dimanche 25 novembre 2007

Prologue

Prologue
Le futur appartient à ceux qui croient à la beauté de leurs rêves.
Eleanor Roosevelt

Plume

« Pas de changement ?

- Non, on dirait que ça empire

- Elle est réveillée

- Bien sur, c’est moi qui l’ai réveillée. Je ne peux pas la laisser souffrir ainsi.

- Elle a besoin de dormir.

- Les crises sont chaque jours plus violentes

- L’épuisement la tuera plus sûrement que ses rêves.

Même si le ton montait, le dialogue paraissait de plus en plus lointain. La petite fille lutta encore réunissant ses maigres forces contre le sommeil qui l’envahissait. « Pas dormir » murmura-t-elle dans un souffle avant que le monde autour d’elle disparaisse complètement.

Très vite la tempête la rejoignit. La pluie d’abord qui se refroidit pour devenir flocon, de plus en plus dense et épais, la recouvrant jusqu’à l’étouffement avant qu’une avalanche de grêle lui perfore le crâne.

Roulée en boule elle se mit à hurler tandis que la grêle devenait brûlante. Il y avait une lueur, un trou plutôt. Noir. Une lumière noire. Si elle l’atteignait elle serait sauvée mais c’était impossible. « Laisse-là » disait une voix faible, presque indistincte. Une lutte acharnée dans sa tête. Deux puissantes face à face, et très loin, la présence de sa mère, comme une main tendue. Tout son corps s’arquait vers cet ultime espoir mais le vent était trop fort et dans une rafale, il la repoussa au loin dans un tourbillon de glace et de feu. « Nonnn » hurla-t-elle encore les yeux fermés les bras autour de son visage mais nul son ne sortit de ses lèvres. Au moment ou elle se voyait succomber, une main gigantesque la saisit entre deux doigts et elle s’évanouit.

Des oiseaux chantaient quand elle s’éveilla et avant d’ouvrir les yeux, elle sentit la douceur du soleil sur sa peau. Elle ouvrit un oeil, le referma et cligna plusieurs fois à cause d’une lumière intense. Le danger s’était éloigné, elle s’autorisa à s’asseoir dans l’herbe et regarder autour d’elle. Aussi loin que portait son regard, une immense prairie s’étalait. Et le silence. Plus de tempête, plus de glace. Négligemment, elle frotta sa chemise de nuit faisant voler quelques fleurs des champs. Quand elle releva les yeux, quelqu’un était accroupi devant elle. Trop vieux pour être un enfant pensa-t-elle. Peut-être un papa.

« Où suis-je ? » Sa voix se démultiplia comme une dizaine de petits échos qui rebondissaient dans toutes les directions.

« Dans un rêve. Dans un rêve, dans un rêve répétait l’écho.

« Non, » s’affola-t-elle soudain, « je dois me réveiller sinon tout va revenir. Je ne dois pas dormir, jamais.

- J’ai chassé la tempête, tu peux dormir en paix et faire de jolis rêves. » L’écho avait cessé, seul la voix grave d’un homme subsistait.

« Les jolis rêves n’existent pas.

- Bien sur que si, le rêve peut être merveilleux, il peut réaliser tous tes désirs. Que désires tu petite fille ?

Elle réfléchit. « Je voudrais ma maman. »

Une jolie jeune femme apparut devant elle, ses épais cheveux noirs brillant au soleil et ondulant sous une légère brise. Une longue robe du même bleu que se yeux recouvrant son corps une peu trop frêle. Elle sourit et étendit les bras.

La petite fille ne s’approcha pas gardant une mine boudeuse.

« Et mon papa aussi. » Un homme apparut au coté de la femme et lui sourit lui aussi du plus beau sourire qu’elle n’avait jamais vu illuminant ses grands yeux verts.

La petite fille fondit en larme. « Ce n’est pas vrai » dit-elle au jeune homme toujours à ses cotés. « T’es qu’un menteur. Mon papa est mort.

- La mort n’existe pas dans les rêves.

- Tu veux dire que c’est réellement mon papa ?

- Réalité, illusion, quelle importance ?

- Et comment saurais-tu à quoi il ressemble ?

- Je sais tellement de choses.

La petite se renfrogna encore. « J’veux une balançoire. »

Une balançoire apparut accrochée à un arbre gigantesque

« J’veux qu’elle soit rouge »

La balançoire prit une belle couleur magenta

« J’veux qu’elle soit sur la plage ».

Une plage apparut grignotant l’herbe verte.

« Je veux pas d’arbre. »

Un homme apparut et sourit. « Et comment tiendra la balançoire ?

- Je veux qu’elle tienne sur rien.

- D’accord votre grandeur » dit-il s’inclinant en riant, « ce soir, je suis là pour réaliser le moindre de vos désirs. »

L’arbre disparut et la balançoire resta suspendue en l’air.

« Veux-tu te balancer maintenant ?

- Non.

- Alors que désires-tu encore ?

- Je veux pouvoir faire tous ça moi aussi.

L’homme resta interloqué. « Tu veux pouvoir commander aux rêves ?

- Oui.

- Mais non.

- Tu as dit que tu réaliserais le moindre de mes désirs. Je veux commander aux rêves. Je veux pouvoir chasser mes cauchemars et me reposer dans des prairies fleuries comme celles qui poussent sous tes pieds. Je veux pouvoir rêver que mon père est près de moi et que les balançoires n’ont pas besoin d’être attachées ».

L’homme réfléchit intensément, se frotta le menton d’une main, se leva et s’éloigna laissant derrière lui une traînée de fleurs des champs. « D’accord petite fille, je te donne ce pouvoir »


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