dimanche 25 novembre 2007

AP : 1. Vengeance : chapitre 3

3
"L'arme des humiliés : la vengeance."
[Alice Brunel-Roche]
La haine entre les dents


Maÿcentres :

J’ai écourté la réunion avec les ressortissants de Plume. Je n’aurais rien pu apprendre vu l’état d’esprit dans lequel ils étaient. A croire qu’ils estiment leurs disputes plus importantes qu’une réflexion saine et réfléchie. J’ai proposé à Cannelle un rendez-vous au calme pour le lendemain et il a accepté. Pas avec entousiasme, mais il a accepté.

J’y suis donc retourné le lendemain en fin de journée. Il y avait Cannelle, Miroir et aussi Crayon l’autre pilote des Taegaïan était absent la veille. J’ai été assez satisfait. Ces hommes semblent avoir une certaine forme d’intelligence. J’ai regretté l’absence de Réalité, elle avait sans doute encore certaines choses à m’apprendre mais en y réfléchissant, je pense que c’était mieux ainsi. Elle est trop impulsive et ses propos ont tendance à choquer. Il vaudrait mieux que j’ai un entretien en face à face avec elle même si la perspective de me retrouver seul avec cette fille m'enthousiasme guère. Il me faudrait trouver un endroit à la fois public et discret car elle serait capable de faire un esclandre même en public. J’y réfléchirais.
Au sujet de la réunion, je l’ai voulue claire et instructive aussi, j’ai mené le débat : « La priorité, est de savoir où en sont les terres Adarii. Quels sont nos moyens en notre possession pour ça ? Où chercher l’information ? Comment la chercher ?

C’étaient les points à l'ordre du jour. Personne n’a répondu. Sans doute le sujet était-il trop vaste. Ce sont des gens simples aussi j’ai décidé de voir point après point : « Quelqu’un a-t-il entendu parler d’un homme du nom de Mike Gentry ? Un homme de la Terre. Il travaillait à Archuleta. Miroir, vous voyez de qui il s’agit ? Blond, très costaud.

- Ca se peut. Pourquoi t’intéresses-tu à lui ?"


Terre

Mike fit tourner la clé dans la serrure et posa son sac de voyage dans l’entrée avant d’inspecter l’appartement.

On aurait pu croire qu’il revenait de vacances. Rien n’avait changé. C’était propre. Sans contre ordre le personnel de nettoyage rattaché au bâtiment avait dû continuer son travail et tous les règlements étaient effectués par prélèvements automatiques si bien que son absence de plus de sept ans avait pu passer inaperçue. Il commença par tirer les lourds rideaux et ouvrir les baies vitrées en grand pour chasser l’odeur de renfermé. La brise marine s’engouffra dans le loft portant avec elle un parfum salé. Mike sortit et s’accouda au balcon, ses yeux se perdant dans la baie de Monte-Carlo à ses pieds. Il avait l’impression d’être revenu dix ans en arrière, il se souvenait d’un jour lointain où il était assis, rêvant là en bas, face à la mer. Des enfants l’avaient bousculé. « Vous ne pouvez pas faire attention » leur avait-il crié. Sale gosse » avait il ensuite murmuré. L’homme à ses cotés lui avait lancé un regard désapprobateur. « C’est l’avenir que tu insultes.

- Pardon ?

- Les enfants sont les piliers de la société, vous avez beau développer toutes les sciences de l’univers, sans enfant une civilisation ne peut que mourir.

- Vous avez des enfants Maître Espoir ?

- J’en ai cinq.

Qu’est-ce qui te faire rire ? » ajouta-t-il voyant le sourire qu’il n’arrivait pas à maîtriser.

« Je vous imagine mal torchant des marmots.

- Je ne me suis pas beaucoup occupé de ses détails, je l’avoue.

- Et où sont-il vos petits ?

- Un peu partout.

- Vous semez des gosses et vous laissez les mères s’en occuper ?

- Pas exactement, je m’en occupe aussi. A ma manière. Que désires-tu Mike ? »

Le changement de sujet l’avait pris au dépourvu « Comment ça ?

- Quelle est ton ambition ? Que vises-tu ? Qu’espères-tu ? »

Mike avait levé les yeux et regardé autour de lui. Je n’en sais rien avait-il pensé scrutant les luxueux immeubles bordant la mer. Il s’était retourné vers Espoir et lui avait dit : « J’aimerai un jour posséder un appartement dans ce genre d’immeuble ». Ce rêve lui avait parut mirifique à l’époque.

Espoir avait ri et Mike s’était demandé s’il se moquait de ses rêves démesurés.

« Tu pourrais vouloir le monde et tu ne désires qu’un simple appartement !
Evidemment, si pour mes enfants, je rêvais d’un appartement parmi les milliers qu’il y a ici, je pourrais les regrouper.

- Vous avez dispersé vos enfants sur les cinq continents dans l’espoir qu’ils se partagent le monde ? »

Tout en disant cela, Mike avait pensé qu’il avait été trop loin. Espoir était capable de soutenir n’importe quelle discussion mais n’acceptait pas le moindre écart dans le respect qu’il lui imposait pourtant, il répondit calmement. « Ta vision des choses est assez étriquée mais c’est un peu le concept. »
Quelque jours plus tard, il l’avait conduit dans ce loft dominant la baie au dernier étage de l’immeuble qu’il avait désigné. « C’est à toi » avait-il dit ouvrant la porte révélant tout un mobilier en même temps design et confortable, une grande cheminée moderne, tout le matériel higt tech dont il pouvait rêver.

« Je ne peux pas accepter, c’est trop. » Il ne s’était pas demandé à l’époque où il avait trouvé les fonds pour un tel investissement. Ou plutôt avait-il refusé d’imaginer la moindre chose qui risquerait d’entacher l’aura d’admiration qui entourait l’homme qui avait presque remplacé son père dans son cœur. Celui qui l’avait sauvé. Une fois seulement depuis son arrivée, il avait appelé son père. Il lui avait dit qu’il n’avait plus touché à la drogue depuis son départ et qu’il n’y toucherait plus jamais. Son père lui avait à peine dit que c’était bien puis lui avait parlé de sa mère et de sa sœur et du vide qu’elles avaient laissé. Quand il avait raccroché, il était si mal que si Hélène n’avait pas été là pour l’arrêter, il aurait replongé.

« Que dois-je faire pour vous remercier ? » avait-il demandé à Espoir devant un tel présent.

« Un cadeau doit-il se payer ?

- Un comme ça oui.

- D’accord » avait-il répliqué. « Quand mes enfants viendront conquérir le monde. Tu leur devras la même fidélité et le même respect que tu fais preuve envers moi.

- Vous allez me les présenter ?

- Il n’y a pas besoin de se connaître pour se respecter. Tu pourrais être une sorte d’ange gardien, un protecteur agissant dans l’ombre pour préserver leurs actions.

« Mike n’avait pas répondu de suite, il était perdu dans la contemplation de la vue, tout comme aujourd’hui encore.

« Le marché te convient-il ? » avait insisté Espoir.

« Bien sur Maître Espoir, je vous le promets ». Ce n’était pas à cause de l’appartement qu’il avait acquiescé. Il ne croyait pas sincèrement aux ambitions démesurées d’Espoir. Il imaginait qu’il s’agissait d’une sorte de métaphore dont il ne saisissait pas encore le sens exact mais il était prêt a tout pour Espoir, il l’admirait tellement. Il repensait encore à cette promesse arrachée sans qu’il en comprenne le sens. Il s’en était acquitté le mieux possible depuis. En avait-il terminé ? Il s’était engagé pour la vie. Loin de la supprimer, la mort de son mentor ne l’avait que renforcée. Il tourna le dos au balcon et entra dans l’appartement. Il s’assit dans le canapé, y extirpa un tee-shirt noir portant l’inscription « I m the best » à moitié enfoncé entre deux coussins de cuir. L’endroit n’était peut-être pas resté si abandonné en fait. Si Thibault avait transformé son appartement en garçonnière durant son absence, il allait l’entendre. Mais pas de suite, il avait d’autres préoccupations. Il prit le téléphone et, après une inspiration, il composa un numéro, son cœur battant à tout rompre. Chaque sonnerie qui passait amplifiait encore son inquiétude, et quand il raccrocha après une dizaine de coups sans réponse, il avait l’impression de finir un marathon.

Il attrapa la télécommande et alluma la télévision zappant de chaînes en chaînes désespérant de trouver de quoi le distraire. Elles passaient toutes inlassablement le même reportage depuis dix jours. A croire que le monde s’était arrêté au moment où le gros vaisseau de Vengeance s’était posé. Un regain d’intérêt s’afficha sur le visage de Mike trouvant enfin un film sur la dernière chaîne. Rencontre du troisième type soupira-t-il reconnaissant un vieux film de Spielberg. La télévision s’éteignit et une grande lassitude l’envahit. Et si je leur disais tout ce que je sais, et si j’allais trouver les médias, il pourrait renouveler leurs reportages. Combien cela pourrait-il me rapporter ?

Il te prendrait pour un con qui veut profiter de la situation pour se faire du blé en inventant n’importe quoi ou alors, ils te croiraient mais ce sont avec les autres que tu auras des problèmes pensa Mike devant ces réflexions qui n’étaient pas les siennes.
Il se leva et extirpa de l’étagère un livre mal rangé. Il l’avait commencé avant de partir et avait oublié de l’emporter se souvenait-il. Il l’ouvrit à la page marquée par une carte postale qu’il avait voulu envoyer à son père sans jamais le faire et commença sa lecture. Après quelques pages il sourit et reprit le livre au début. La mémoire avait des limites enfin, tout au moins la sienne. Il tourna encore quelques pages puis attrapa le combiné et appuya sur la touche bis. Il entendit un déclic. « Allo ». C’était la voix d’Hélène


Maÿcentres :

Vu la façon dont Miroir m’avait répondu par une autre question en demandant pourquoi je m’intéressais à Mike, j’ai revu mon point de vue. Je ne pense pas que ces gens soient si limités intellectuellement et aient été perdus sous le nombre de mes questions. Le problème est tout autre. Ils veulent bien m’accepter car un de leur protecteur le leur a fait une demande écrite mais de là à me faire confiance, c’est une autre histoire. Accorder sa confiance demande du temps. D’un autre coté Miroir devait être assez curieux car, tandis que j’hésitais sur le façon de répondre, il a répété sa question :

« Pourquoi t’interesses-tu à Mike ?

- Je sais qu’il travaillait à Archuleta avec nous et Glace semblait avoir des rapports privilégiés avec lui.

- Ca se peut, et alors ?

J’ai choisi d’éluder dans un premier temps. Je ne voulais pas faire remarquer trop abruptement que j’avais repéré leur petite mise en scène à Archuleta consistant à simuler un enlèvement pour être tranquille avec Mike aussi ai-je légèrement dévié la conversation :

- Ce pourrait être intéressant de le rencontrer. Où en sont les rapports avec la Terre ?

Après une hésitation Cannelle a fini par répondre en grognant.

- Encore un joli secret ca. D’après les discours de Shynshy, il s’est fait connaître du peuple de la Terre il y a une dizaine de jour et tous vénèrent la confédération Vengeance-Maÿcentres. J’ai des doutes. Je crois que c'est une astuce pour dévier l'attention du peuple qui songe sérieusement à remettre son statut de président en question. De toute façon, vu la vitesse de vos communications. Il a dû y avoir un briefing, deux tout au plus.

Je suis d’accord avec les propos de Cannelle, moi aussi je me méfie. Je connais la Terre, j’y ai passé plusieurs années. Même cantonnée à une base souterraine, je sais ce peuple trop méfiant, et indiscipliné pour accepter quiconque hormis eux-mêmes. Je connaissais quelques secrétaires qui travaillaient sur ce projet. Je vais tenter de reprendre contact. Pensez-vous que cette planète soit accessible ?

- Non »

La réponse de Crayon était catégorique mais Miroir hésitait aussi, je me suis tourné vers lui.

« Je ne serais pas si catégorique. Les échanges vont sans doute se faire de plus en plus nombreux après une période d’adaptation. Il y aura un nouveau créneau à satisfaire d’ici peu. Il devrait y avoir moyen de se faire embaucher comme pilote. »

Voila une nouvelle qui me réjouissait malheureusement Miroir et Crayon n’imaginent pas pouvoir m’emmener. Ils pensent qu’ils auraient déjà de la chance s’ils se font embaucher pour du transport de marchandises. Et puis, les allées venues seront surveillées. Il s’agirait de se faire embaucher, de faire quelques trajets pour repérer les lieux et prendre contact avec la base d’atterrissage sur place, puis trouver un moyen de passer les barrages et de s’insinuer parmi la population locale. Ca exigera du temps et des risques.
Sachant qu’ils ne me diraient rien des informations qu’ils pouvaient posséder sur Mike, je me suis contenté de demander si continuer dans cette voies pouvait valoir le coup.

C’est Crayon qui a répondu "Ca peut

Alors je peux sans doute vous trouver un faux programme d’identité qui vous fera passer pour des natifs de Vengeance ou d’une quelconque planète d’extraction. Ils me firent une mine écœurée. Ils pourraient se retenir au moins devant moi. Pourquoi avoir quitté leur monde primitif si nous les dégoûtions tant que ça ?

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