dimanche 25 novembre 2007

Après Pluie : Partie 1 : Vengeance : chapitre 1


1
"Le pardon est la plus belle des choses, mais la vengeance est tellement plus satisfaisante"
Simon Dussault

Maÿcentres

J’ai trouvé un endroit parfait. Un lieu de rassemblement des plus banals dans les basses villes. Le genre d’endroit où il est possible de côtoyer n’importe qui. Pas trop mal famé, mais pas trop strict non plus. Assez de monde pour se perdre dans la masse, pas trop pour garder suffisamment d’intimité. Assez sombre pour se fondre dans l’obscurité mais pas assez pour cacher les expressions du visage. On en apprend souvent plus en observant un visage qu’en écoutant une conversation. J’ai retrouvé sans mal celui àqui j’avais donné rendez-vous. Vu sa carrure, il ne passe pas inaperçu. Même assis, sa masse est impressionnante. Je me suis assis en face de lui, me servant un verre au passage ainsi qu’un plateau repas et je n’ai pas eu le temps d’entamer l’entretien que j’avais préparé, il m’a devancé :

« J’ai apprécié le message que m’a remis ma compagne. “Rendez-vous avec une vieille connaissance afin de se rappeler les souvenirs d’antan.” De la part de quelqu’un à qui je n’ai jamais adressé la parole, cela a quelque chose d’intrigant.

- Voyons, Sï Luico, il n’est pas utile de discuter pour se faire des souvenirs communs. Cela dit, je dois admettre qu’entendre votre voix est très appréciable. Votre compagne m’a paru charmante. »

Je pense avoir fait une erreur en parlant ainsi. Vu la façon dont il a froncé les sourcils, il n’a pas apprécié. Je prends grand soin de respecter au maximum les us et coutumes des différentes cultures. En général, les hommes issus du deuxième satellite de Vengeance tels que Luico apprécient qu’un entretien commence par un compliment sur leur compagne. Ils tiennent en haute estime la beauté des femmes. Cela dit, j’ai été surpris devant la belle femme pulpeuse qui m’avait ouvert le studio qu’elle partage avec Luico. Je savais qu’il avait été rétrogradé passant de garde du corps personnel du président à simple garde parmi d’autres. Une aussi jolie femme n’aurait pas dû rester avec lui. Suivant leurs cultures, une femme n’hésite pas à partir pour un compagnon ayant un meilleur statut. Il est étonnant qu’elle soit restée et je place cet élément parmi les autres détails à retenir. D’autant plus que ma remarque à ce sujet a rendu Luico encore plus suspicieux.

« Conseiller Umya, venez en au fait. »

- Je reconnais bien là les hommes du deuxième satellite. Toujours direct alors que nous, nous préférons prendre notre temps."C’est Sy Umia. Moi aussi je porte les signes de ma déchéance.

- Sy Umia, pourquoi vouliez-vous me voir ?

- Connaissez-vous la différence entre les jeux de hasard et les jeux de stratégie ? »

J’ai tenté d’aiguiser sa curiosité mais les métaphores ne sont pas du goût de Luico. Il n’a pas répondu alors j’ai continué. Parler peut parfois détendre l’atmosphère.

« Dans les jeux de hasard, les pions de l’adversaire ne sont pas connus. Dans ceux de stratégie si. J’aime jouer Sï Luico, mais je n’aime pas les jeux de hasard.

- Contre qui jouez-vous cette fois ? »

Je ne m’attendais pas à cette réflexion. A vrai dire, je pensais avoir affaire à un garde taciturne et pas peu rusé. Je me vois dans l’obligation de réviser mon jugement ce qui au fond, n’est pas à mon désavantage

« Je n’ai pas encore déterminé les deux camps.

-Si vous vouliez me voir, je suppose que c’est que vous me considérez comme un pion de votre partie.

- Pas un pion. Une pièce importante plutôt. Et ce n’est pas ma partie, c’est la vie, l’histoire. Je ne suis qu’un spectateur. Actif peut-être mais spectateur tout de même.

- Que voulez-vous de moi ? »

J’ai ensuite tenté la flatterie pour l’amadouer mais il était trop direct pour s’y laisser prendre. En plus, son visage restait maintenant parfaitement impassible. On dit que les hommes du deuxième satellite sont des experts dans la maîtrise des émotions. Ce n’est pas exagéré. Je ne peux pas dire que ses difficultés m’ont dérangé. Un jeu trop facile est ennuyeux. J’ai cependant essayé un dernier compliment tout en me rapprochant du but :

« J’ai été désolé d’apprendre que vous aviez perdu votre poste de garde du corps. Le président a fait une grosse erreur, vous étiez le meilleur. Et vous l’êtes encore sans aucun doute. Au moins, vous gardez votre place de garde au conseil, c’est déjà ça.

- Vous voulez me soutirer des informations ».

Ce n’était pas une question et je ne pouvais pas lui faire l’affront de l’ignorer. J’ai décidé d’être aussi direct que lui :

« Je m’interroge, c’est tout. Et puisque vous insistez, je vais être direct moi aussi. Il se passe des choses pas nettes. Rien de bien précis, mais une multitude de petits détails qui mis bout à bout m’interpellent. Sy Hytil par exemple, voila quelqu’un d’intéressant. Il a passé la moitié de sa vie à vociférer qu’il materait les primitifs de Saphir. Il y a quelques années, j’apprends qu’il a réussi à prendre Tiyana, leur capitale et ensuite, le voila qui rentre sur sa mère patrie Vengeance, prendre une place sans aucun intérêt arguant que pour finir, la population locale n’est pas intéressante pour le développement de ses projets. Nous avons aussi l’ouverture du marché de Plume. Jolis produits sans aucun doute mais toujours rares et chers. Alors que d’après les beaux discours de notre respecté président, il aurait mâté toute rébellion au sein de ce monde. Alors, je m’interroge. S’il est si sur de lui, pourquoi filtrer ainsi le passage de la Plate-forme de Saphir-Plume ? Pourquoi tout le monde ne pourrait pas profiter de ces nouveaux pôles commerciaux ?

- Trop dangereux.

- Merci, je connais la version officielle.

- Vous n’y croyez pas. »

La aussi ce n’était pas une question.

« Et vous, qu’en pensez-vous ?

- Un garde n'est pas autorisé à se poser ce genre de question.

- Moi, je m’y autorise. J’ai travaillé. Beaucoup. Grâce à mon travail, j’ai été le plus jeune conseiller, j’ai gagné un y à mon nom, j’ai été promu responsable adjoint sur Terre. La chute a été dure. D’autant plus qu’elle n’était pas méritée. Alors maintenant, je m’autorise à penser. Les beaux discours du président sur la façon dont il a sauvé les populations de Saphir et Plume de la dictature, le peuple de Plume acclamant Synshy tandis que leurs bourreaux s’enfuyaient dans les montagnes. J’y croirais quand je le verrais de mes yeux.

- Vous exagérez, ce n’était pas vraiment ses termes.

- C’était plus subtilement dit, je l’admets. Mais je connais le peuple de Plume. L'autarcie est plus q'un mode de vie chez eux, c'est un idéal. On ne me fera jamais croire que qui que ce soit issu de là bas puisse voir une intrusion comme quelque chose de positif. Et vous Luico ? Que savez vous ? »

Je pensais avoir exposé la situation de façon à attiser sa curiosité mais j’avais sans doute exagéré. On ne critique pas le président de la confédération Vengeance-Maÿcentres. En tout cas, pas ouvertement. C’est ce que j’ai pensé dans un premier temps en voyant Luico se lever et remettre son manteau. J’ai cherché quelques mots pour réenclencher la conversation sans trop y croire et puis, j’ai aperçu son manteau. Très simple mais d’une finesse qui n’existe pas ici. Le genre qu’on paie une fortune et encore, uniquement sur les étals de la première province-continent de Vengeance. J’ai revu la situation sous un angle différent alors qu’il me tournait déjà le dos, prêt à partir :

« Bien beau manteau pour un simple garde. Même pour un garde du corps présidentiel d’ailleurs.

- C’est un cadeau.

- Attendez, revenez. J’ai vraiment besoin de vous parler. Je vous ai mal jugé. Vous êtes tombé en disgrâce pour les mêmes raisons que moi. C’est ça ?

- J’ai été remercié parce que je pactisais avec des sorciers. C’est inscrit dans mon dossier avec la mention : pas fiable, risque de séquelles mentales irreversibles. Une fouine dans votre genre devrait trouver le moyen d'y avoir accès.

- Mais ce n’est pas la vraie raison. Ni pour vous ni pour moi. Vous comme moi, nous avons été jeté dehors parce que nous étions amis avec les Adarii de Taegaïan.

- On ne peut pas être amis les sorciers Adarii. Ils méprisent tout ce qui ne provient pas de leurs terres.

- Bien sur que si, enfin dans un certain sens. Orage Taegaïan m’a recommandé pour le poste sur Terre, j’ai travaillé 4 ans avec Glace Taegaïan et je pense que, dans une certaine mesure il me faisait confiance. Suffisamment pour que le président Synshy rêve de me voir rendre visite à la déesse des enfers. Et vous ? Ils vous apprécieraient suffisamment pour vous offrir des cadeaux de valeur. Sans doute ne vous a-t-on pas jeté tout à fait dehors pour pouvoir garder un œil sur vous. On ne sait jamais ce que vous risqueriez de comploter sur le deuxième satellite. »

J’avais touché le gros lot, Luico s’était rassis.

« Je suppose que vous comprenez pourquoi vous n’aurez jamais la moindre information de ma part. »

En effet, dans ces conditions, on se garderait bien de lui en donner mais il a paru s’intéresser d’avantage à l’entretien et s’est mis à me poser des questions.

« Pourquoi vous intéressez-vous à ces vieilles histoires ?

- Peut-être parce que je suis plus fidèle à de vieux amis qu’à un nouveau président. Ou peut-être parce que j’ai la rancune tenace.

- Vous avez vite appris à être direct. Vous êtes aveuglés Sy Umia, Leur magie vous fascine même après tout ce temps et vous en oubliez la réalité. Je devrais vous dénoncer pour avoir tenu de tel propos.

- Oui, il faut de temps en temps prendre des risques dans un jeu. Mais des risques calculés. Soit vous m’arrêtez, soit vous me faites confiance, car je sens bien que vous aussi, vous aimeriez savoir ce qu’il se passe là-bas.

- Non, j’ai suffisamment de problèmes ici. La seule chose que peut vous apporter vos questions, c’est beaucoup d’ennuis. Les sorciers Adarii sont capables de vous ronger jusqu’à l’os sans rien vous donner en échange. La seule raison pour laquelle la plate-forme de Saphir-Plume n’a pas été détruite c’est pour le commerce de leur tissu. Savez-vous que, hormis la laine et le cuir, tous les tissus des terres Adarii de Plume sont issues de la même plante, genre de petite plante herbacée qui recouvre leur désert dont les feuilles roses duveteuses sont filées ? Ce qu’on appelle soie est juste une façon particulière de traiter le coton issu de ses plantes. Même les fils d’or ne sont en fait que des fils de ce coton. Cela dit le touché bien plus agréable et la fabrication un tel secret que ces fils de cotons brillants sont plus rares et chers que de l’or véritable. Mais ces considérations ne vous intéressent sûrement pas. Je vous laisse à vos réflexions, je suis attendu ailleurs. Faites attention Umia, vous ne faites pas le poids, ni vous, ni moi, ni personne »

Il est parti sur ses entre faits trop rapidement pour que je puisse le retenir. Je dois dire que ces derniers mots m’ont étonné. Pas le fait que je ne faisais pas le poids, ça, j’en suis malheureusement conscient sinon, je n’enregistrerais pas ces mots en ce moment mais ses considérations textiles n’avaient aucun sens. Comme il l’a dit ça n’avait aucun intérêt et si la plate-forme n’a pas été fermée, ce n'est pas tant pour le commerce avec Plume mais parce que c’est elle qui permet l’accès aux trois planêtes d’extractions les plus rentables en gaz et métaux. Bien sur, j’ai vite compris, l’allusion était facile et je dois admettre que vous aviez raison en me recommandant de commencer mes recherches avec Luico. Je le vois mal s’investir activement dans mes projets mais il n’en demeure pas moins une pièce importante.

J’ai même pensé à reporter le rendez-vous suivant pour vérifier ses dires mais cela aurait été dommage. Le président Synshy avait fait un discours éloquent qui n’aura sûrement pas fait l’unanimité aujourd’hui et comme on dit sur Terre, il faut battre le fer quand il est chaud aussi, j’ai fini de manger rapidement et je me suis attelée à la tache suivante.

Trouver l’adresse ne fut pas évident. Il s’agissait d’un quartier à la limite des villes souterraines. J’ai quitté la capitale depuis trop longtemps. Fréquenter ce genre d’endroit mal famé dès mon retour m’a fait un choc. Et encore, même avant, je n’y avais jamais mis les pieds. Quand je suis arrivé à vingt ans sur les Maÿcentres, je me suis cantonné à la colline du conseil et au plateau où ma famille possède toujours un pied à terre. Ensuite, à peine un an plus tard je me suis retrouvé à Archuleta à moisir dans cette base souterraine avec l’espoir de devenir le représentant de Vengeance sur Terre. Et, quand le président Synshy a pris la décision de se séparer de la base pour se faire connaître du peuple, il a pris soin de m’envoyer dans le poste le plus bas possible dans une campagne éloignée de Vengeance.

Bref, j’ai beaucoup tourné sans pouvoir me repérer. Les jardins étaient mal entretenus et avec la pluie des derniers jours, la pelouse était trempée. J’avais l’impression de marcher sur des éponges. Ajoutons à cela le froid et le crépuscule qui approchait et vous comprendrez que je n’étais pas dans mon élément.

En plus, je ne pouvais pas m’empêcher de ressasser ce qu’il y avait à faire. Déjà, j’avais eu la bonne idée de récupérer quelques affaires dans les quartiers de Glace. Avec son départ précipité d’Archuleta, il n’avait rien emmené. Sa chambre regorgeait de babioles issues de Plume qui coûtent une fortune et je n’ai jamais pu me résoudre à les vendre. Je pense que je n’aurais pas de grandes difficultés à acheter un de ses tissus qui viennent soi-disant de la planète Plume et comparer les tissus. Le moindre foulard coûterait un bon paquet mais ça valait le coup. Ensuite, n’importe quel laboratoire d’analyse pourra dire si les deux tissus sont issus de la même plante. Je pense qu’il y a de grandes chances de trouver de quoi satisfaire une partie de ma curiosité.

J’ai finalement eu l’idée de me diriger vers les falaises délimitant les villes souterraines. Il y a là-bas quelques grottes taillées dans la muraille qui ont été transformées en habitation. Connaissant l’amour excessif des gens de Plume pour la pierre, je me suis dit qu’il avaient bien pu s’enterrer là-dedans et ma déduction s’est avérée exacte. J’ai fini par trouver alors que la nuit était déjà tombée et que je songeais à revenir le lendemain. C’était bien une grotte, fermée par une porte translucide. J’ai vérifié l’adresse sur l'écran de mon bracelet puis j’ai cherché un mécanisme d’appel sans trop y croire pourtant, j’ai repéré un interphone. Après l'avoir effleuré, je me suis éloigné d’un pas pour avoir une meilleure vue de la structure. Une habitation très modeste. Simple trou sans doute résultant d’anciennes extractions minières. D’un autre coté, je ne pouvais m’attendre à mieux dans ce quartier.

J’ai repensé aussi à ce Mike Gentry. Je persiste à penser qu’il cache quelque chose et qu’il faudrait trouver un moyen d’aller sur Terre l’interroger. Lors du départ précipité de Glace Orage et Pluie, quand le président les a chassés, un des indigènes a tiré sur Orage. Ce dernier a été furieux, à juste titre et il a attrapé la première personne venue comme bouclier humain pour se protéger alors qu’il n’en avait nul besoin et c’est tombé sur Mike Gentry. Comme par hasard. Ce même Mike qui n’avait aucun mal à fixer la jeune Pluie dans les yeux alors que tout le monde avait peur d’elle. Il l’avait relâché à l’autre bout de la planète et il était revenu le plus tranquillement du monde trois jours plus tard. Personne n’a paru se soucier de rien d’autre que sa santé. Pourtant, c’était flagrant. Orage n’avait pas regardé l’homme parce qu’il lui avait tiré dessus. Il avait d’abord regardé l’homme et ensuite seulement ce dernier lui avait tiré dessus. Enfin avait tiré presque en l’air. Le pauvre n’avait rien compris à ce qui lui était arrivé. De toute façon, Orage était garde du corps. Il ne se serait jamais laissé prendre par surprise.

C’était une mise en scène sans aucun doute. Une mise en scène pour se retrouver avec Mike Gentry et seul les Terriens ignorant avait pu se laisser prendre. Un type bizarre ce Mike, beaucoup trop sur de lui pour un jeune homme. Dire que je l’ai côtoyé pendant quatre ans sans m’y intéresser et maintenant je le regrette.

Il risque d’être délicat d’aller sur Terre. Je ne sais pas exactement ce qui se trame là-bas. Selon les dires de Synshy, la population l’a accueilli à bras ouvert mais je me méfie. Il prend ses rêves pour des réalités et son peuple pour des crétins.

J’ai eu le temps de me faire toutes ces réflexions et personne n’avait encore répondu à mon appel. Pourtant, après le discours du président annonçant avec fierté que les Planètes Plume et Saphir étaient maintenant sous son contrôle, j’aurais pensé qu’il y aurait eu une réunion ici. Je commençais à craindre que cette organisation ait été dissoute après le départ des Adarii.

C’est au moment où j’ai commencé à faire demi-tour que la porte s’est entrebâillée

Terre

Ca faisait des années que Mike n’était pas revenu en France. Pas loin de dix ans. Que le temps passait vite pensa-t-il en montant dans l’avion. Il aurait dû se réjouir, il avait passé là-bas les trois plus belles années de sa vie. Pourtant, rien ne pouvait lui ôter ses inquiétudes. Il avait retenu le premier vol disponible après le message d’Hélène. Maintenant qu’il était enfin dans l’avion, il se détendit légèrement et s’autorisa à réfléchir. « Pourquoi » soupira-t-il prenant sa tête dans les mains. Hélène avait toujours eu un tempérement de feu, d’abord elle agissait ensuite elle ne réfléchissait. Jamais l’inverse.

« Quelque chose ne va pas ? » Une hôtesse lui avait posée une main sur son épaule.

Il souleva légèrement la tête, il ne devait en effet pas faire bonne figure. « Ca ira » répondit-il.

L’hôtesse ébaucha un sourire. « Veuillez mettre votre ceinture s’il vous plait. Nous allons bientôt décoller.

Maÿcentres

Je me suis approché en souriant afin de tâter le terrain et je me suis retrouvé face à un homme à l’air fermé et bourru qui m’a interpellé bien peu délicatement : « Quoi ?

- Je me présente : Sy Umia, Je viens de Drasy, Vengeance 4ème PC et….

- Je suis censé être impressionné ?

- Non. Je cherche quelqu’un portant le nom de Cannelle.

- Qu’est ce que tu lui veux à Cannelle ?

- J’ai ouie dire qu’il se pourrait qu’il organise certaines réunions regroupant des personnes originaires des territoires de Plume

- Ce qui se passe à l’intérieur de nos maisons ne te regarde pas.

- Je dois rencontrer Cannelle, j’ai peut-être certaines informations qui pourraient l’intéresser.

- Ca m’étonnerait »

C’est à ce moment qu’il a voulu me fermer la porte au nez. J’avais prévu cette réaction et anticipé en coinçant mon pied dans l’ouverture. Heureusement que ces vitres de plastiques sont très légères sinon, vu la force de la personne en face de moi, j’aurais eu le pied écrasé. J’ai profité de sa surprise pour lui tendre mon laisser passer. Il m’a arraché le papier des mains en grommelant une question sur le contenu, l’a déplié et s’est mis à lire.

Il s’est gratté la tête un instant, indécis. J’ai cru que ça ne suffirait pas. Ca faisait plus de sept ans. Peut-être y avait-il une date de péremption. Mais, il m’a regardé à nouveau, a relu encore une fois s’est s’attardé longuement sur le sceau au bas de la page sans doute pour vérifier sa véracité, a marmonné encore quelques mots dans sa langue maternelle et s’est effacé pour me laisser entrer.

Je l’ai suivi dans l’unique pièce, elle était vide mais il l’a traversée en claudiquant s’appuyant sur une cane pour traîner une jambe morte. Il a surpri mon regard et s’est contenté d’expliquer : « vos médecins sont des bons à rien ». Arrivé au fond de la salle, il a fait glisser une tapisserie et s’est engagé dans un raide escalier de pierre se soutenant à une rampe en corde épaisse. Je l’ai suivi. Le décor était étrange, trop sombre et froid. En tendant l’oreille, j’ai pu cerner quelques brides de conversations venant du sous-sol

« Il n’est plus temps de se morfondre, il faut faire quelque chose, agir. On ne peut pas se laisser bouffer par cet imposteur de Synshy. »

La voix était féminine et jeune. De toute façon, il n’y avait que les jeunes pour parler avec tant de véhémence. Me voila qui parle comme un vieux. Sans doute avoir passé la trentaine ne me réussit pas. Ou alors, ce sont ses dernières années qui ne m’ont pas réussi.

Il y avait une autre voix qui a répliqué d’un ton de réprimande : « Miroir, fais taire ta copine et la prochaine fois, évite de l’emmener ». Vu le murmure d’approbation qui s’est élevé, j’ai compris avant même de la voir que cette jeune fille n’était pas très populaire. Le dénommé Miroir a pris sa défense dans une certaine mesure : « Je ne suis pas plus d’accord que toi avec ses idéologies fantasques, mais, elle a raison sur un point, rester les bras croisés n’est plus possible ».

J'avais vu juste, il y avait du monde. Arrivé en bas, je suis resté un moment pétrifié d’admiration. Une grande salle sculptée et admirablement décorée avec ce qu’on peut trouver de plus luxueux comme tapis, coussins et tentures. Il faut admettre que sur Plume, ils font de belles choses même si ça reste artisanal. J'imagine qu’ils ont ramené ça de chez eux car s’ils avaient dû les acheter ici il leur aurait fallu les richesses du président. Et encore, vu ce que m’avait dit Luico, ce n’était pas évident que tout l’or de Vengeance puisse suffire. Les discours continuaient, personne ne m’avait remarqué et je comptabilisais rapidement une vingtaine de personne.

« Les problèmes de Cashir ne nous concernent pas » lança quelqu’un caché dans la pénombre au bout de la salle

Une jeune fille était debout, les mains sur les hanches. A son attitude, je déduisis que c’était elle que j’avais dû entendre. Elle ne portait qu’une tunique courte resserrée à la taille et elle était pied nu, juste un bracelet contact autour de la cheville. Ses vêtements de qualité dénotaient. Elle devait sans doute appartenir à une caste élevée mais, aucune fille d'ici, même la plus pauvre, ne porterait une tenue si légère. Le tissu était si fin qu’on devinait ses formes à travers et elle s’arrêtait à mi-cuisse. Cela dit, il est possible que, de l’endroit d’où elle venait, cette tenue n’ait rien d’indécent. En tout cas, les hommes présents ne paraissaient pas en être dérangé.

Quand elle reprit la parole, j’eus la confirmation que c’était bien elle que j’avais entendue depuis l'escalier..

« Nous ne parlons pas de Cashir ici, nous parlons de Plume. »

J’aurais bien écouté d’avantage perdu dans la semi obscurité du couloir mais l’homme qui me précédait se racla la gorge bruyamment afin d’attirer l’attention . Quelques personnes se retournèrent et la jeune fille s’interrompit.

« Y aurait quelqu’un qui aurait déjà entendu parler d’un certain Umia ? Un Sy avec un accent de Vengeance."

La salle resta un moment silencieuse puis une main se leva. « Oui ».

C’était un homme d’environ mon age. Peut-être un peu plus. Ceux de Plume paraissent souvent moins que leur age.

« C’était le conseiller qui secondait l’Adarii Glace à Archuleta." ajouta-t-il

"Tu t’en portes garant ?

- Non ! Pourquoi ?

- Parce qu’il est ici."

En traînant toujours sa jambe blessée l’homme s’est écarté légèrement et je fus obligé de m’avancer. Quelqu’un a pris la parole dans le fond de la salle « Bon sang Cannelle, Qu’est-ce qui t’a pris de laisser entrer ce type ? »

L’infirme a montré mon laisser passer et j’ai noté au passage que le dénommé Cannelle, c’était lui. Je m’en doutais « L’avait ça sur lui ».

- C’est quoi ça ?

- Ca semble être une autorisation pour le Sy d’assister à nos petites réunions. »

Un murmure de protestation s’est à nouveau élevé et j’ai discerné que je n’étais pas le bienvenu. Je n’en fus pas étonné et l’infirme a repris : « Y a le sceau de Taegaïan dessus.

Un autre s’est écrié méfiant « Le sceau de quelle guilde ? »

L’infirma a répondu « Non, le sceau de Taegaïan, le sceau Adarii. »

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