dimanche 25 novembre 2007

AP : 1. Vengeance : Chapitre 11

11
Il est moins doux d'assouvir son amour que de satisfaire à sa vengeance.
[Paul-Jean Toulet]
Les trois impostures

Terre :

« Rien à foutre ! »
LG mit de coté ses exercices. Depuis un an, ils avaient commencé à apprendre à l’école la langue des Maÿcentres. Il n’aurait pas su dire s’il trouvait ça interessant ou non mais il assimilait très vite les langues et au moins, ca lui faisait un cours où il était sur de réussir sans travailler ni même tricher. Cela dit, il était tombé sur un motivé comme il les appelait. Ce genre de prof qui ne se contente pas qu’on réussisse et devant ses exploits, il lui avait donné du travail supplémentaire. Il disait que c’était dommage qu’il gâche son temps à regarder dehors pendant que ses condisciples tentaient désespérément d’assimiler les bases. Il ne regardait pas dehors, il se concentrait pour attirer l’attention des passants et les envoyer se cogner contre les arbres qui bordaient l’allée. C’était de la science expérimentale. L’enthousiasme de son prof ne durerait pas longtemps. Il ne maîtrisait pas si bien cette langue et LG commençait à devoir le reprendre. Il revint à la réalité voyant son pote le regarder discrètement. Enfin, son pote, c’était beaucoup dire. David avait été un bon ami mais maintenant il lui paraissait fade, peu intéressant. Un peu coincé.

« Je ne peux pas continuer à vivre ainsi » s’exclama-t-il devant l’air hagard de David.

- Hé, on se calme LG qu’est-ce qui t’arrive » demanda ce dernier en se replongeant dans la feuille qu’il avait sous le nez.

« J’en peux plus » répéta LG, « j’étouffe. Mes parents m’étouffent. Ils ne comprennent rien, ils vivent dans un autre monde, celui des croulants sans doute, complètement dépassé. C’est une vraie révolution, tout change et eux, ils ne voient rien. Pire, ils refusent de le voir, ils refusent de changer. Mais, c’est toi qui avait raison, l’avenir n’est pas ici, bientôt, nous pourrons conquérir des planètes entières et nous, nous restons là à résoudre des problèmes de physique et à potasser le programme du bac qui ferait bien d’être remis au goût du jour. C’est dépassé tous ca. Tout est dépassé ».

- T’es pas bien toi. C’est les cochonneries que tu manges qui te montent à la tête, ca te fais puer le gingembre

- Non, si, Au contraire » s’exclama Lull sautant soudain sur le lit de David, « je n’ai jamais été aussi bien, si lucide, l’avenir s’offre à nous David. Mais ce n’est pas en passant le bac à quinze ans qu’on révolutionnera le monde, il faut vivre la vie, pas l’étudier. Il faut découvrir le monde, découvrir l’univers.

- Bien sur et comment comptes-tu t’y prendre ?

David se moquait de lui. C’était sans importance, il le laisserait tomber, voila tout."Il faut trouver les bonnes personnes. La chance est à nos portes et nous la regardons passer sans la saisir.

- Que veux-tu dire ?

- Malta » s’exclama-t-il

« Monsieur Malta ? Celui qui nous a fait ses conférences ?

- Oui, il travaille avec les Maÿcentres. Tu savais qu’il avait fait ses études ici ? Mais il ne s’en est pas contenté, il n’a pas attendu les bras croisés en regardant la télévision quand les autres ont débarqué, non, de suite, il est allé les trouver, il a appris leur culture et peut-être sera-t-il dans les premiers à aller là-bas.

- Je croyais que ca ne t’intéressait pas.

- Je le pensais aussi, et d’un coté, c’est vrai, ce n’est pas les Maÿcentres qui m’intéressent, ce que je veux, c’est réussir ma vie, devenir quelqu’un, être reconnu et si tout cela passe par les Maÿcentres, alors, je passerais par eux aussi. Tu savais que Monsieur Malta connaissait mes parents ?

- Tu m’as dit oui. Tu m’as dit aussi qu’il t’avait dit que c’était quelqu’un de pas fréquentable et que l’honneté n’était pas son fort.

- C’est sur, il faut mieux être honnête et croupir ici plutôt que de faire quelques petits écarts et conquérir l’univers entier.

- T’es fou toi, occupes-toi plutôt de l’exercice pour demain.

- T’es bouché ou quoi ! Monsieur Malta, il est là maintenant. Une fois qu’il aura fini ses interventions, qui sait où il ira ? Il repartira sans doute aux Etats-unis travailler avec ceux des Maÿcentres et l’occasion sera passée.

- Tes parents n’accepteront jamais que tu fasses quoi que ce soit avec lui.

- Il s’agit de ma vie, pas de celle de mes parents, ils ne peuvent me cloisonner ainsi.

- Et qu’est ce que tu comptes faire ?

- Je me casse, je m’en vais, BASTA

Maïcentres

Umia regardait la pale lueur de l’aube à travers les vitres fumées.
La nuit était passée. Il n’avait pas fermé l’œil. Quand il rejoignait Réalité, il ne dormait jamais. Il passait la nuit rongé par le remord et la honte, se disant que se serait la dernière fois et qu’il ne reviendrait plus et pourtant, il la retrouvait toujours. Il avait été trop direct avec la Syhy Lytïl, sans doute côtoyer les gens de Plume ne lui réussissait pas, il attrapait leurs manies. Elle était partie sans répondre à sa question. Ca faisait plusieurs mois de cela et il n’avait pas trouvé comment organiser une autre encontre.

Réalité bougea dans son sommeil et se blottit contre lui. Il se retourna vers elle et enroula plus étroitement son bras autour du corps nu de la jeune fille qui parut sourire dans son sommeil. L'idée de tout abandonner l'effleura. Officialiser sa relation, ignorer les remarques, se contenter d'une vie simple et oublier.
« Sauvage Réalité, voudrais-tu vivre avec moi ?
- Pourquoi faire ? » murmura-t-elle dans un demi sommeil.

Pourquoi faire ? C'était une bonne question « Comment imagines-tu l’avenir Réalité ?

La jeune fille se tourna vers son amant et ouvrit les yeux. « Je le vois chez moi, en Cashir. Libre. Sans personne pour nous dire ce qu’on doit faire, ni les mondes extérieurs, ni les magiciens Adarii.

- Et moi dans tout ça.

- Quoi toi ?

- Tu m’abandonnerais.

- Pourquoi, tu viendrais en Cashir ? »

Voilà une idée à laquelle il n’avait jamais songé.

« Tu crois qu’on m’accepterait en Cashir ?

- C’est mon père qui décide, si je lui dis de t’accepter, il le fera » dit-elle continuant à l’embrasser. « A condition que tu nous sortes de l’esclavage évidemment.

- Et tu me prendrais pour compagnon ?

- Il ne faudrait pas exagérer, la fille de Cyril avec un Sy de Vengeance ! Ca ne fait pas sérieux. »

Terre

LG hésita. Quand David lui avait dit qu’il connaissait l’adresse de Thibault Malta, il y avait vu un miracle du destin. David lui avait dit avoir discuté avec Monsieur Malta après une conférence et ce dernier lui avaitparlé d'une opportunité. Evidement, David avait refuser d'écouter. C'’était juste un mensonge pour cacher la véritable raison de son refus. David etait mort de trouille. Il fusait la peur par tous les pores de la peau. Il était faible. Mais lui n’était pas comme son ami, il saurait prendre son avenir en main. Ses parents n’étaient pas encore rentrés, ils travaillaient tard dans ces boites minables où ils se faisaient exploiter sans espoir d’être un jour autre chose que de simples petits ingénieurs. Pire, sans même l’ambition de viser plus haut. Il avait réuni quelques affaires, un peu d’argent, et il était parti.
« Tu ne comptes pas sérieusement faire une fugue » s’était exclamé David quand il lui avait fait part de son projet. Décidemment, il ne comprenait rien celui là, il ne fuguait pas, il partait réussir sa vie.
« Surtout, tu ne dis rien à mes parents » avait-il presque ordonné à David. Devant l’indécision de son ami, il l’avait forcé à le regarder droit dans les yeux et avait répété son ordre avec plus de conviction. Il avait bien remarqué qu’il arrivait à demander aux autres de faire n’importe quoi il agissait ainsi, ils obéissaient toujours. Il avait expérimenté pas mal de chose dans le genre. Sur le fils du voisin d’abord puis sur tout le monde en général mais jusqu’à maintenant, jamais il n’avait utilisé cette tactique avec ses proches. Il avait ressenti une légère culpabilité à agir de la sorte mais voir avec quelle conviction David lui avait assuré ensuite qu’il ne dirait rien lui avait oté ses scrupules. C’était pratique et il pourrait faire de même avec Thibault Malta s’il ne lui donnait pas ce qu’il voulait. Oui, il avait les moyens en main pour réussir. Son moment de doute était passé, il se remit en marche plus assuré que jamais.

Il hésita en remarquant les volets de la maison du coin de la rue ouverts. Le vieux Enki n’était pas revenu depuis plusieurs mois. LG hésita, il voulait être loin quand ses parents rentreraient. Le vieux Enki était ce qui ressemblait le plus à un confident pour lui. Malgré son age il était toujours de bons conseils. Il ne le jugeait jamais. Il se décida pour frapper à la porte, juste histoire de lui dire au revoir pensa-t-il.
Personne ne répondit mais la porte était entrebâillée aussi il décida d’entrer. Il voulait éviter qu’on le remarque dans la rue. Le vieil homme était dans le salon. Il y avait une lueur bizarre autour de lui, un peu bleutée et il entendait une voix. Enki se retourna et plus par réflexe qu’autre chose, LG lui ordonna de ne pas le voir.

Le vieil homme fronça les sourcils, la lumière reprit une teinte normale et la voix disparut tandis que le sourire d’Enki s’élargissait. "Lull, comment vas-tu ?"

Merde, sa technique d’espionnage. N’était pas encore tout à fait au point. "Vous faisiez quoi ?

- Rien de spécial, tu veux un gâteau ?"

Lull secoua la tête. "Il y avait une lumière bizarre."

Enki regarda autour de lui. "Je ne vois pas.

- Et une voix aussi.

- C’est possible, j’écoutais un message enregistré.

- De qui ?"

Enki se dirigea vers sa cuisine "Ca va peut-être suffire pour aujourd’hui l’interrogatoire. Est-ce que je te demande moi la liste de toutes les personnes que tu croises ?"

Lull se rendit compte qu’en effet, il était entré sans demander et qu’il devenait indiscret. Il s’assit à la table de la cuisine et accepta une part de cake. Après quelques bouchées, il se lança : "Je venu te dire au revoir."

Enki se contenta de sourire. Lull précisa. "Je m’en vais, je ne suis pas fait pour vivre ici."

Enki lécha la pelle à tarte avant de répondre. "Et tu sais où tu vas ?"

Lull fut surpris, il s’attendait à devoir se justifier. Il profita de l’aubaine, il avait besoin de vider son sac.
"Il y a un mec qui bosse avec les Maÿcentres à l’école. Il s’appelle Malta. Mon père le connaissait. Je voudrais le convaincre de me prendre comme assistant où un truc du genre.

- Thibault Malta" reprit Enki

"Vous le connaissez ?

- Un peu.

- Vous le connaissez d’où ?

- Tu as raison. Il peut ouvrir des opportunités intéressantes. Va voir Malta mais évite de te faire voir des Maÿcentres.

- Au contraire" dit LG, c’est là toute l’idée, c’est avec eux qu’il faut bosser pour avoir de bonnes perspectives d’avenir.

- Mhm" fit Enki sans conviction en se levant. Il se dirigea vers la porte et l’ouvrit invitant Lull à sortir. "Vas voir Malta, il a un large panel de défauts mais n’est pas idiot. Il te dira la même chose que moi mais pourra t’ouvrir d’autres portes."

Lull sortit. Parfois le vieux débloquait grave. Il regrettait de lui avoir parlé. Il se demanda s’il ne risquait pas de cracher le morceau à ses parents. Il fit demi tour. Il fallait absolument qu’il empêche le vieux de parler mais le bus approchait. Il hésita et finit par décider que le plus urgent était de mettre de la distance entre ses parents et lui. Il pressa le pas, monta dans le bus, fouilla dans ses poches afin de trouver sa carte et se rendit compte qu’il l’avait oublié. « Merde » murmura-t-il. Il hésita entre retourner la chercher ou donner un peu de monnaie au chauffeur avant de se reprendre et de hausser les épaules, s’il y a un contrôle, je ferais croire au controleur que j’ai payé pensa-t-il et il s’assit au fond du bus. Il regarda par la fenêtre la maison du coin de la rue. Les volets étaient refermés.

Maïcentres

Umia éloigna la jeune fille qui s'était rendormie. Il se leva sans un mot. Il y avait trop longtemps qu'il était avec elle. Il s'amollissait au point de remettre en question ses projets. Cette fille la manipulait au point qu'il ait songé quelques secondes à tout abandonner. Bien sur, sa relation avec elle n'avait pas été inutile. Elle lui avait appris des choses inimaginables. L'existence de mystérieux moyens de défenses des Adarii, elle lui avait parlé aussi d'objets magiques que possédait son père tel son collier. Elle portait aussi une chaine métallique autour des hanches. Elle disait que les Adarii les utilisaient pour éviter d'avoir des enfants. Les Adarii étaient obnubilés par les enfants. Ils avaient beaucoup de difficultés à en avoir. Pourquoi auraient-ils conçus des moyens contraceptifs aussi étranges qu'ils soient. Ou alors Réalité lui avait menti. Il était vraiement tant de partir. Umia scruta la chambre à la recherche du collier. Avant meme de le voir il sentit son attraction. Il s'approcha, décidé à l'emporter et revint sur sa décision. Il ne tricherait pas. Il jeta un dernier coup d'oeil à Réalité, et encore une fois il songea à tout abandonner et rester avec elle. Il ne pouvait compter sur personne. Il continuerait mais seul.

Rapport de la troisème année :

- Au sujet de Dyasella Lytil : De sérieux indices laisseraient à penser qu’elle a été la maîtresse d’Orage quand ils étaient sur les Maÿcentres. Je pense qu’elle devrait être de notre coté mais elle ne s’impliquera pas.

- Miroir a de nouveau tenté de passer les barrages vers la Terre mais il s’est fait prendre et il est à craindre qu’il n’ait plus l’autorisation de s’approcher de cette planète.

- En conclusion : J’ai acquis la certitude que les terres Adarii de Plume sont libres mais nous ne pourrons nous en approcher.

Umia espérait que ce rapport suffise pour que Marcus Substance cesse de s'occuper de ses affaires. Il replia la fine feuille métallique et leva les yeux. Un jeune garçon était devant lui.

« Paraît que t’as du courrier pour moi l’vieux.

- Tu es en retard » dit-il en lui tendant la feuille. « Tu remettras ça à ton Maître.

- C’est le tien aussi.

- Non. Tu lui diras que je démissionne

- On n’abandonne pas Maître Substance. Lui, il peut te virer mais toi, tu ne peux pas partir.

- D’ou viens-tu pour être aussi impertinent ?

Le petit le regarda droit dans les yeux. « D’où, de quand, quelle importance ». Dit-il en lisant la missive. « Allez, je m’occupe de la Syhy et toi, tu continues.

- Non, je ne veux plus rien avoir à faire avec lui. Si tu as peur de lui dire, contente-toi de lui remettre ma lettre et s’il est si puissant, il n’a qu’à aller voir les Adarii lui-même.

- Hé, tu le vexes là. Allez, fais ton job » dit-il encore en rendant la feuille à Umia. Encore une chose, « arrete de réver, la réalité, ca a du bon.


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