois de cela et il n’avait pas trouvé comment organiser une autre encontre.

Réalité bougea dans son sommeil et se blottit contre lui. Il se retourna vers elle et enroula plus étroitement son bras autour du corps nu de la jeune fille qui parut sourire dans son sommeil. L'idée de tout abandonner l'effleura. Officialiser sa relation, ignorer les remarques, se contenter d'une vie simple et oublier.
« Sauvage Réalité, voudrais-tu vivre avec moi ?
- Pourquoi faire ? » murmura-t-elle dans un demi sommeil.

Pourquoi faire ? C'était une bonne question « Comment imagines-tu l’avenir Réalité ?

La jeune fille se tourna vers son amant et ouvrit les yeux. « Je le vois chez moi, en Cashir. Libre. Sans personne pour nous dire ce qu’on doit faire, ni les mondes extérieurs, ni les magiciens Adarii.

- Et moi dans tout ça.

- Quoi toi ?

- Tu m’abandonnerais.

- Pourquoi, tu viendrais en Cashir ? »

Voilà une idée à laquelle il n’avait jamais songé.

« Tu crois qu’on m’accepterait en Cashir ?

- C’est mon père qui décide, si je lui dis de t’accepter, il le fera » dit-elle continuant à l’embrasser. « A condition que tu nous sortes de l’esclavage évidemment.

- Et tu me prendrais pour compagnon ?

- Il ne faudrait pas exagérer, la fille de Cyril avec un Sy de Vengeance ! Ca ne fait pas sérieux. »

Terre

LG hésita. Quand David lui avait dit qu’il connaissait l’adresse de Thibault Malta, il y avait vu un miracle du destin. David lui avait dit avoir discuté avec Monsieur Malta après une conférence et ce dernier lui avaitparlé d'une opportunité. Evidement, David avait refuser d'écouter. C'’était juste un mensonge pour cacher la véritable raison de son refus. David etait mort de trouille. Il fusait la peur par tous les pores de la peau. Il était faible. Mais lui n’était pas comme son ami, il saurait prendre son avenir en main. Ses parents n’étaient pas encore rentrés, ils travaillaient tard dans ces boites minables où ils se faisaient exploiter sans espoir d’être un jour autre chose que de simples petits ingénieurs. Pire, sans même l’ambition de viser plus haut. Il avait réuni quelques affaires, un peu d’argent, et il était parti.
« Tu ne comptes pas sérieusement faire une fugue » s’était exclamé David quand il lui avait fait part de son projet. Décidemment, il ne comprenait rien celui là, il ne fuguait pas, il partait réussir sa vie.
« Surtout, tu ne dis rien à mes parents » avait-il presque ordonné à David. Devant l’indécision de son ami, il l’avait forcé à le regarder droit dans les yeux et avait répété son ordre avec plus de conviction. Il avait bien remarqué qu’il arrivait à demander aux autres de faire n’importe quoi il agissait ainsi, ils obéissaient toujours. Il avait expérimenté pas mal de chose dans le genre. Sur le fils du voisin d’abord puis sur tout le monde en général mais jusqu’à maintenant, jamais il n’avait utilisé cette tactique avec ses proches. Il avait ressenti une légère culpabilité à agir de la sorte mais voir avec quelle conviction David lui avait assuré ensuite qu’il ne dirait rien lui avait oté ses scrupules. C’était pratique et il pourrait faire de même avec Thibault Malta s’il ne lui donnait pas ce qu’il voulait. Oui, il avait les moyens en main pour réussir. Son moment de doute était passé, il se remit en marche plus assuré que jamais.

Il hésita en remarquant les volets de la maison du coin de la rue ouverts. Le vieux Enki n’était pas revenu depuis plusieurs mois. LG hésita, il voulait être loin quand ses parents rentreraient. Le vieux Enki était ce qui ressemblait le plus à un confident pour lui. Malgré son age il était toujours de bons conseils. Il ne le jugeait jamais. Il se décida pour frapper à la porte, juste histoire de lui dire au revoir pensa-t-il.
Personne ne répondit mais la porte était entrebâillée aussi il décida d’entrer. Il voulait éviter qu’on le remarque dans la rue. Le vieil homme était dans le salon. Il y avait une lueur bizarre autour de lui, un peu bleutée et il entendait une voix. Enki se retourna et plus par réflexe qu’autre chose, LG lui ordonna de ne pas le voir.

Le vieil homme fronça les sourcils, la lumière reprit une teinte normale et la voix disparut tandis que le sourire d’Enki s’élargissait. "Lull, comment vas-tu ?"

Merde, sa technique d’espionnage. N’était pas encore tout à fait au point. "Vous faisiez quoi ?

- Rien de spécial, tu veux un gâteau ?"

Lull secoua la tête. "Il y avait une lumière bizarre."

Enki regarda autour de lui. "Je ne vois pas.

- Et une voix aussi.

- C’est possible, j’écoutais un message enregistré.

- De qui ?"

Enki se dirigea vers sa cuisine "Ca va peut-être suffire pour aujourd’hui l’interrogatoire. Est-ce que je te demande moi la liste de toutes les personnes que tu croises ?"

Lull se rendit compte qu’en effet, il était entré sans demander et qu’il devenait indiscret. Il s’assit à la table de la cuisine et accepta une part de cake. Après quelques bouchées, il se lança : "Je venu te dire au revoir."

Enki se contenta de sourire. Lull précisa. "Je m’en vais, je ne suis pas fait pour vivre ici."

Enki lécha la pelle à tarte avant de répondre. "Et tu sais où tu vas ?"

Lull fut surpris, il s’attendait à devoir se justifier. Il profita de l’aubaine, il avait besoin de vider son sac.
"Il y a un mec qui bosse avec les Maÿcentres à l’école. Il s’appelle Malta. Mon père le connaissait. Je voudrais le convaincre de me prendre comme assistant où un truc du genre.

- Thibault Malta" reprit Enki

"Vous le connaissez ?

- Un peu.

- Vous le connaissez d’où ?

- Tu as raison. Il peut ouvrir des opportunités intéressantes. Va voir Malta mais évite de te faire voir des Maÿcentres.

- Au contraire" dit LG, c’est là toute l’idée, c’est avec eux qu’il faut bosser pour avoir de bonnes perspectives d’avenir.

- Mhm" fit Enki sans conviction en se levant. Il se dirigea vers la porte et l’ouvrit invitant Lull à sortir. "Vas voir Malta, il a un large panel de défauts mais n’est pas idiot. Il te dira la même chose que moi mais pourra t’ouvrir d’autres portes."

Lull sortit. Parfois le vieux débloquait grave. Il regrettait de lui avoir parlé. Il se demanda s’il ne risquait pas de cracher le morceau à ses parents. Il fit demi tour. Il fallait absolument qu’il empêche le vieux de parler mais le bus approchait. Il hésita et finit par décider que le plus urgent était de mettre de la distance entre ses parents et lui. Il pressa le pas, monta dans le bus, fouilla dans ses poches afin de trouver sa carte et se rendit compte qu’il l’avait oublié. « Merde » murmura-t-il. Il hésita entre retourner la chercher ou donner un peu de monnaie au chauffeur avant de se reprendre et de hausser les épaules, s’il y a un contrôle, je ferais croire au controleur que j’ai payé pensa-t-il et il s’assit au fond du bus. Il regarda par la fenêtre la maison du coin de la rue. Les volets étaient refermés.

Maïcentres

Umia éloigna la jeune fille qui s'était rendormie. Il se leva sans un mot. Il y avait trop longtemps qu'il était avec elle. Il s'amollissait au point de remettre en question ses projets. Cette fille la manipulait au point qu'il ait songé quelques secondes à tout abandonner. Bien sur, sa relation avec elle n'avait pas été inutile. Elle lui avait appris des choses inimaginables. L'existence de mystérieux moyens de défenses des Adarii, elle lui avait parlé aussi d'objets magiques que possédait son père tel son collier. Elle portait aussi une chaine métallique autour des hanches. Elle disait que les Adarii les utilisaient pour éviter d'avoir des enfants. Les Adarii étaient obnubilés par les enfants. Ils avaient beaucoup de difficultés à en avoir. Pourquoi auraient-ils conçus des moyens contraceptifs aussi étranges qu'ils soient. Ou alors Réalité lui avait menti. Il était vraiement tant de partir. Umia scruta la chambre à la recherche du collier. Avant meme de le voir il sentit son attraction. Il s'approcha, décidé à l'emporter et revint sur sa décision. Il ne tricherait pas. Il jeta un dernier coup d'oeil à Réalité, et encore une fois il songea à tout abandonner et rester avec elle. Il ne pouvait compter sur personne. Il continuerait mais seul.

Rapport de la troisème année :

- Au sujet de Dyasella Lytil : De sérieux indices laisseraient à penser qu’elle a été la maîtresse d’Orage quand ils étaient sur les Maÿcentres. Je pense qu’elle devrait être de notre coté mais elle ne s’impliquera pas.

- Miroir a de nouveau tenté de passer les barrages vers la Terre mais il s’est fait prendre et il est à craindre qu’il n’ait plus l’autorisation de s’approcher de cette planète.

- En conclusion : J’ai acquis la certitude que les terres Adarii de Plume sont libres mais nous ne pourrons nous en approcher.

Umia espérait que ce rapport suffise pour que Marcus Substance cesse de s'occuper de ses affaires. Il replia la fine feuille métallique et leva les yeux. Un jeune garçon était devant lui.

« Paraît que t’as du courrier pour moi l’vieux.

- Tu es en retard » dit-il en lui tendant la feuille. « Tu remettras ça à ton Maître.

- C’est le tien aussi.

- Non. Tu lui diras que je démissionne

- On n’abandonne pas Maître Substance. Lui, il peut te virer mais toi, tu ne peux pas partir.

- D’ou viens-tu pour être aussi impertinent ?

Le petit le regarda droit dans les yeux. « D’où, de quand, quelle importance ». Dit-il en lisant la missive. « Allez, je m’occupe de la Syhy et toi, tu continues.

- Non, je ne veux plus rien avoir à faire avec lui. Si tu as peur de lui dire, contente-toi de lui remettre ma lettre et s’il est si puissant, il n’a qu’à aller voir les Adarii lui-même.

- Hé, tu le vexes là. Allez, fais ton job » dit-il encore en rendant la feuille à Umia. Encore une chose, « arrete de réver, la réalité, ca a du bon.


AP : 1. Vengeance : Chapitre 10

10
"Quand le déshonneur est public, il faut que la vengeance le soit aussi. "
[Beaumarchais]
Le mariage de Figar


Terre

« J’ai aperçu la femme du président de ton club de hocket en faisant les courses" dit Hélène en posant le plat sur la table

- Ha oui ! Comment va-t-elle ?

- En voilà une nouvelle passionnante » grogna LG avachi sur sa soupe.

« Et toi alors » reprit Hélène le ton de sa voix s’élevant légèrement. « Raconte-nous ta journée, tu ne nous dis jamais rien.

- Pour raconter des trucs aussi nuls que les tiens, je préfère me taire.

- Lull ! » se facha Mike, « on ne parle pas ainsi.

- C’est LG qu’on m’appelle. G comme Giolani et pas Gentry parce que ce serait trop facile de faire le père parfait alors que pendant mes dix premières années tu courrais les filles plutôt que de t’occuper de moi. Et c’est pas parce que tu as mis ton nom sur ma carte d’identité que je vais le porter Et avec un L parce que Lull c’est pas un prénom mais une lubie de ma mère.

- Tu vas cesser de faire ta mauvaise tête, tu es infernal ces temps-ci. Alors tu te calmes, tu débarasses la table et tu nous racontes ta journée.

- Mortel » soupira Lull poussant son assiette plus loin sans faire mine de la ranger.

« Ha si » dit-il souirant enfin. « Y a un mec qui est venu, un certain Malta ».

Hélène et Mike s’immobilisèrent, Hélène fusillant son mari du regard avec tant de reproche qu’il n’y avait que Mike assez bête pour ne pas le remarquer. Ce dernier s’adressa à son fils.

« Thibault Malta ?

- Oui, ton pote qui était passé l’année dernière. Je ne l’avais pas reconnu de suite.

- Qu’est-ce qu’il t’a dit ?

- Rien, il m’a demandé si j’étais pas le fils Gentry.
C’est là que je l’ai reconnu. Ensuite il m’a demandé comment je m’appelais. Je lui ai dit Lull. Il s’est moqué de moi comme toute personne normalement constituée qui entend un prénom aussi stupide et m’a répliqué qu’on était en Franceet qu'on traduisait Accalmie. »

Mike et Hélène se regardèrent de nouveau.

« Très con comme réflexion » marmonna Lull « on me l’avait jamais faite celle-là.

- Qu’est ce que Thibault manigance encore à faire les sorties des Lycées ? « Hélène s’adressait maintenant à Mike. Lull fit semblant de ne pas le remarquer. Si on lui demandait de parler c’était pas après pour qu’elle l’ignore en faisant la conversation à son mari. Il leva la tête, intrigué par la colère et la crainte subite de ses parents et soupira bruyament. Pourquoi fallait-il toujours qu’ils se fassent une montagne de rien.

« Il ne fait pas la sortie des Lycées maman. Il est venu faire une série conférence. Le directeur de l’école veut qu’on soit les premiers formés pour bosser avec la confédération. Le fait de nous bassiner à apprendre leur langue ne lui suffit plus apparemment. Vous saviez que monsieur Malta bossait avec eux ?

- Thibault professeur. On ne va pas tarder à te faire changer d’établissement scolaire. »

LG jeta sa cuillère sur la table. « Voilà, je fais des efforts pour vous dire quelque chose et vous, vous voulez me faire changer de lycée et après vous vous étonnez que je ne raconte rien. Moi, je l’ai trouvé plutôt cool monsieur Malta et il réussit mieux que toi. Il a même acquis un statut important et il gagne mieux sa vie que vous. Il voyage sans arrêt. Vous êtes des ringards, vous ne vous tenez jamais au courant de rien mais moi, je ne suis pas comme vous, j’ai de l’ambition et monsieur Malta, il disait que la base des Maÿcentres elle aurait besoin de gens comme nous et qu’on pourrait même y faire des stages. »

Mike se leva et tapa rageusement du poing sur la table.

« Lull » cria-t-il, « tu arrêtes de parler ainsi, tu n’es qu’un gosse et tu n’y connais rien.

- Parce que toi, tu y connais quelque chose sans doute ! »

Les poing de Mike se serrèrent. « Je refuse que tu fasses quoi que ce soit avec les mondes extérieurs » hurla-t-il. « Ni avec eux ni avec Thibault. »

LG ne l’avait jamais senti si faché, sa colère en était presque douloureuse mais loin de le calmer, elle attisa sa propre rage. Il se mit à rire, d’un rire nerveux. Ces parents étaient pathétiques, de vieux croutons dépassés « les mondes extérieurs. C’est comme ca que tu appelles les Maÿcentres. Je te reconnais bien là, il y a nous et puis les autres, très loin, dont on ne parle pas, extérieurs.

Maïcentres

Les révélations de Luico au sujet d’une relation potentielle entre la Syhy Lytil et l’Adarii Orage m’ont trotté en tête pendant des jours. Issu de la bouche d’un autre que Luico, je n’aurais jamais pris en compte de tel propos. Dans un premier temps, j’ai tenté de passer en revue chaque possibilité.
La première, celle qui m’a paru la plus probable était que Luico ait pu se tromper. Après tout, la version officielle tient debout. Orage regarde un peu trop la jolie Dyasella, ce qui est bien compréhensible car la fille est très jolie et les Adarii n’ont aucune pudeur tout comme tout ceux de Plume et ne se préoccupent nullement des lois en vigueur. Ryun s’offusque dans une stupide pulsion typique de son jeune age de l’époque, fait un scandale qui met fin à la soirée. Et voilà, affaire classé.
Toute cette théorie tient debout à un détail près. A la fin de cette réception, il y avait dû forcement y avoir une explication entre Orage et le président. Il était reconnu que le président Eysky se faisait toujours accompagné de Luico quand il était en présence des Adarii. Président ou pas, il en avait aussi peur que touten chacun et ne leur faisait pas confiance, à juste titre. Donc Luico devait en savoir beaucoup plus que les simples allusions dont il m’a fait part. Je pense qu’il m’a mis sur la voie qu’il savait être la bonne mais n’a pas pu en dire plus étant dans l’incapacité morale de trahir une conversation de son président. Il a toujours été un bon garde du corps.
Cette déduction a fait basculer ma réflexion à un autre niveau. L’hypothèse que je me refusais d’admettre s’imposant à moi. Dyasella avait eu une liaison avec Orage et Ryun l’avait su. Evidemment, pour une telle raison, on comprend mieux qu’il fasse un scandale, devant Orage Taegaïan. Même si son comportement ne pouvait que déboucher sur un échec. J’ai donc travaillé l’hypothèse selon laquelle Dyasella et Orage avait eu des rapports disons, peu avouable.
A partir de là, deux possibilités s’offrent à moi.
La première c’est qu’Orage l’ait forcé. Orage n’aurait eu aucun mal à la manipuler pour qu’elle accepte. De toute façon, ils utilisaient leurs talents pour convaincre n’importe qui de n’importe quoi
Luico m’avait dit qu’elle avait défendu Orage. Mais là aussi elle avait pu le faire par peur des représailles ou alors il avait pu l’obliger à prendre sa défense.
La deuxième possibilité est qu’elle ait fait cela de son plein gré. La aussi, les implications sont énormes. D’abord, elle défiait sa culture. Elle n’aurait pas été la seule jeune fille de Vengeance à avoir des rapports avant son union Le véritable scandale n’était pas d’avoir perdu sa virginité. Non, ce qu’il ne fallait pas c’était que ca se sache. Mais on ne parlait pas d’amourette. Avoir des relations avec quelqu’un comme Orage, c’est plus que malsain et Je vois mal Orage tomber amoureux d’une fille comme Dyasella. Contrairement à beaucoup de monde, Je pense que les Adarii sont capable d’aimer. Mais uniquement ceux de leur race. Surement pas une simple fille de Vengeance aussi belle soit-elle.

Afin d’éclairer ces réflexions qui m’obnubilaient, j’en ai parlé autour de moi. De façon discrète et détournée évidemment. J’ai eu la chance de rencontrer par hasard une ancienne connaissance. Une jeune femme des Maÿcentres employée au complexe et en plus assez libertine dans ses discours. Je lui ai demandé dans la conversation sur le ton de la plaisanterie si elle n’avait jamais entendu parler d’une fille assez folle pour avoir des vues sur Orage Taegaïan, la réponse a dépassé toutes mes espérances.

« Le sorcier garde du corps de notre ancien président. Voilà un nom surgi d’un autre temps. Mais demandez-moi plutôt qu’elle fille n’en avait pas rêvé.

- Vous voulez dire que vous, enfin quelqu’un... » J’ai eu du mal à trouver mes mots. Déjà un discours aussi léger est difficile à soutenir mais en plus je me sentais très grossier de poser ce genre de question.
Heureusement, elle ne m’a pas laissé finir. Elle a dû deviner de quoi je voulais parler et s’est indignée ce qui semble normal en pareille circonstance

« Bien sur que non. Personne n’aurait ne fut-ce qu’oser toucher Orage. Vous avez demandé si les filles travaillant aux complexes avaient des idées peu avouables. Je dis des idées, bien sur. Pas plus évidemment. N’empêche qu’on le voyait parfois traversant les salles de travail. C'était le plus bel homme que je n’ai jamais vu. Faut dire aussi que ce n’était pas vraiment un homme. Qu’est-ce qu’on pouvait avoir peur quand on le voyait arriver. Mais qu’est-ce qu’on pouvait regretter aussi quand il était parti. Le plus impressionnant, c’est de penser qu’il devait le sentir. »

Cet entretien m’a beaucoup perturbé. C’est pourquoi j’ai mis tant de temps à le relater. Il m’a amené beaucoup de réponses mais encore plus de questionnements. J’avais été bien trop rationnel en pensant qu’il était impossible que Dyasella se retrouve volontairement dans les bras d’Orage. Le cœur des femmes n’est pas rationnel. Mais Dyasella semble avoir une personnalité hors du commun pour oser faire ce genre de chose. Ce détail est important pour la suite. Il m’a donné quelques idées. J’y reviendrais plus tard. Pour l’instant, je vais en revenir à l’entretien avec ma secrétaire du conseil. Je lui ai ensuite fait remarquer qu’elle était la première à me sortir de tels propos et que je savais que les Adarii n’étaient pas disons, très apprécié.

- Vous, Umia, » m’a-t-elle dit « Vous vivez dans l’ombre de la colline du conseil.

- Que voulez-vous dire ?

- Vous avez passé trop de temps là-haut, vous en avez oublié le monde réel.

- Je n'y suis pas resté tant que ca, la plupart de mes années de conseiller, je les ai passé sur Terre.

- C’est pareil, à force de vivre avec les grands de ce monde, on finit par oublier le reste. Vous savez que chaque jour, je prends le funiculaire pour me rendre sur la colline. Chaque jour, je regarde par les vitres le plateau et les basses-villes disparaîtrent dans la brume pendant que je m’élève vers le ciel. Savez-vous combien de gens peuvent faire cela ? Combien de personnes ont accès à ce funiculaire ?

- Qu’est ce que j’en sais. Plusieurs milliers sans aucun doute, voir dizaines de milliers et je ne compte pas les visas journaliers .

- Oui, vu comme ça, ca fait beaucoup, mais en fait, il y une personne sur deux cent millions qui en a l’accès. Et là, même si le nombre est le même, c’est de suite plus grisant. Je ne suis qu’une simple secrétaire, mais j’ai ce privilège.

- Et moi je ne l’ai plus.

- Non Sy Umia, vous ne l’avez plus. Pourtant, vous avez encore la vision de ce monde. Reprenez vos Adarii, détestés de tous. Demandez aux gens de votre monde, ou plutôt de votre ancien monde ce qu’ils pensent d’eux. Mais je suppose que vous l’avez déjà fait. Une bonne partie, voire même une grosse majorité vous dira qu’ils sont cruels, prétentieux et arrogants. Qu’ils se complaisaient à jeter une sacrée pagaille partout, en particulier dans leurs projets. Qu’il n’y avait pas moyen d’obtenir le moindre compromis avec eux, qu’ils n’avaient aucun respect des lois et encore moins des convenances et j’en passe. Je pense que la plupart de nos dirigeants ont été soulagés de leurs départs. D’ailleurs les petites magouilles reprennent dans les jardins. Dis autrement, il y a presque une personne sur deux cent millions qui refuserait catégoriquement le retour des Adarii.

- Et les autres ?

- Sy Umia s’intéressant aux autres ?

Que connaissent les gens des villes des Adarii ? Pensez-vous sincèrement que le président Eysky clamait partout les insubordinations et les plans pervers de ses protecteurs ? Non, les autres, eux, voyaient le président protégé par de puissants et mystérieux sorciers dans leurs tenues somptueuses, leurs bijoux et leurs maquillages dorés ou argentés dégageant une aura de séduction et de craintes. »

Je suis sorti de cet entretien métamorphosé et j’ai totalement revu mes stratégies sur une nouvelle base.

Synshy est toujours mon but premier mais je commence à percevoir des projets de bien plus grande ampleur. Il me semble soudain possible d’établir une nouvelle politique dans laquelle la Syhy Lityl prendrait une place majeure. Mais n’allons pas trop vite à ce sujet. Je ne connais pas encore suffisamment la Syhy pour l’instant. Je l’ai revu à une autre réception où Luico a réussi à m’avoir une place. De la rapide dicussion que nous avons eue, elle m’a paru intelligente et raisonnable mais il est difficile d’avoir de vraies conversations au milieu de ces soirées. J’ai établi un plan qui m’a paru digne d’elle. Je lui ai fait passer un message par son domestique n’ayant pas accès aux hauteurs. Quelque chose d’intrigant à mon sens. Typiquement le genre d’allusion qu’une fille bête ne comprendrait pas et qu’une fille sage refuserait. Si elle a les qualités essentielles à mon projet, autrement si elle n'est ni bête ni sage, elle devrait venir à mon rendez-vous »

Au moment où il enregistrait ses mots, murmurant discrètement dans un coin de la salle, Umia aperçut la jeune femme en question à l’autre bout de la salle. Elle le cherchait. Elle est venue pensa Umia. Une pauvre jeune fille de bonne famille qui en plus s’était fait abuser dans son jeune age ne serait jamais venu, et seule en plus, à ce genre de rendez-vous totalement déplacé. Par contre une jeune aventurière en quête de sensations fortes n’aurait pas hésité. Maintenant, il savait à qui il avait affaire. Il ne pouvait s’empêcher de regarder la jeune femme. Elle ne l’avait pas aperçue. Elle n’avait pas voulu se mettre en avant par des marques distinctives de son rang mais n’avait pas nom plus caché son visage comme le faisait certaines personnes honteuses d’être dans un endroit peu fréquentable. Elle paraissait aussi digne dans cette salle commune des basses villes que dans les réceptions de la haute société. Ce qu’il savait d’elle aurait dû le dégoûter. C’était ses comportements à lui qui le dégoûtait plutôt. Lui aussi avait trahi ses valeurs pour un rêve. Un rêve du nom de Réalité. Pendant quelques temps il s’était plus à penser que c’était le charme induit par son collier qui lui avait fait perdre la tête mais même quand elle ne le portait pas, elle l’attirait toujours autant. Encore un mystère de plus ce bijou. Il secoua la tête se forçant à ne plus y penser. Il devrait remédier à ce problème, mais plus tard. Dyasella l’avait vu et se dirigeait vers lui, il l’aperçut et se leva précipitamment.

Maïcentres

Dyasella l’avait enfin repéré. Cette salle n’était décidément pas le genre de lieu dont elle était habituée. Trop grande, trop de monde, trop bruyante. Ce Umia aurait pu trouver un endroit un peu plus confortable et mieux fréquenté. D’un autre coté, elle ne risquait pas de rencontrer du monde connu.
Pourquoi se levait-il se demanda-t-elle irritée en voyant Sy Umia quitter précipitamment sa chaise. Veut-il vraiment me faire remarquer. Ne comprenait-t-il pas que je voudrais être discrète. Dyasella s’assit pourtant sans rien dire sur le fauteuil vide et d’un geste proposa à Umia de se rasseoir avant de sortir la petite pièce de bois rose et la poser sur le jeu.
« Je peux savoir les règles du jeu ? » demanda-t-elle. Elle n’irait pas minauder en tournant autour du pot. Il l'avait fait descendre dans les basses villes, elle aurait des réponses et vite.

« Trouver de alliés pour acquérir le plus de puissance pour atteindre son but, bien entendu.

- Et Plume est votre alliée ?

- Les puissances Adarii n’ont que faire de ma petite personne.

- Les sorciers Adarii ont été vaincus par les puissantes Maÿcentres.

- Il paraît oui. En tout cas c’est ce que dit le président Synshy

- Et vous n’y croyez pas ?

- Longtemps je me suis posé la question, et maintenant, Je suis sur que non

- D’où viennent les produits issus de Plume alors ?

- De plume en effet, mais pas des terres Adarii ; ils viennent de Cashir, une campagne de libre de Plume. Un continent qui est hors de la juridiction des Adarii. Les Maycentres se sont fait jetés dehors proprement par ce que vous appelez des sorciers et Synshy en a sans doute eu tellement honte qu’il s’est jeté sur la pauvre campagne libre pour l’exploiter et faire croire qu’il était le libérateur de Plume.

- Vous êtes en train d’accuser de mensonge votre président Sy Umia. Pour qui vous prenez vous à parler ainsi ?

- Je suis désolé, vous avez raison, j’exagère. Je n’aurais jamais dû parler de cela devant une noble Syhy. Ni devant personne d’autre d’ailleurs. Je vais me retirer et plus jamais vous n’entendrez la moindre calomnie de ma part.

- Attendez, restez assis. » Il ne lui avait pas fait traverser la ville pour disparaître avant de lui avoir tout dit. Pourquoi lui avait-elle parlé ainsi, aussi ? Réflexe sans doute. Elle n’en avait rien à faire de Synshy et son cœur avait soutenu les mouvements de foule contre l’intrusion de Synshy sur Plume. Savoir que Plume avait survécu la mettait en joie.

« Que voulez-vous Sy Umia ?

- J’ai peur que la réponse ne choque vos prudes oreilles

- Je n’ai pas de temps à perdre. Dites-moi le but du jeu et je vous dirais si je veux entamer la partie avec vous.

- Je veux dénichez ce que le président nous cache au sujet de Plume, je veux dénoncer ses complots, je veux renverser son autorité et mettre quelqu’un à sa place qui soit digne de gouverner avec moralité et justice ».

Dyasella se recula imperceptiblement. Ca dépassait l’entendement.

« Qui êtes-vous Sy Umia ?

- Un simple diplomate d’une petite ville sans importance issue d’une petite noblesse de Vengeance.

- Dans ce cas là vous n’auriez pas de telle prétentions.

- Alors demandez moi qui j’étais.

- Je vous le demande

- J’étais le plus jeune conseiller de Vengeance à siéger au conseil des Maÿcentres. J’ai été promu responsable du projet Archuleta au coté de l’Adarii Glace Taegaïan. A nous deux, nous avions la gestion de toutes les relations avec la Terre et, du jour au lendemain, je suis devenu un simple diplomate d’une petite ville sans importance issue d’une petite noblesse de Vengeance.

- Le président vous a envoyé dans un trou perdu parce que l’Adarii Glace vous accordait sa confiance.

- Et l’Adarii Orage aussi. Oui.

- Et vous voulez vous venger. N’est-ce pas un peu excessif ?

- Je viens de la planète Vengeance. Le statut que j’avais, je le devais à Orage Taegaïan, celui que j’ai maintenant, je le dois au président Synshy. Où pensez-vous que doit aller ma loyauté ?

- C’est de la trahison ce que vous dites là.

- Ici, c’est une démocratie, nous avons le droit de dire ce qu’on pense et nous avons le droit de proposer un autre président si l’actuel ne nous convient pas. Après tout, Synshy ne peut pas m’en vouloir, il est parti en guerre contre les terres Adarii justement pour les sauver de leur régime dictatorial. En tout cas c’est ce qu’il a dit.

- Et vous vous imaginez vous présenter comme président et vous espérez mon soutien sans doute.

- Moi, pas le moins du monde. La démocratie à des limites. Le peuple aime l’idée que n’importe qui puisse atteindre le pouvoir suprême, mais, ce qu’il souhaite au final c’est y voir quelqu’un qu’il admire. C’est pour cela que les présidents sont si souvent issus de la haute noblesse. C’est pour cela aussi que le peuple était contre une guerre envers les Adarii. On ne s’attaque pas aux mythes. Non, je voudrais que vous, vous vous présentiez à la présidence, et vous aurez mon soutien »

Dyasella, s’appuya sur le dossier de son fauteuil le temps de digérer les propos d’Umia. « Vous plaisantez, je n’ai jamais fait dans la politique et je n’ai jamais eu de telles prétentions.

- Alors c’est quoi vos prétentions ? Etre l’épouse du Syhy Eisky ? Non, sa compagne plutôt. »

Dyasella se sentit bouillir de colère. Le président avait raison de s’être séparé de lui. Etre la compagne du conseiller Ryun Eisky, fils de l’ancien président faisait pâlir de jalousie de nombreuses filles. Elle n’avait pas besoin de travailler, elle était issue de la plus haute noblesse de Vengeance. Mais tout ça ne lui suffisait plus, elle avait besoin de plus. Elle avait toujours voulu plus.
« Et qu’est ce qui vous fait dire que j’ai mes chances ? » se surprit-elle à demandé devant les propos grotesques d’Umia.

« D’abord, vous faites partie d’une famille que tout le monde admire, en plus, vous êtes très belle ce qui renforce encore l’admiration.

- Ce n’est pas suffisant, il faut proposer quelque chose qui plaise au peuple et qui soit compétent. On ne peut pas proposer de nouvelles élections juste parce que je suis Syhy Lytil ! Même si on arrive à prouver les complots de Synshy

- Mais vous avez raison, vous devez proposer quelque chose qui plaise. Que pensez vous de la liberté, c’est un joli concept ?

- La liberté pour quoi, pour qui, tout le monde est libre

- Pour Saphir et Plume déjà.

- Qui pourrait voter pour la liberté de Saphir et Plume ?

- Tous les habitants de Saphir et Plume.

- Mais ces planètes ne font même pas partie de la confédération Vengeance-Maÿcentres

- Synshy a dit qu’elles étaient passés sous son contrôle et cela pour les libérer de la dictature. Donc c’est qu’elles ont le droit de vote.

- Vous disiez que Synshy avait menti sur ce sujet ?

- Ca n’a pas d’importance, ce qui est important, c’est qu’il ait dit que Plume et Saphir étaient passées sous sa juridiction. A partir de là, ces planètes ont les mêmes droits que nous.

- Je vois le raisonnement. Mais il ne tient pas. Si les Adarii les dirigent toujours, ils n’accepteront pas de faire voter leur peuple comme si c’était une simple colonie des Maÿcentres.

- Faut voir, ce qu’on leur propose en échange. il s’agirait de les convaincre de les faire voter pour ensuite qu’on leur fiche la paix. Voir on peut leur fournir un peu de carburant pour leur vaisseau. Ils aiment ça. On peut aussi proposer de récupérer leur place au conseil, mais je ne suis pas sur que ça les intéresse, l’ouverture de la Plate -forme vers les Maÿcentres.

- Ca commence à faire beaucoup, et ils ont trop d’orgueil pour accepter. En je ne suis pas sur que le peuple des Maÿcentres et de Vengeance soit près à voir les Adarii revenir.

- Vous plaisantez ? Les conseillers sûrement pas mais le peuple a toujours été fasciné par les Adarii. En plus, je ne pense même pas qu’on ait besoin d’aller jusque là. La seule idée de chasser Synshy de la présidence devrait suffire à les convaincre.

- Je ne suis pas sûre, ils ne pensent pas comme nous. Ils sont capables de colères sans limite mais n’ont aucune rancune. Si vraiment ils ont réussi à chasser les Maÿcentres, ils se souviendront de Synshy de la même façon qu’on se souviendrait d’un petit animal insignifiant qui nous aurait griffé six ans auparavant.

- Petit animal qui pourrait griffer à nouveau. Cependant, je suis d’accord. Ce n’est pas évident. Rien que pour ça, il faudrait savoir ce que trame exactement Synshy, arriver à vaincre les barrages pour accéder à Plume, négocier avec les Adarii. Mais je n’ai jamais dit que ce serait facile.

- Mais ce n’est pas tout, les deux planètes sont peu peuplées, ce ne suffira pas à nous accorder le nombre de voix nécessaires.

- Je pense que sur Vengeance, votre statut devrait vous assurer un bon soutien.

- Juste sur la première province-continent. Et encore.

- Ryun Eïsky peut vous apporter un paquet de voies sur les Maïcentres

- Ryun est prétentieux et arrogant. Jamais il n’acceptera de me soutenir. En plus, il déteste les Adarii, lui il est rancunier. » Dyasella vit une lueur de curiosité dans l’œil d’Umia et elle regretta d’en avoir dit autant. Pourtant il ne fit pas de réflexion ce qui la soulagea

- Ha là, j’admets ç’est embêtant, voilà qui contrarie mes projets.

- Vous pensez qu’il ne pourrait pas juste vous soutenir sans s’impliquer ?

- Ryun et moi, nous sommes séparés. Pas officiellement, bien entendu. Nous n’avons jamais vraiment été un couple uni.

- Voyez vous, si je récapitule, il faut convaincre les Adarii de dénoncer les diffamations de Sinshy et de faire voter leur peuple ; A partir du moment ou ils leur demandent, ils le feront. Les campagnes libres de Cashir seront ravies de nous donner leurs voix. Il ne faut pas négliger les Plate-forme de plissement, personne ne s’en préoccupe de ceux-là, mais ca fait tout de même quelques centaines de milliers de personne. Pas loin d’un million en fait. Même si c’est très peu, ce n’est pas à négliger ainsi que les planètes d’extraction. La aussi on peut ajouter quelques millions de personnes supplémentaires. Il faudra étudier leurs besoins Il faut vous trouver un homme à vos cotés, pour faire plaisir au deuxième satellite. Il faut quelqu’un de costaud, ils admirent la force. »

Dyasella sourit. C’était l’entretien le plus ridicule qu’elle n’avait jamais eu. C’est qu’Umia avait vraiment l’air d’y croire. De son coté elle s’amusait à suivre ses propos extravagant. Ca changeait de son ordinaire ennuyeux
« Vous vous portez volontaire ?

- J’en serais très honoré mais on doit pouvoir trouver quelqu’un de mieux. Après, pour Vengeance et les Maycentres, se serait plus compliqué. Déjà, il faudrait clarifier les choses avec Ryun. Soit il est de votre coté, soit, vous le laisserz tomber officiellement. N’oubliez pas qu’ensuite, il faudra compter au moins un an avant de pouvoir vous présenter au bras d’un autre homme même s’il n’y a rien entre vous. Satisfaire les coutumes du deuxième satellite c’est bien, mais il ne faut pas oublier pour autant de satisfaire celle des Maÿcentres. De toute façon, dénoncer Synshy et approcher les Adarii prendront plus d’un an.

- Si je quitte Ryun, ca fera un scandale terrible.

- Oui.

Umya sourit exagérément. Non, se serait un petit scandale pensa-t-il et les gens n’aiment pas les petits scandales. Ce qu’ils veulent, se sont d’énormes scandales. Dénoncer les complots de Synshy, libèrer officiellement les terres de Plume, dénoncer les coutumes restrictives de Vengeance et avouez publiquement que la Syhy Lytïl avait été la maîtresse d’Orage Taegaïan. Et la, c’est la révolution. Nous n’en étions pas la.




AP : 1. Vengeance : Chapitre 9

9
La vengeance n'est pas un mobile ignoble lorsqu'elle sert à des fins utiles.
[Jack Vance]
Le prince des étoiles

Maïcentres

La Syhy Dyasella Lytyl était dans son salon privé. Simple et confortable, les sofas avaient étés agrémenté de tissus chatoyants et de coussins soyeux ocres sombres. Ce n’était pas son gout mais son compagnon voulait que leur maison des Maÿcentres reflète la richesse des familles Eïsky et Lïtyl. Encore une de ses nouvelles Lubies. Leurs parents n’avaient pas besoin de pareils démonstrations de luxe pour être respectés. Sa mère était issue d’une de la plus belle noblesse de Vengeance et Ryun était le fils de l’ancien président des Maÿcentres. N’était-ce pas suffisant ? Ca ne suffisait pas à Ryun, il avait fallu qu’il succombe à cette nouvelle mode consistant à étaler ses richesses au grand jour sous forme de rideaux ou de coussins. Bien sur, elle aussi, bien qu’elle ne voulait pas se l’avouer, prenait un certain plaisir à revêtir ces belles tenues exotiques. Mais elle ne se faisait pas d’illusions pour autant. Elle avait vu de trop près les richesses issues de Plume pour s’y méprendre. Ce qu’il y avait ici était somptueux sans doute mais moins raffinés que les tissus de Plume. Elle avait pensé d’abord que c’était des imitations particulièrement réussies, mais d’après ce qu’on lui avait dit, ça venait vraiment de là-bas. On disait que le président Synshy avait mis la main sur Plume et avait obligé leurs dirigeants à ouvrir leur marché. Il disait que le peuple de Plume leur en était reconnaissant. Il disait que les Adarii s’étaient enfuis au cœur des montagnes. Que beaucoup étaient morts et les autres avait plié le genou devant Synshy et l’avait reconnu comme leur président. Elle avait du mal à y croire. En tout cas, Orage n’aurait jamais plié le genou devant Synshy, ni devant qui que ce soit d’ailleurs. Il ne se serait pas non plus enfui. Serait-il mort ? Dyasella sentit d’un coup une douleur irraisonnée dans la poitrine et porta la main à son cœur derrière sa robe.

Elle ne devait plus y penser. Pourquoi en revenait-elle toujours à ses réflexions ?

C’était cet homme rencontré à la réception la semaine précédente. Comment s’appelait-il. Umia. Oui c’est ça, Sy Umia. Thaïs. Un cadet de famille. La trentaine, belle prestance, tenue impeccable rehaussé d’un drapé magnifique. Il s’était présenté comme quelqu’un de très simple. Petit diplomate sans importance dans une province éloigné. En général ce genre de gens n’était pas convié à ce style de réception. Elle l’avait déjà aperçu une autre fois. Ou était-ce encore ? Ha oui, c’était trois mois plus tôt à un spectacle sans aucun intérêt ou Ryun l’avait obligé à assister afin de faire croire qu’ils étaient un couple modèle. Vu la richesse de ses vêtements, Elle avait commencé par croire que c’était encore un de ses nouveaux riches qui veulent paraître en se faisant voir dans ce style de soirée mais il était resté discret. Elle avait cru qu’il tenterait de se mettre en valeur, sans doute dans l’espoir qu’elle lui trouve une place plus près de la capitale. Mais rien de tout cela. En fait, il avait à peine évoqué son travail.
Il l’avait complimenté sur sa tenue en lui disant qu’on aurait presque dit une robe des terres de Plume. Elle avait honte, mais en y repensant, c’est une certaine fierté qu’elle avait répondu que sa robe venait de là-bas. Devenait-elle aussi superficielle que Ryun ? Elle chassa cette idée.
La réponse du Sy Umia l’avait intriguée. Il avait dit qu’on voyait bien que les broderies étaient rehaussées d’or. Ça se remarquait car les fils d’or ne se fondaient pas dans le tissu. Les dorures des tissus des terres de Plume ne sont pas issues du métal, mais des plantes. C’est un traitement particulier qui lui donne cet aspect doré .
Pourquoi lui avait-il dit ça ? C’était totalement déplacé. Elle aurait dû le rabrouer. Mais elle s’était contenté de dire qu’il avait l’air de s’y connaître en matière d’étoffe et demandé si sa famille avait travaillé dans le textile.
Il avait souri, presque ri même. A croire qu’il se moquait d’elle. « Non, je n’y connais rien en tissu. Par contre je sais pas mal de chose dans bien des domaines. »
Avait-il insisté sur le mot domaine ? Était ce un simple hasard ou une subtile allusion dans laquelle il rapprochait les domaines de connaissance et les domaines Adarii de Saphir ?
Pourquoi se torturait-elle ainsi. Y Penser lui faisait du mal et elle finirait pas perdre totalement le fil de la conversation.
Tout en réfléchissant, elle n’avait cessé de garder le sourire aux lèvres. C’était comme un masque. Sauf qu’un masque est figé. Elle, elle savait mettre dans son visage de subtiles différences qui évoquaient tour à tour la curiosité ou la complicité. On agrandissait légèrement la fente entre les lèvres pour paraître émerveillée, un plissement du front et d’un coup elle semblait désolée.
Elle avait passé des heures devant son miroir à travailler toutes ses expressions pour qu’elles paraissent les plus naturelles possibles.

Elle pouvait être fière de sa réussite? Aujourd’hui, ses talents de comédienne battaient tous les records. Ça devait faire près d’une heure que son amie lui parlait et au moins 20 minutes qu’elle n’écoutait plus un mot, laissant son visage prendre l’expression appropriée par simple réflexe devant le ton de la voix de son interlocutrice. Cette dernière s’était arrêtée nette. Ca voulait dire que quelque chose n’allait pas. Dyasella avait pris l’attitude très travaillée de connivence. Petit sourire en coin, les yeux légèrement pétillants. Peut-être les paroles de son amie ne convenaient-elles plus à une telle attitude.

« Dyasella, vous ne m’écoutez pas !! »

Dans ces cas-là, en général elle prenait l’air offusquée en disant : « bien sur que si ». Mais avec Mayana, ça ne passerait pas, elles étaient trop proches, elle n’hésiterait pas à lui demander de répéter pour s’en assurer.
« Je suis Désolé Mayana. » Dit Dyasella se tournant vers la petite jeune femme blonde et replète en lui faisant l’air de circonstance. « Quelques soucis avec les domestiques, vous savez ce que c’est. Depuis mon arrivée sur les Maÿcentres, j’ai dû réduire mon personnel au stricte minimum, ça exige une grande organisation »
Si tout ce passait bien, elle reprendrait sur ses propres soucis avec les gens de sa maison. Pourtant Mayana, fit mine de chasser ses balivernes d’une main et reprit sur le ton de la confidence. « Je disais : il paraîtrait que Sihi Jumye aurait eu une liaison à peine 9 mois après s’être séparé de sa compagne »
Elle s’arrêta net et attendit.
Dyasella savait ce qu’il fallait faire devant de tels commérages. Elle devait prendre l’air extrêmement choquée. C’était l’attitude qu’elle avait eu le plus de mal à apprendre. Devant son miroir, ça passait bien. Les yeux écarquillés, les lèvres légèrement arrondies, mais ce genre de mesquinerie avaient si peu d’intérêt que ca la fatiguait d’entendre son amie si excitée pour si peu. Il n’avait pas respecté le temps d’attente d’au moins un an avant de trouver quelqu’un d’autre. Et alors ? De toute façon, même s’il avait attendu le temps requis, certains se seraient quand même indignés comme quoi il aurait pu attendre plus. Mais quand on est vraiment attiré par quelqu’un, comment attendre ? Laisser libre cours à sa passion, quoi de plus enivrant ! Voilà ce qu’elle devrait dire. Pourtant, elle se contenta de porter ses longs doigts fins à sa gorge blanche comme si une nausée soudaine l’envahissait devant cet acte abject en faisant une grimace d’indignation particulièrement réussie.
Cette mascarade parut convenir à son amie qui continua son discours sur la bienséance avant d’embrayer sur la future union de personne sans intérêt à l’avis de Dyasella.
« Vous irez » ? finit par demander son amie après avoir fait l’énumération de tout ce qui avait été mis en œuvre pour que cette cérémonie soit fastueuse.
« Je ne peux pas y aller, vous oubliez que mon compagnon et moi n’avons pas été unis ainsi. Ce serait malséant de nous présenter à ce type de cérémonie. »

Elle avait dit cela d’un ton neutre, et en effet, ça ne lui importait guère. Il y avait quelques années, qu’est-ce qu’elle avait pu se morfondre de se voir écarter de toutes ses fêtes, comme elle avait pu pleurer en pensant que jamais elle n’aurait droit à l’honneur de s’unir ainsi et tout ça à cause du bavardage inopiné de Ryun. Et puis, s’était passé. Maintenant, elle ne voyait qu’une nouvelle réunion ennuyeuse à laquelle elle échapperait avec plaisir. Et , si c’était à refaire, elle ferait exactement pareil. Un sentiment de nostalgie lui déchira le cœur à ses souvenirs. Il ne lui restait que Ryun. Elle sentait le désespoir l’envahir soudain.
Mayana se méprit sur l’attitude de son amie. « Je suis désolée ma chérie, c’est vrai, j’oublie toujours que Ryun et vous… » Elle s’arrêta gêné et se mit à rougir. « Au fond, c’est différent, Je comprends qu’avec un homme beau comme Ryun, vous n’ayez pas eu le courage d’attendre jusqu’à votre union et vous étiez fiancés. »
Elle se voulait gentille, mais on sentait poindre son désaccord dans sa voix. Elle avait été outrée d’apprendre que Dyasella avait couché avec son fiancé.
Ce qui exaspérait le plus Dyasella, c’était de s’obliger à acquiescer à cette rumeur. Comme si elle, Dyasella Lytïl aurait pu succomber à ce crétin de Ryun.
Vu la situation, lui avait-on dit, c’était encore le moins déshonorant.
Attitude bornée de gens coincés. De gens comme Ryun au fond. Quel plaisir lui avait-il donné celui-là. Ha, là aussi son miroir l’avait bien aidé, les heures qu’elle avait passé à apprendre à simuler correctement un orgasme. Elle s’installait dans sa chambre s’immergeant dans les souvenirs de sa passion, des sentiments infinis qu’elle avait pu ressentir, l’extase suprême. Même après toutes ses années, elle ne pouvait pas y repenser sans trembler.
Elle se mit à tousser tandis que Mayana avait allumé une cigarette.
« Qu’est-ce que c’est que cette horreur ?» demanda Dyasella
- Ce sont des herbes venue de la Terre » répondit-elle « fièrement heureuse de pouvoir exhiber elle aussi quelque chose de rare. En aspirant la fumée, elles procurent, ca te donne des sensations agréables. C’est presque magique. Rien à voir avec ces horreurs des villes plates.
- Ca n’a rien de magique. » Dyasella savait ce qui était magique et ce n’était sûrement pas ce genre de chose.
« Tu devrais essayer ? »
Dyasella réfléchit un moment. « Si ça te donne des sensations agréables, ca veut dire que quand tu arrêtes, tu n’as plus ces sensations.
- Sans doute » répondit Mayana incitant son amie à s’expliquer d’avantage.
« Ce que je veux dire c’est, n’est-ce pas dangereux d’avoir de telles sensations pour ensuite regretter quand on ne peut plus les avoir.
« He bien, dans ce cas, là on en allume une autre et on recommence.
- Vous n’allez tout de même pas passer votre vie à fumer ces choses-là ? Et, quand vous n’en aurez plus sous la main, vous ne pourrez plus ressentir ses sensations, alors ca vous manquera, ca vous déchirera le cœur, vous en voudrez encore, toujours plus, et vous ne pourrez pas.
«Voyons, » dit Mayana en se levant. « Ce n’est pas à ce point là tout de même. »
Dyasella laissa Mayana se diriger vers la sortie. Elle avait l’habitude de la maison, ce n’était pas la peine de la raccompagner. Elle s’en voulait, elle s’était laissé aller à parler trop librement, et voilà le résultat, son amie commençait à s’interroger un peu trop. Pourvu qu’elle n’en profite pas pour en faire un nouveau commérage. Que pourrait-elle dire au fond ? Pas grand-chose. Au cas où, elle trouverait deux ou trois sujets choquants pour faire semblant de s’offusquer. Cette pensée la rassura et elle s’enfonça d’avantage dans son fauteuil. Des herbes donnant des sensations agréables, voilà qui était nouveau. Elle avait déjà entendu parler d’herbe à fumer pour se donner du courage. Ce genre de drogues trainait dans les villes plates. Agréable comment se demanda-t-elle. Surement pas suffisant pour ressentir la passion, l’union total de deux êtres, la puissance, ce n’est pas des herbes qui seraient capable de savoir ce qu’il se cache au plus profond d’elle, qui pourraient cerner ses désirs les plus secrets, réaliser des fantasmes qu’elle n’aurait jamais osée exprimer.
Et ce n’était pas Ryun non plus. Il était gentil, doux, il lui pardonnait tout. Mais ce n’était pas ça qu’elle recherchait. Elle voulait un homme qui la domine, qui ne s’inclinerait pas parce qu’elle était la Syhy Lytil. Qui ne verrait pas la puissance de sa famille. Elle voulait un homme fort, quelqu’un qui pourrait lui faire sentir qui elle était vraiment. Elle ne voulait pas être respecté, elle voulait jouir.
Elle agrippa la pièce de bois. Son domestique lui avait remis la missive juste avant que Mayana arrive. Elle avait à peine eu le temps d’y jeter un œil et l’avait caché sous les coussins quand son amie été arrivée pour une raison qu’elle ne s’expliquait pas. Le domestique lui avait dit que c’était de la part de Sy Thaïs Umia. Il paraît qu’il manquait cette pièce à votre jeu et ’il espérait qu’elle s’accorderait avec ses autres pièces. Elle avait regardé la petite pièce ronde. C’était un bois rare qui paraissait presque rose. Et le tout était posé sur un socle doré. Une très jolie pièce. Bien plus belle que celles de son jeu tout simple. Elle se souvenait vaguement que le Sy Umia avait évoqué au cours de la discussion leur passion pour les jeux et en particulier celui de des Assauts. Mais jamais elle n’avait dit avoir perdu une pièce. D’ailleurs, son jeu était complet. Elle y jouait peu. Dans son entourage, personne n’aimait les jeux de stratégie. Et Ryun moins que quiconque. Pour passer des heures aux jeux de hasard, il était capable. Quand il s’agissait de réfléchir, c’était autre chose. Elle se rappelait avoir tenté de lui expliquer à une époque. Elle avait sorti sa table de jeu ainsi que toutes les petites pièces représentant les planètes connues. Le but du jeu était de s’approprier le plus de monde possible. Suivant leur richesses minières ou autres, les planètes valaient plus ou moins de point. Il y avait aussi les Plate-forme de plissement de l’espace qui étaient représentées par des carrés bien que certains jeus les représentaient suivant leurs formes réelles. Les Plate-forme valaient beaucoup de points. Celui qui se les appropriait avait un certain avantage en ayant le pouvoir de bloquer les communications entre les mondes, faisant payer des taxes à ceux qui voulaient les traverser… Les pièces les plus importantes étaient tout de même les planètes habitées. Et en particulier la planète Vengeance et les Maÿcentres. Les deux planètes possédaient la même valeur sans doute pour ne pas froisser les susceptibilités. Ensuite venait la Planète Conquète. Malgré sa disparition, elle faisait tout de même partie du jeu. Ca rajoutait un monde en plus. Puis les satellites de Vengeance, Ensuite la Terre. La multiplicité de ses richesses et de ses technologies en faisait une pièce importante mais bien loin d’être suffisant pour remporter la victoire, surtout qu’avec cette seule planète on ne pouvait conquérir les autres mondes, elle n’avait pas de technlogie spatiale. Ensuite venait Saphir, puis la petite Planète Plume.
Le jeu était complexe car il s’agissait de réfléchir pour s’approprier les mondes ayant des richesses variées afin de ne pas se faire bloquer. Par exemple, avoir un monde possédant une bonne flotte spatiale, mais aucun ne disposant d’extraction d’energie pour alimenter les navette n’avaient pas de sens. Les planètes d’extraction d’energie étaient d’ailleurs celles qui avaient le plus de valeur après les planètes habitées et les Plate-formes.

Dyasella se replongea dans la contemplation de la pièce. Elle représentait la planète Plume. Le bois rose représentait la couleur de la planète et il était même grossierement sculté pour representer la forme des deux continents. Pourquoi m’a-t-il donné cela se demanda-t-elle tout en regardant le domestique rassembler les restes du repas sur un plateau.
« Sy Umia ne vous a vraiment rien dit d’autre ? »

Le domestique fronça les sourcils et réfléchit. « Il m’a remis la pièce, il m’a dit qu’elle remplacerait la pièce qu’il manquait à votre jeu. Il m’a ensuite demandé si j’aimais jouer. Je lui ai répondu que ce jeu là ne me passionnait pas. Il m’a recommandé une salle commune dans laquelle les gens se retrouvent pour jouer et m’a précisé qu’il y allait presque tous les matins et qu’il se ferait un plaisir de jouer avec moi au jeu de ma convenance. »

Etais-ce une invitation pour lui ou pour moi ? se demanda Dyasella. Ce pouvait-être une façon discrète de lui proposer un rendez-vous ? Cette idée piqua sa curiosité. Il y avait quelque chose de particulierement exitant à cela. Des rendez-vous secrets, pour des raisons mystérieuses. Tout cela eveillait en elle des sentiments qu’elles n’avaient pas ressentis de puis longtemps. Mais il fallait revenir à la réalité. Syhy Dyasella Lytïl dans une salle commune et avec un homme en plus. Voilà qui était tout à fait inconvenant. Sans qu’elle comprit pourquoi, cette idée l’exita encore plus. Elle ne cessait de tourner et retourner la statuette entre ses doigts carressant distraitement la petite boule de bois rose et son socle doré. Il y avait une inscription gravée dessous. Ce détail attira son attention mais ce n’était sans doute que le nombre de point que valait la planète pour le joueur qui se l’appropriait. Elle regarda pourtant de plus près. Elle fut déçue dans un premier temps de ne voir qu’en effet, ce n’était que des numéros. Mais avec un peu plus d’attention, elle remarqua que la valeur de la pièce avait été modifiée. Elle avait été réévaluée à la hausse. Cette petite Planète Plume avait une valeur plus élevée que celle des Planètes Vengeance ou les Maÿcentres.
Pourquoi ? Que cherchait-il à lui faire comprendre ? Une vague de panique s’empara d’elle. Que savait-il ? Etait-il au courant de tout ? Voulait-il lui faire du chantage ? Après tout, ce n’était qu’un simple diplomate, il aurait bien besoin de quelques remunérations supplémentaires. Comment un simple diplomate d’une province perdue pourrait être au courant d’un secret si bien gardé ? Enfin, il aurait pu être parfaitement gardé si cet idiot de Ryun avait pu tenir sa langue.


Maïcentres

« Laissez-moi vous raccompagner. »

Réalité leva ses yeux rougis vers la main tendue.
« Vous pensez que je ne suis pas capable de rentrer chez moi toute seule » cracha-t-elle en reniflant.

« Ils ne vous mène pas la vie facile » se contenta de remarquer Umia en souriant. Il sortait d’une réunion chez Cannelle. Comme d’habitude le ton était monté et il n’avait rien pu retirer de constructif. Son rapport serait bref aujourd’hui

Réalité hésita et finit par prendre la main tendue pour se relever. Elle tituba un peu et s’appuya contre le mur pour reprendre son équilibre.
Les nouveaux mondes ne sont pas porteurs que de merveilles pensait Umia. L’alcool avait l’avantage de délier les langues mais il ne réussissait pas à Réalité.
Umia sortit de ces réflexions pour rattraper la jeune fille qui avait trébuché et il la tint plus fermement pour l’empêcher de tomber. Elle s’accrochait à son bras. Elle était si proche que quand il tournait la tête vers elle, il se retrouvait perdu dans son épaisse chevelure dorée. Ceux de Plume l’acceptaient car elle était issue du même monde qu’eux mais surtout aussi à cause de Miroir qui avait une grande influence et s'était pris d’affection pour elle. Quoique en fait, il paraissait plus s’amuser de ses discours effrénés plutôt que de la prendre au sérieux. Umia ne doutait pas que si elle avait été moins jolie, Miroir s’en serait beaucoup moins occupé. Si Miroir paraissait la plupart du temps se moquer de ses propos, les autres les trouvaient outrageant. Ils venaient peut-être tous du même monde, mais au fond, leur culture était très différente. Jamais ils ne pourraient s’entendre.
Dans un sens, lui aussi la rejetait. Ses propos ne le choquaient pas, au contraire, il avait tendance à trouver que ses réflexions étaient les plus pertinentes du groupe mais quand il la voyait, il sentait monter en lui des envies qu’il ne devait pas désirer.
Tout en marchant, la jeune fille se tourna vers Umia, son haleine embaumait la rose , Umia se força à se détourner quand elle parla. Il sentait son cœur s’accélérer en sa présence.

« Pourquoi fais-tu ça pour moi ?

- Pourquoi je fais quoi ?

- Pourquoi tu es gentil ?

Umia sourit malgré lui. « Moi gentil ? Je croyais que tous ceux de Vengeance étaient des esclavagistes sans cœur. En tout cas, c’est ce que vous dites sans cesse ?

- Arrête avec tes manières, t’as l’air vieux. T’as quel age au fond ?

- 32 ans. »

Réalité se mit à rire aux éclats. « Je t’en aurais donné presque 40.

- Sans doute ai-je trop vécu ».

Elle buta à nouveau et se rattrapa à son cou et il ne put réprimer le rouge qui lui montait aux joues. « Trop vécu, ou pas assez » lança-t-elle avec un sourire mystérieux.

Umia ne savait plus quoi faire, il avait envie de s’en aller. Mais… Mais quoi pensa-t-il. Non, le problème avec Réalité était justement qu’il n’avait pas envie de s’éloigner.

Elle s’écarta soulageant légèrement Umia de son désir.
« C’est pas là dit-elle montrant quelques sructures métaliques qui se détachaient de la pénombre. "Dis-moi, Umia, si j’ai bien compris tes coutumes, tous ceux de votre famille portent le même nom ?

- Tous les garçons oui.

- Tu n’as pas un petit nom, qui ne soit qu’à toi ?

- Seul la haute société à droit à porter un prénom. Je ne suis qu’une petite noblesse sans importance.

- Aucune individualité.

- On m’appelle Thaïs. Ca veut dire le dernier dans le dialecte de la région d’où je viens. Je suis le troisième de la famille. Le petit dernier. Réalité sourit. « Je t’appellerais Thaïs alors.

- Et vous, vous n’avez pas un nom qui vous rattache à votre famille ? »

Elle s’arrêta, se tenant le plus droite possible en vacillant malgré tout quelque peu. « Je suis Réalité, la fille de Cyril, Maître de la guilde du souvenir de Tchaé, la cité principale de Cashir. Qu’est ce que j’aurais besoin d’un nom supplémentaire. Tout le monde me connaît et me respecte. Tout le monde tu entends. » Son menton frémissait et ses yeux s’embuaient à nouveau. « Tout le monde chez moi » ajouta-t-elle enfuissant soudainement son visage contre Umia.

Les complôts, les intrigues, il savait gérer mais ça ! Il resta là, les bras ballants, espérant de tout cœur que personne ne sorte pour surprendre ce spectacle si particulier puis doucement, presque contre sa volonté, ses bras entourèrent la jeune fille.
« Ca va aller » lui dit-il. « Montrez-moi votre appartement. » Elle pointa une porte du doigt sans faire mine de s’écarter aussi Umia se força à sortir de son étreinte et lui poussa légèrement le bras pour la faire à avancer jusqu’à la porte. L’endroit était vraiment miteux et il ne put s’empêcher de faire une grimace en constatant où elle était logée. Elle ouvrit la porte révélant une toute petite chambre vide et se retourna vers Umia.
« Tu entres ?
- Non », s’exclama-t-il horrifié. Il se reprit en se rappelant qu’elle venait de loin. Cette proposition n’était peut-être pas choquante d’où elle venait. Umia se rappelait des comportements très libérés des terres de Plume. Il espérait que Cashir avait une morale un peu plus… Enfin, avait une morale. Quel quelle soit, ce ne pouvait être pire que chez les Adarii.
La jeune fille le dévisageait de ses grands yeux gris et de nouvelles larmes apparurent. « Tu es dégoûtée à l’idée d’entrer dans une pièce si moche » sanglota-t-elle. « Je te comprends. Tu verrais ma maison, mon chez moi, elle est plus belle que toutes celles des Maÿcentres. Tu sais, je suis allée sur la colline du conseil, j’ai vu les maisons des dignitaires, et elles ne valent pas le centième de la mienne. Mais ici… » Elle s’essuya les yeux sur la manche de sa tunique.

« Voyons Réalité » dit-il comprenant soudain la mauvaise interprétation de son refus, « l’endroit où vous vivez n’a aucune importance. C’est juste, qu’enfin, ici, il n’est pas très correct qu’un homme et une femme se retrouve dans une chambre. Enfin on peut penser… Bref, c’est une proposition inconvenante.

- Ho » dit le jeune fille bien plus étonnée que génée. « Tu pensais que…

- Je ne pensais rien du tout. » Coupa-t-il imaginant les propos qu’elle pourrait encore sortir. « Je vous informe c’est tout. Ca ne se fait pas.

- Ha » dit-elle encore commençant à sourire devant l’air de plus en plus mal à l’aise d’Umia.

Elle sembla réfléchir un moment. « Tu veux dire que tu n’as jamais touché une fille. » S’exclama-t-elle. « A 32 ans.

- Chutt

On ne parlait pas de ce genre de chose. Elle ne se rendait pas compte que si quelqu’un entendait ses propos, la rumeur se répandrait vite. Il ne pouvait rester en présence d’une telle jeune fille. Bien sur, ce n’était pas sa faute, ses coutumes étaient différentes.

« Tu n’a jamais touché une fille » répéta-t-elle tout de même en chuchotant s’approchant bien trop près de lui.

« Bien sur que non » mentit-il sur le meme ton.

Elle enroula ses bras autour de ses épaules, « même pas juste embrassé ? »

Evidemment si mais jamais il n’irait pas l’avouer.

Réalité s’écarta lui laissant un immense sentiment de soulagement mais une impression de vide encore bien plus profonde. Il devait reculer mais elle lui prit la main.

« Viens » lui dit-elle.

Et il la suivit dans sa chambre.