lundi 17 décembre 2007

AP : 3. Rafale : Chapitre 7

7

"Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie."

[Goethe

Terre : Nouveau mexique

Toujours ces gens qui passaient, différents mais semblables. Tous, ils allaient quelques part, ils avaient un but et lui non. Accalmie tira les rideaux de sa chambre. Il préférait rester seul. Il pouvait tout avoir, il ne comprenait pas pourquoi il était si mélancolique. Quelques semaines plus tôt, il ne vivait que de fêtes et de filles mais maintenant, rien que l’idée de sortir l’épuisait. La solitude était pesante. Et puis, il devait rester concentrer au cas où elle tenterait de le joindre. C’était comme une drogue. Comme une ouverture sur un autre monde, comme toucher du doigt une autre réalité. Proche mais en même temps inaccessible. Comment cette fille avait-elle réussi à lui parler ? D’où venait-elle ?

Elle n’était plus revenue. Mais il sentait qu’il avait besoin d’elle. Ou du moins il avait besoin de quelque chose qu’elle pourrait lui donner.

« Accalmie ».

Accalmie sentit son excitation remonter en sentant en lui le parfum de groseille de la petite. Il désespérait qu’elle le retrouve. Il sentit aussi son excitation et sa joie.

« Je vais rentrer chez moi

- Quoi ? » Accalmie ne s’était pas attendu à ça.

« Rafale a dit à Matinée que j’en avais appris suffisamment pour l’instant et que je devais attendre d’acquérir plus de maturité pour la suite. Il dit que mon lien est assez fort pour supporter la distance. En plus, ils veulent envoyer des délégués en Cashir pour faire des bateaux alors, je vais partir avec eux et Tempête et Matinée et ils vont me ramener chez moi et je retrouverais mes amis. Pourquoi t’es triste ? » Ajouta-t-elle soudain.

« Je ne suis pas triste mais je... Comment lui expliquer que, depuis qu’elle l’avait contacté, il vivait cloîtré, perpétuellement à l’écoute afin de lui parler, qu’il espérait qu’elle vienne le chercher et qu’il se sentait trahi.

Mais il n’avait rien besoin de lui dire, elle le savait déjà.

- J’ai parlé de toi à Maître Matinée, il dit qu’il ne veut pas aller sur Terre. Je pense qu’il croit que je t’ai inventé. Je t’ai dit que Tempête m’a dit qu’elle m’apprendrait à piloter le gros vaisseau ?

- Mais je suis réel.

- Je sais oui. J’en parlerais à ma mère. Elle a été sur Terre, il y a longtemps, je suis sûre qu’elle me croira.

- Et quand tu seras chez toi, tu pourras encore venir me trouver ?

- J’avais pas pensé à ça. Rafale dit que c’est possible, que tout ce que je fais ici, je peux le faire partout en visualisant mentalement. J’ai pas vraiment compris mais j’essayerais.

- Et si tu n’y arrives pas ?

- J’essayerais je te dis. »

Elle avait disparu comme elle était venue laissant Accalmie seul dans sa chambre. Son désespoir augmenta soudain. Il avait mis tous ses espoirs entre les mains de cette gamine et elle le lâchait comme on se débarrasserait d’un vieux jouet. Qu’allait-il faire maintenant ? Sa tristesse se mua peu à peu en colère, ça faisait des semaines qu’il restait enfermé ici à attendre d’hypothétiques nouvelles d’une petite fille. Et pourquoi ? Juste pour satisfaire sa curiosité en fait. Non, pour se faire connaître plutôt. Il avait commencé par s’inquiéter quand Thibault avait émis l’hypothèse que les Maÿcentres aient pu s’emparer du monde d’où venait son père. Il s’était senti concerné et avait été prêt à tout pour aider ce peuple qu’il ne connaissait pas mais maintenant, c’était fini, ils avaient l’air de très bien se porter sans lui. Cependant, il ne les laisserait pas croire qu’il n’était qu’une fabulation d’une petite fille. Tout le monde devait savoir qu’il existe.

Maÿcentres : Basses villes

« Ce n’est pas une motivation suffisante, nous n’avons pas plus d’importance à leurs yeux qu’un insecte pour un Terrien.

- Parle pour toi Umia.

- Mais vous aussi bon sang. Vous avez choisi de quitter leurs terres, C’est comme si vous étiez en campagnes libre ici. Quelle est la base de l’allégeance aux Adarii ?

Ils vous acceptent sur leur terre et vous assurent protection et justice et en échange, vous devez de les servir, leur obéir, et leur proposer vos plus beaux produits et ne pas leur poser de questions. Quelque chose comme ça non ?

- C’est un peu plus complexe, c’est…

- Les détails m’importe peu, le fait est que, si vous quittez leur terre, vous quittez aussi leur protection et leur pseudo justice.

- Ce n’est pas leurs terres.

- La terre n’appartient à personne, ils ne sont que gestionnaires et les protecteurs, je sais.

Je veux bien croire qu’ils vous aidaient un peu ici histoire d’avoir une petite organisation secrète sous la main mais vous ne me ferez pas croire qu’ils seraient prêts à une révolution pour vous. Dans le meilleur des cas, on peut imaginer qu’ils trouvent un moyen de vous ramener mais ils n’iront pas plus loin. »

Dyasella en avait suffisamment entendu. Tant d’ignorance l’exaspérait. Elle franchit les derniers mètres jusqu’à la salle.

« Alors c’est à ça que servent vos petites réunions ! » parler pour ne rien dire et vous plaindre de votre sort. Pour la plupart, vous avez quitté Plume depuis si longtemps que la seule chose que vous vous souvenez encore de votre planète d’origine, ce sont les jupes de vos mères. »

Cannelle désigna Dyasella du menton et se tourna vers Umia. « C’est quoi ça ?

Ce dernier n’eut pas le temps de répondre, Dyasella ne lui en laissa pas le temps. « Dyasella Lytïl Syhy de la première province continent de Vengeance. » Dit-elle en croisant les bras

« C’est censé nous impressionner ? » reprit Cannelle.

« Ca devrait oui. Mais je suppose que vous avez plus de respect pour votre serment d’allégeance que vous avez trahi en vous expatriant. Vous n’êtes pas sur Plume ici, vous devez le respect à l’autorité en place.

- Nous n’avons rien trahi et on ne se soumettra pas aux mensonges de Synshy.

- Pour autant, vous n’avez rien fait pour démentir ses propos.

- Qu’est ce que tu fous là Syhy ? C’est Umia qui invite n’importe qui chez moi ?

- Non.

- En effet, je n’ai pas besoin de lui pour savoir ce qu’il se trame ici.

- Et maintenant, tu comptes qu’on te laisse sortir d’ici tranquillement pour que t’ailles révéler notre existence sur la colline ? »

Dyasella s’avança et s’assit dans un sofa avant de reprendre. Et qu’est-ce que j’irai leur dire ? Qu’il y a une bande de bons à rien qui fomentent le soir, rêvant de retrouver les Adarii, histoire de passer leur temps en s’imbibant d‘alcool de rose de contrebande ? Tous ce qu’ils pourraient faire, c’est vous rire au nez.

- Dehors Syhy » s’exclama Miroir.

- Non, c’est trop dangereux de la laisser s’en aller.

- C’est ça, cherchez ce que vous allez pouvoir faire de moi, puisque vous aimez réfléchir inutilement. Au moins, Umia a raison, ce n’est pas vos insignifiantes personnes qui pourraient faire bouger qui que ce soit. Vous avez voulu faire les fiers en venant ici, vous vous pensiez capable d’affronter les mondes extérieurs comme vous dites, hé bien assumez maintenant. Après, si vous voulez retrouver vos protecteurs, mettez de cotés votre égo, demandez-vous vraiment ce qui peut les faire bouger et n’imaginez pas que c’est vous ? Si ce n’est pas des hommes, c’est que c’est autre chose.

- Ha oui, et quoi ?

- Minables » souffla-t-elle. « Vous n’avez vraiment aucune idée de ce qui se passe en haut » dit-elle dans un sourire.

« T’es là pour jouer aux devinettes ?

- Le palais présidentiel.

- C’est quoi ça ? » Demanda Cannelle ?

- C’est quoi ça » reprit Dyasella. « Mais la nouvelle demeure de Synshy bien sur, là où il organise de grandes réceptions pour montrer sa magnificence à tout le grattin pendant qu’il laisse crever les basses villes.

- Si, j’ai entendu parler » dit Umia. « Synshy a paraît-il récupéré l’ambassade de Plume pour en faire ses quartiers personnels.

- Et c’est tout l’effet que ça te fait ?

- C’est une honte » s’indigna Miroir tandis que Cannelle restait bouche bé comme hypnotisé. « Comment a-t-il osé ! Il faut faire quelque chose, le virer de là.

- Il faut juste trouver le moyen de prévenir les Adarii, si ils en ont le pouvoir, je ne leur donne pas une semaine avant qu’ils viennent récupérer leur villa et démolir Synshy.

- Ils ne vont pas lancer une révolution juste pour une maison.

- Sy Umia, votre ignorance fait pitié. Ils nous interdisaient l’accès à leur planète entière pour éviter qu’on souille de nos pieds impurs, les dalles de leurs jolies cités de pierre. Rien que l’idée qu’on puisse poser nos doigts sales sur leurs murs pourrait les mettre dans une rage folle. Ils ont une sorte de lien avec ce qu’ils bâtissent. Déjà ici, c’était le calvaire pour eux d’être obligé de recevoir à l’ambassade. Avoir tous ces gens, emplis de convoitise, souillant leurs salons de leurs émotions impures. Rare étaient ceux ayant pu avoir accès à la villa, et parmi eux, bien peu ont franchi les limites du salon d’accueil ou de celui de réception. Seul Eysky avait l’honneur d’être reçu dans un des salons des appartements privés. » Et moi aussi, mais elle se retint de le dire à voix haute. « Je suis sûre que même sur Plume l’accès aux villas doit être réservé à quelques privilégiés.

- Pas vraiment, mais c’est totalement inadmissible. On ne rentre pas dans une villa Adarii ainsi, il y a des règles et Synshy…

- C’est quoi les règles ? Pas d’émotions négatives, quelque chose dans le genre.

- C’est un peu plus complexe mais...

- Mais c’est ça. Comme s’ils craignaient que leurs murs perçoivent les émotions. Leurs capacités empathiques les détruiront. Et en attendant, cette villa est emplie de cupidités, de jalousies, d’envies, et pleins d’autres traits propres aux hommes d’ici. Allez, dites leurs que Synshy infeste leur villa de sa haine envers eux et arrêtez de jacassez inutilement

Terre : Crête

Thibault était en nage et il n’était qu’à mi chemin. Ses excursions dans le désert étaient encore moins pires que l’escalade de ce sentier de chèvres. Des rocs escarpés, des plantes piquantes, et une villa de rêve comme un cadeau au sommet. 500 mètres carrés de luxe et de raffinement, aucune faute de goût et tout ça inaccessible, ou presque. Quel gâchis ! Il souffla un coup et se remit en route. Ce vieux bonhomme pourrait se décider à construire une route décente, accessible pour les voitures ou au moins, qu’il se fasse brancher le téléphone. Quelle excuse lui avait-il donné pour ça ? Ha oui, que les lignes téléphoniques ne passaient pas jusque là. Tu n’as jamais entendu parler du satellite pauv tache. Il ne lui avait pas dit ça. Il l’avait pensé très fort mais ne lui avait pas dit. Avec n’importe qui d’autre il ne se serait pas privé, même ses parents. Surtout ses parents. Mais le vieux Substance, il l’aimait bien. Il avait un peu de mal avec ses excentricités, mais il avait un certain respect pour lui. Thibault aperçut à l’angle de son champ de vision, la cascade de la piscine à débordement. Ca lui redonna du courage. Encore quelque pas et il atteint le bassin le plus bas. Il enjamba trois par trois les marches longeant les deux bassins. Il était épuisé mais il était pressé d’en finir, plus il allait vite plus ce serait dur mais plus se serait court aussi. Il dédaigna la porte d’entrée afin d’éviter un escalier supplémentaire et longea la terrasse en teck, écrasant le nez contre chaque baie vitrée dans l’espoir de voir à travers les voiles de lin, une hypothétique activité à l’intérieur.

Il recula de plusieurs mètres, perdant presque l’équilibre quand une des portes s’ouvrit jusque devant lui.

« Tu espionnes sale petit vaurien ? »

Thibault secoua la tête et attendit que son cœur se calme. Lui foutre une trouille pareil après l’effort de la montée, c’était un coup à lui donner une crise cardiaque et il aurait le temps de crever dix fois avant qu’on vienne le secourir ici. Il finit par regarder la vieille femme en face de lui. Des joues rebondies sur un corps encore mince qui s’amollissait avec l’age. Malgré le ton dur dans sa voix, elle souriait et finit par ouvrir les bras.

Thibault sourit à son tour et s’avança pour l’embrasser sur les deux joues. « Ma Nana, tu rajeunis à chaque fois que je te vois » mentit-il avec le sourire, un peu désolé de voir les sillons plus profonds creusant ses joues.

« Dans ce cas, tu devrais venir plus souvent. Pourquoi es-tu là ?

- Pour te faire un bisou »

La vieille dame plissa des yeux. Thibault la connaissait suffisamment pour l’interpréter. Ca voulait dire, attention gamin, je t’ai à l’œil, quoi que tu mijotes, je sais que ce sont des bêtises. Pas dupe la vieille. Il avait passé plusieurs vacances d'été avec Marcus et la plupart de ses week end étant enfant. Il avait de bons souvenirs de sa maison de Provence, plus rustique que celle là mais un paradis pour un petit garçon. Et la vieille servante avait sans doute encore de bons souvenirs des bêtises qu'il avait pu faire là-bas. Malheureusement, elle était loin d'être sénile.

« Pourquoi es-tu là ? » répéta-t-elle

Thibault leva un coude, reniflant la sueur qui avait débordé de sa chemise. « Je suis venu me laver dans ta piscine.

- D’abord chenapan, tu vas te tenir correctement, ensuite, tu me donneras la raison de ta visite car, par expérience, je sais que tu ne fais jamais le chemin pour faire une visite de courtoisie même si tu devrais. Après, si tu veux te baigner, tu prends une douche d’abord et tu vas dans la piscine intérieure car celle extérieur n’est pas chauffée et je ne veux pas que tu attrapes mal. Je sais à quel point tu es fragile. Enfin, ce n’est pas ma piscine, c’est celle de maître Substance.

- Voyons Nana, c’est comme si tu faisais partie de cette maison, ça fait combien de temps que tu es au service du vieux Marcus ? Quarante ans ?

- Un peu plus.

- Tout ce temps à le suivre dans des endroits de plus en plus paumés. Si ce n'est pas du gâchis ça. Tu sais quoi, je pourrais t’amener avec moi. On se ferait des petites vacances comme deux amoureux ou plutôt comme une mamy et son petit fils. Je te ferais visiter un peu quelques villes, et puis je te raccompagnerais ou alors je te laisserais remonter toute seule. Ce chemin est épouvantable, il faut faire quelque chose.

- Très peu pour moi, je suis bien ici.

- Je me doute que tu es bien ici » dit Thibault en entrant dans le vaste salon s’écrasant dans un canapé d’aspect contemporain mais très confortable « mais les gens ne te manquent pas ?

- Pas le moins du monde.

- C’est pour ça que tu n’as pas répondu aux dizaines de messages que j’ai envoyé sur ton portable ?

- Ho tu sais, moi, le téléphone. C’était un gentil cadeau mais je l’ai perdu depuis longtemps. »

Putain, et dire qu’il payait encore le forfait tous les mois pour elle. Thibault se décida à se taire, observant la vieille domestique qui s’était attelée à faire du thé. Du thé vert, car le noir a tendance à faire mal à l’estomac aux petits êtres délicats comme il pouvait l’être expliquait-elle. Thibault n’écoutait pas. Il connaissait ses manies alimentaires par cœur. La montée lui avait ouvert l’appétit et il était prêt à avaler n’importe quoi même ses infâmes pâtes de soja qui devaient le maintenir en forme. Il observait la cicatrice qui zébrait sa joue. Elle commençait à disparaître dans les rides. Quand il lui avait posé la question, elle lui avait raconté qu’elle s’était faite agressée dans son jeune temps et que depuis, elle craignait le monde. Cette explication lui avait suffi en son temps mais aujourd’hui, il avait besoin de savoir plus, il avait l’impression qu’on lui cachait des choses. En tout cas, au sujet de Marcus, il en était certain.

Thibault leva la tête. Nana le regardait d’un air interrogateur. « Qu’est-ce que tu as dit ?

- Ha la la, toujours à rêvasser. Je te demandais juste ce que tu devenais.

- J’ai pas mal bourlingué. Des affaires qui marchent bien, d’autres moins et puis Marcus m’avait donné quelques pistes de recherche. C’est à ce sujet que je suis venu. Il n’est pas là ? » Thibault regarda autour de lui comme si le maître des lieux pouvait se cacher derrière un des fauteuils.

Nana secoua la tête. « Ca fait un bon moment que je ne l’ai plus vu, bien cinq ans ».

Thibault se rapprocha sur le bord de son siège. Qu’est-ce que tu veux dire ? Il n’a pas disparu tout de même ?

Mais non, il reviendra. Si tu as un message, je lui donnerais à son retour.

Attends Nana, tu me dis que Marcus est parti depuis cinq ans et ça ne t’inquiète pas ? Il lui est peut-être arrivé quelque chose. Où est-il parti ?

Je n’en sais rien mais ne t’en fais donc pas. Ce n’est pas la première fois qu’il disparaît ainsi. Il reviendra.

- Et tu n’a aucun numéro où le joindre je suppose ?

- Tu connais Maître Substance, il n’aime pas le téléphone.

- C’est ça oui, ni Internet, ni aucune technologie de communication et il attend que les clients grimpent ici pour leur livrer ses sculptures qu'ils pourront porter sur leur dos. Et la parabole qui traîne sur le toit c’est pour curer les nuages ? Prends-moi pour un con Nana.

- Je n’ai pas dit qu’il n’avait pas le téléphone, juste qu’il n’aimait pas ça. Et ne parle pas ainsi, ce n’est pas digne de quelqu’un tel que toi.

- Je ne veux rien savoir, je ne suis pas là pour me faire embobiner par ses conneries. J’ai appris que c’était lui qui avait payé mes études.

- Et c’est par reconnaissance que tu te montres si grossier ?

- Non Nana, je suis en colère c’est tout. J’ai toujours cru que la seule chose que daignait faire ma mère pour moi, c’était payer cette putain d’école mais en fait, même ça, elle ne le faisait pas.

- Tu es dur avec elle, elle avait des soucis, la mort de ton père l’avait mise dans une situation difficile.

- Hou hou, la Terre appelle le monde des rêves, Nana m’entends-tu ? Redescend dans le monde réel, ma mère n’avait et n'a toujours aucun souci. Quand je suis entré dans cette école, elle était déjà remariée, elle avait un bon job, mon beau-père aussi et excuse-moi de t’apprendre ça, mais tous les parents de mes petits camarades n’avaient pas le fric de Marcus Substance et ils s’en sortaient très bien. Juste que c'est une belle radine qui n'en avait rien à foutre de moi.

- L’argent n’est pas le seul souci dans la vie, je pense que c’était dur pour elle, tu ressembles tant à ton père.

- Les violons maintenant. On arrête avant la phase suivante où tu me sors la morale à la Nana.

- La morale ! Je pourrais te la faire, il serait tant que tu adoptes un autre ton avec moi.

- Excuse-moi Nana, je suis énervé, je ne le pensais pas. Tu sais que je t’adore. D’ailleurs ça me fait mal de te savoir ici toute seule. Au fond, tu vis de quoi ?

- Des dernières œuvres de maître Substance.

- Oui bien sur, le génial sculpteur dont personne n’a jamais entendu parler.

- C’est parce qu’il utilise de nombreux pseudo.

- Pour tromper le fisc.

- Thibault, cesse d’imaginer le mal partout.

- Pour se cacher alors, de qui ? De son frère Vérité ? »

Nana se tut et Thibault comprit qu’il avait vu juste. « J’ai appris pas mal de trucs ces derniers temps. Oui, quelqu’un a craché le morceau. Tu ne me demandes pas qui ? »

Elle haussa les épaules. « Onirique »

Gagné. Je me doutais que tu étais au courant de son existence. C’est un espion de Substance, évidemment.

- Non.

- C’est ça oui. Seul Substance pourrait me l’avoir envoyé. Tu peux lui transmettre un message quand il se décidera à revenir ?

- Bien sur.

- Ok. Tu lui diras que j’ai bien trouvé les documents qu’il ne voulait pas que je retrouve. Précise-lui qui ce n’était pas une mince affaire et que ça m’a pris plusieurs années. Dis-lui aussi que ce n’est qu’une sale ordure que de m’avoir obligé à cramer au fin fond du désert et me faire rôtir les méninges sur un récit qu’il aurait été correct de me raconter devant un verre et un bon feu et finis en lui précisant que ça ne répond pas à ma question. Tu retiendras ?

- Oui, je pense que je retiendrais mais j’utiliserai sans doute un vocabulaire plus adéquat.

- Si ça soulage ta conscience, rien à branler.

- Si je puis me permettre, je ne suis pas d’accord avec le dernier point.

- Quoi ?

- Ta question n’était-elle pas : D’où je viens ?

- Je vois que tu es renseignée.

- Un peu oui. Si je te dis qu’il y a une cinquantaine d’année, une pauvre femme a été découverte. Elle était enceinte, complètement paumée, errant dans une ruelle de Bagdad. Elle mit au monde un garçon et une fille. Elle parlait une langue que nul ne comprenait, ne savait ni lire ni écrire, ni même utiliser les sanitaires. Elle fut internée. Le médecin qui la suivait lui donna le nom de Maltaa sans savoir s’il s’agissait de son nom ou son prénom. Quand ses enfants vinrent au monde, on leur donna ce nom aussi. Ibtissam et Shamal Malta. Ca comble la partie manquante ? »

Thibault tenta de digérer l'information. Il n'avait jamais eu l'occasion de connaître sa grand-mère Ibtissam qui avait eu la mauvaise idée de se suicider à la naissance de son père. Pardon pas un suicide mais un tragique accident. Le genre où on passe par la fenêtre. Mais Marcus n'appelait jamais les choses par leur nom. Il se plaisait à raconter qu'il avait été le meilleur ami de sa grand-mère et le saturait d'anecdotes sans intérêt. Alors il descendait d’une malade mentale. Thibault ouvrit plusieurs fois la bouche avant de reprendre « Sampiternelle ? »

Nana ne répondit pas. Le contraire l’aurait étonné « Tu diras aussi à Marcus que je n’ai pas trouvé que des vieux parchemins et que je vais faire une grosse bêtise. Ha, j’oubliais. J’ai croisé un gamin d’Espoir qui traîne dans le coin. Il a quinze ans et s’appelle Accalmie. Mais je suppose qu’il le sait déjà.

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