mercredi 5 décembre 2007

AP : 2. Rêves d'enfants : Chapitre 3

La vérité ? Une marotte d'adolescent, ou un symptôme de sénilité.

Emil Michel Cioran]
La tentation d'exister

Terre

Lull était de plus en plus décontenancé. Thibault avait eu des propos bizarres. Quand il lui avait dit qu’il n’avait qu’à convaincre le personnel de l’aéroport, il avait craint qu’il ait découvert son secret mais c’était totalement impossible, personne ne le savait et puis, il lui avait parlé de déplacer des objets par la pensée. Dans un sens, il avait été rassuré à ce moment là, il ne savait rien. Thibault était juste un peu sénile avant l’âge. Un peu, ce n’était pas le terme. Complètement plutôt. Ses parents l’avaient prévenu. Il n’aurait pas dû aller trouver Thibault. Mais ses parents disaient tellement de conneries aussi. Comment savoir quand les écouter ? Il avait hésité à repartir chez lui et puis il s’était dit qu’il avait le temps. Thibault l’avait appelé le lendemain, lui disant qu’il avait fait une découverte sensationnelle et qu’il partait de suite pour Dubaï. Il lui proposait de le rejoindre à Paris et de là, ils prendraient l’avion ensemble. « Je t’ai réservé un billet par Internet » lui avait-il dit, « je te donne les codes. »

Il avait noté les numéros par réflexe, jamais il ne le suivrait de toute façon. Il n’était pas fou. Il avait répondu à Thibault que ça ne l’intéressait pas et qu’il comptait rentrer chez lui.

Thibault avait paru déçu mais n’avait pas insisté mais Lull s’était senti obligé de se justifier en précisant que de toute façon, il ne pourrait pas prendre l’avion, ses parents devaient le faire rechercher.

« Si tu es télépathe, tu dois pouvoir les convaincre que ce n’est pas toi qu’il recherche, même moi je serais capable de faire un coup aussi simple. »

Il avait paniqué et raccroché. Que savait exactement Thibault ? Il n’était peut-être pas si fou que ça. Il avait eu encore cette l’impression que tout le monde lui cachait des choses. Il aurait dû toucher Thibault pour sonder son esprit. Il ne l’avait jamais touché une seule fois, même pas pour lui serrer la main, il se défilait toujours. En y repensant, c’était Louche. Si, en y réfléchissant, il lui avait serré la main à l’école, il n’avait rien ressenti mais il n’y avait pas prêté attention sur le moment. Après tout, de ses parents aussi c’était rare qu’il perçoive quoi que ce soit. De sa mère parfois mais de son père jamais. En fait, il sentait les pensées de tout le monde sauf celles de ses parents et de Thibault songea-t-il soudain en attrapant un petit cadre photo représentant sa mère, son père et Thibault quinze ans plus tôt. Comme par hasard songea-t-il en caressant du bout des doigts les visages jeunes et souriant. Il reposa le cadre prudemment et se mit en devoir de fouiller tout l’appartement. Il ne savait pas ce qu’il cherchait, des réponses. N’importe quoi qui puisse calmer son esprit bouillonnant d’interrogations puis, finalement, il était tombé sur un acte de propriété de l’appartement dans lequel il se trouvait. Il n’était pas au nom de Thibault Malta. Loin de là.

Il saisit le téléphone et composa rapidement le numéro de chez lui puis, au dernier moment se ravisa. On se fichait de sa gueule. Les réponses, il les obtiendrait mais pas comme ça.. On le prenait pour un con, autant son père que Thibault, les réponses, il les aurait mais il se vengerait d’abord.

Il récupéra le téléphone et fit un autre numéro. « Allo » dit une voix jeune et féminine.

« Camille, C’est LG.

- LG, tes parents te cherchent partout

- Hé bien, surtout ne leur dit rien mais préviens tous les autres, Méga teuf ce soir. Il reposa le combiné après avoir donné l’adresse de l’appartement. « Maintenant, on avait dit, déplacer les objets sans les toucher » dit-il tout haut fixant un livre laissé sur la table basse.

"Pour comprendre l’avenir d’une société, écoutez les questions que posent maintenant les enfants"

[Faith Popcorn]
Le rapport Popcorn

Plume

« Et alors, on disait que Arc en ciel serait les méchants des mondes extérieurs et que moi…

- Je ne suis pas méchante » pleurnicha Arc en ciel.

- Moi, je veux bien faire les Maÿcentres » s’exclama Revanche.

La petite fille sourit. Elle allait peut-être pouvoir en faire quelque chose de celui-là. Quand sa mère lui avait dit que Sentiment était arrivée et qu’elle resterait jusqu’à l’arrivée de la délégation de Saphir, elle avait poussé un long soupir bruyant. Sa mère s’était fâchée disant que ce genre de bruit était très vilain mais Sentiment, elle ne l’avait vu qu’une fois mais elle se souvenait au combien elle était ennuyeuse. Quand sa mère avait précisé qu’elle venait avec son plus jeune fils et qu’il avait environ le même age qu’elle, une lueur d’intérêt s’était allumée dans ses yeux mais le petit garçon lui avait vite parut fade. Il commençait la moitié de ses phrases pas : ma mère elle a dit que… Et puis il avait l’air de tout connaître sur tout et racontait plein de trucs pas intéressant. Mais, il voulait bien faire le rôle du méchant.

« Donc, Revanche, il fera le méchant et Arc en Ciel, elle fera...

- Je veux faire la princesse !

- Arc en ciel » soupira la petite fille, « il n’y a pas de princesse dans ce jeu.

- Moi, je connais les princesses. » S’exclama Revanche.

« Comment tu connais ça ? Il n’y avait qu’elle pour connaître de telles choses grâce aux livres de sa mère. Elle seule était capable d’épater tout le monde en racontant ces histoires.

« Ma mère, elle m’a raconté des histoires avec des princes et des princesses. Même qu’elle dit que c’est pour de faux. Mais en fait, les princesses existaient sur Terre, il y a plusieurs siècles. D’ailleurs, il y en encore maintenant mais pas les mêmes. Par contre les contes de fée n’existent pas pour de vrai. Ce sont des histoires basées sur la culture de l’époque ou sont rajoutés des éléments magiques pour plaire aux enfants. Ils mettent en avant une certaines morale aussi. C’est ma mère qui l’a dit.

- Ca va, ca va, on a compris, ferme-là Revanche » s’exclama la petite fille.

Pourquoi ne pouvait-elle pas aller jouer avec Chiffre et Coton ? Pourquoi sa mère l’obligeait-elle à côtoyer ceux-là ?

- Et pourquoi on dit pas juste qu’il y en a un qui doit attraper les autres ? »

Elle jeta un air dédaigneux à Flaque qui avait proposé cette idée totalement dépourvue d’imagination. Cette dernière ce mit à rougir et se cacha derrière sa grande sœur. Elle était trop timide elle. « D’abord, je veux pas jouer aux Maÿcentres, il y a des monstres là-bas.

- Même pas vrai » reprit Revanche, « ma mère, elle y a été d’abord et sur Terre et sur Saphir.

- Si c’est vrai » dit Flaque d’une toute petite voix se blottissant encore plus contre sa sœur. On aurait dit un bébé pourtant elle avait sept ans. « C’est ma sœur qui l’a dit ». Ajouta-t-elle

La petite fille leva les yeux vers la grande qui avait au moins huit ans

« C’est vrai ça Rivière ? » dit-elle les mains sur les hanches.

« Pff, qu’est ce que j’en sais. C’est pas moi qui lui ai dit ça, c’est notre autre sœur. »

Elle tourna la tête vers un petit muret de pierre surplombant la mer. Une presque jeune fille jouait à la grande en faisant style : je suis trop fatiguée pour jouer.

« Oui c’est moi qui ai dit ça » lança Souffle du haut de ses douze ans. Elle était étendue sur le muret au soleil, avachi plutôt. « Tu peux toujours dire que c’est des mensonges mais c’est ton père qui me l’a dit. »

Le cœur de la petite parut s’arrêter de battre un moment.

« Quand ? Quoi ? Et comment tu connaîtrais mon père toi ? »

La jeune fille sourit et tourna enfin la tête vers elle. « Tu oublies que je suis la sœur de Rafale autant que toi. J’ai connu Orage quand il venait voir son fils. »

C’est vrai que Brise était la mère de Flaque, Rivière et Souffle, les trois sœurs mais aussi de Rafale. Les deux petites sœurs devaient être trop petites pour avoir connu son père et en plus, elles vivaient avec leur père à Amaerua par contre Souffle et Rafale vivaient avec leur mère à l’époque. Et Souffle devait avoir Quatre ans quand Orage était mort. C’était suffisamment grand pour avoir des souvenirs. La petite se précipita au côté de la grande. « Raconte » lui dit elle les yeux brillant.

« Ben, il m’a dit qu’il y avait des monstres sur les Maÿcentres.

- Je m’en fiche, comment était-il ?

- Les monstres ?

- Non, mon père.

- Je ne me souviens plus, je ne l’ai pas vu souvent. Je me souviens qu’il est venu une fois. Il a dû rester un mois peut-être. Il était gentil, il riait beaucoup et il parlait fort.

- C’est tout ! Tu n’as pas des histoires ?

- J’étais un bébé à l’époque. Je ne me souviens pas. Mais les monstres ça m’a marqué.

- C’est même pas vrai, les monstres ça n’existe pas » reprit Revanche.

« Qu’est-ce que tu en sais ? » reprit un autre petit garçon. « Je suis le monstre » dit-il s’approchant de Revanche en grognant.

« T’imagines pas me faire peur ainsi Argile » reprit Revanche.

Le dénommé Argile s’arrêta un instant puis reprit. « Et au fond, toi, c’est qui ton père ?

- Moi, mon père, il est de Saphir d’abord. » Tous les enfants se massèrent autour de Revanche devant cette palpitante information tandis qu’il continuait : « même qu’il s’est battu contre les hommes des mondes extérieurs et qu’il s’est fait blesser. C’est ma mère qui l’a dit.

- Et tu l’as déjà vu ? » Demanda une voix.

« Non. Ma mère m’a dit qu’elle l’avait rencontré quand elle est allée se battre sur Saphir mais ils n’ont pas gardé contact. Ils sont restés très peu ensemble parce qu’après, elle devait venir reconstruire Taegaïan. Même que ma mère, elle pensait qu’il était mort mais je lui ai dit qu’il était vivant parce que je le sentais dans ma tête.

« Hoooo » s’écria Arc en Ciel, « que c’est beau !

Et alors, ta mère, elle est allée le retrouver sur Saphir ?

- Non, elle a dit un gros mots puis elle est partie en claquant la porte. »

La petite commençait à s’impatienter. Cette histoire de héros blessé était un peu trop romanesque. Elle n’aimait pas trop voir Revanche accaparer l’attention ainsi. Quoique, il était mauvais conteur. Il aurait dû raconter des détails épiques de bagarres avec des morts et tout. Mais il valait tout de même mieux dévier l’attention : « Souffle, tu viens jouer avec nous ? » dit-elle à la grande toujours étendue sur son muret.

« Non » répondit-elle, « je suis trop grande pour les jeux de bébé

- Ma mère, elle m’a dit continuait Revanche « que le plus important c’était que je m’occupe des terres d’Azlan et que c’était ce que mon père voudrait mais c’est pas vrai, mon père il pense que je dois faire ce que je veux et pas obéir à ma mère.

- Papa, il dit que le territoire d’Azlan, c’est pas un vrai territoire, c’est juste des rebuts de Taïla.

- C’est quoi des rebuts » lança une voix ?

- Même pas vrai » s’exclama Revanche

« Si c’est vrai.

- L’écoute pas Revanche » lança Rivière « le fils de Cobalt n’est qu’un bébé, il n’a même pas de noms.

Mais Revanche n’écoutait plus. « Et ma mère, elle dit que ton père, il est inconscient d’abord.

- Ca veut dire quoi inconscient » dit une voix ?

« Ca veut dire que Cobalt, c’est qu’un gros nul.

- Mon père il est pas nul reprit le petit bout de plus en plus fort, même qu’il sait piloter des vaisseaux et construire des régulateurs thermiques, des isolants phoniques et des batteries solaires et qu’il est plus fort que les mondes extérieurs..

Un groupe d’hommes et de femmes assis sur le sable de la plage se retournèrent avant d’arriver en courant, séparant les enfants. La petite fille sentit une poigne ferme s’accrocher à son bras et la tirer vers la villa.

« J’ai rien fait Plumeau » s‘exclama-t-elle. « C’est pas moi.

- Vous n’avez pas honte tous autant que vous êtes ! » Répondit la gouvernante, vous battre comme des animaux !

Tu vas aller dans ta chambre, puisque tu es incapable d’organiser des jeux calmes, je vais t‘en proposer. Je suis sure que tu as encore des leçons à apprendre.

- Mais c’est le fils de Cobalt qui…

- Je ne veux pas le savoir

- Et Revanche il…

- Ce n’est pas mon problème.

- Et puis Souffle elle…

- Vous n’êtes pas capable de faire autre chose que vous chamailler. C’est une honte.

- M’en fiche de toute façon, ils sont pas marrant. »

La gouvernante soupira, il serait tant que tu apprennes à te socialiser un peu. Demain, il y a la cérémonie pour ton nom, après c’est la délégation de Maniya et celle de Tiyana qui arrivent. Tu ne peux pas passer ta vie à jouer avec les enfants du peuple.

- Et pourquoi pas ? » Demanda-t-elle tandis que Plumeau lui ouvrait la porte de sa chambre.

« Parce que tu n’es pas comme eux.

- Et pourquoi ? » Demanda-t-elle encore avant que la porte de sa chambre se soit refermé.

« Parce que » lui dit sa gouvernante à travers la porte. Et pourquoi elle se faisait toujours gronder ?


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