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Ce qu'il nous faut faire pour permettre à la magie de s'emparer de nous c'est chasser les doutes de notre esprit. Une fois que les doutes ont disparus, tout est possible
[Carlos Castaneda]
La roue du temps
Maÿcentres : Colline du conseil
- Pas si sur. » C’était une voix aigue, trop. Les mots vrillaient le cerveau d’Accalmie. Une voix très grave lui répondit « Comment, pas si sur ?
- Certains détails sont troublants.
- Parle
- Il avait toutes sortes de papiers sur lui, comme ceux dont les Terriens raffolent.
- Et alors ? Penses-tu sincèrement qu’il aurait du mal à s’en procurer ?
- Oui, je pense qu’il aurait du mal, même lui, mais je conçois que c’est faisable. Je constate juste que c’est beaucoup de complications pour pas grand-chose.
- N’as-tu rien de plus consistant pour me convaincre ?
- Son dos est net, il n’a pas de dessins.
- De dessins ?
- Oui de gravure plutôt. Sur Plume, les gens sont marqués en piquant de l’encre sous la peau.
- Bande de sauvages.
- Oui mais pratique car dans un simple dessin, il est possible de savoir d’où ils viennent et ce qu’ils font.
- Comment ?
- Sorte d’idéogramme dont la base indique le territoire d’appartenance et se complexifie en ajoutant, suivant les cas, le statut du parent dominant, le sien, voire son nom parfois et leur allégeance évidemment.
- Les Adarii en ont un aussi ?
- Oui, la base indique le territoire mais ensuite il y a une spécificité pour préciser la cité et la caste Adarii.
- Et lui, ne l’a pas ?
- Voyez par vous-même.
- Il est peut-être autre part.
- Pas vu.
- Viens en au fait Dya, je sens bien que tu as une idée derrière la tête.
- Une simple hypothèse.
- Je t’écoute.
- Imaginons que certains Adarii aient eu des fâcheuses tendances à traîner sur Terre. Ce dont nous savons déjà être exact. Imaginons qu’ils aient perverti certaines filles Terriennes, ce qui est tout à fait leur style. Serait-il insensé d’imaginer que le résultat puisse être ça ?
- Les Adarii ne peuvent pas se reproduirent avec les autres races.
- Avec nous, non. Avec les Terriens, nous l’ignorons. Après tout, l’un comme l’autre sont des peuples très primitifs.
- Tu me poses une réflexion assez troublante. Cela voudrait-il dire qu’il pourrait ne pas savoir qui il est ?
- Je ne sais pas.
- Et que ceux de Plume pourraient ignorer son existence ?
- Théoriquement non. Les parents sont liés télépathiquement à leurs enfants, ils ne peuvent les ignorer à moins que…
- A moins que ?
- Qui aurait pu traîner sur Terre, il y a une quinzaine d’années ?
- N’importe qui, et beaucoup trop de monde à mon goût. En plus, dans ce cas, ils l’auraient récupéré.
- A moins que le parent ait été dans l’incapacité de le récupérer.
- Les Adarii, tant qu’ils ont une parcelle de vie, ils sont capables de tout, surtout du pire. »
Le silence envahit la pièce.
- Tant qu’ils ont une parcelle de vie » répéta la voix suraiguë
« Développe.
- Je pense qu’il est possible que la navette qui a négligemment explosé, il y a de cela une douzaine d’année aurait pu faire des petits.
- Calme Azlan ?
- Calme, Espoir, ou même Tendresse, je n’exclue pas la possibilité qu’une femme mette un enfant au monde et s’en débarrasse sur Terre. Leur cruauté n’a aucune limite.
- Non, ils tiennent à leurs enfants, ils en ont peu et en ont besoin sauf si…
- Sauf si… ?
- Sauf si ils ont fait un gosse et l’ont laissé délibérément sur Terre pour en faire un espion.
- Ce n’est pas à exclure. J’ai envoyé ses papiers pour analyse, un traducteur devrait aisément nous les expliquer.
- Pourquoi ne t’en es-tu pas occupé toi-même ? Je ne tiens pas à ce que cette affaire s’ébruite
- Je ne connais pas cet alphabet
- Tu n’as pas expliqué au traducteur de quoi il s’agissait ?
- Bien sur que non.
- Bien, moins il y aura de gens connaissant son existence, mieux on se portera. Combien, de temps la drogue fait-elle effet ?
- Elle ne devrait pas tarder à se dissiper. Il est possible qu’il nous entende déjà mais devrait rester un moment encore paralysé.
- Dans ce cas, nous restons ici, tu me serviras de traducteur
Terre : France
« Tu ne me culpabiliseras pas Hélène. Je lui avais dit de ne pas y aller. Je l’avais prévenu mais il ne m’a pas écouté. C’est son arrogance démesurée qui l’a poussé à imaginer qu’il pouvait vaincre les Maÿcentres à lui tout seul. »
Thibault n’avait pas passé la journée dans l’avion juste pour se faire engueuler par Hélène. C’était une furie cette femme et en ce moment, il avait encore plus de mal à supporter ses sentiment ravageurs. Il n’était pas venu pour Hélène mais pour Mike. Il s’inquiétait pour lui. Il avait beau essayer de s’éloigner de lui, les craintes de Mike concernant celui qu’il considérait comme son fils le touchait profondément.
Hélène avait repris sa litanie :« Tu es inconscient, pervers, cruel. Pourquoi l’avoir enlevé ? Pour te complaire à imaginer que tu avais du pouvoir sur ce gosse pour te venger de sa sœur. C’est ça ? Bien sur, Mike m’a raconté tes altercations avec Pluie. Après toutes ces années, tu te fais renvoyer d’une façon bien méritée et tu lui en veux toujours.
- La ferme Hélène, tu parles de choses dont tu ignores tout
- Alors explique-nous.
- Pluie est une peste, c’est vrai, et j’avais un certain plaisir à imaginer sa réaction si elle me savait en bon terme avec son frère. Et puis, merde, je l’avoue, ça ferait du bien à ce petit peuple arrogant de se prendre une bonne gifle et d’un coté, je souhaite de tout mon cœur que Synshy leur ait fait ravaler leur fierté. D’un coté seulement mais…
- Mais quoi ?
- Mais jamais je ne pourrais leur faire de mal. Ils ont quelque chose qui m’appartient.
- Quoi ?
- Et puis, bas les masques, ce que tu ne sais pas, c’est que si Espoir pondait des gosses un peu partout ce n’est pas juste parce que c’était possible, c’était parce que c’est mieux. A force de rester toujours entre eux, ils ont de plus en plus de difficultés à se reproduire. Il venait chercher des nouveaux gènes afin de renouveler le stock, si on peut dire. Quand on voit Pluie, on ne peut pas dire que ce soit une réussite, d’un autre coté, quand on voit sa mère, on comprend. Emma est complètement frappée. Bref, là n’est pas la question. Pluie est une peste mais elle est loin d’être la pire.
- Que veux-tu dire ?
- Sentiment.
- Quoi sentiment ?
- Je t’en ai parlé, quand je suis allée faire ces recherches, il y avait Pluie, Tempête et Sentiment.
- Oui et alors ?
- Sentiment était belle, elle était séduisante et elle était d’accord.
- Et elle t’a jeté, je sais. Elle avait raison.
- T’es bouchée toi. Je fais une obsession sur Plume parce que j’ai un gosse à moi là-bas.
- Pardon ?
- C’est la vérité. J’ai un fils chez les Adarii.
- Si tu veux mon avis, vu ton comportement, tu dois avoir pleins de rejetons partout. »
Thibault ignora la remarque d’Hélène et se tourna vers Mike. Lui aussi était sceptique. « Mike, tu sais que c’est vrai. Si je mentais tu le saurais.
- Ecoute, je conçois que c’est possible, mais c’est absurde. Nous n’avons plus aucun contact avec eux. Même c’était vrai, tu ne pourrais pas le savoir.
- Mike, c’est moi ! Je ne suis pas comme cette tarte d’Hélène, je suis télépathe, tout comme toi. Je le sens ce gosse. Je ne l’ai jamais vu mais je le sens en moi. Je ne sais pas son nom mais je sais que c’est un garçon. Quand il est triste je le sais et quand il s’amuse, ça me fait plaisir. Parfois, je me réveille au milieu de la nuit parce qu’il a peur et il doit le savoir car j’ai l’impression de pouvoir l’apaiser je ne sais pas comment. Parfois, j’ai l’impression qu’il m’appelle. Ce n’est pas un vrai appel comme tu peux le faire, c’est juste une sensation de manque alors, je lui dis que je suis là et il est content. C’est,… je ne sais pas, c’est magique.
- Tu vas me faire pleurer » lança Hélène rompant le silence par ses sarcasmes.
« Toi, évite de te mêler de chose que tu ne comprends pas. Ton gosse faisait des expérimentations mentales sur ses petits camarades et tu ne t’en es même pas rendue compte alors, ferme là jusqu’à ce que tu atteignes le centième du potentiel que je possède.
- Je ne te permets pas de me parler ainsi.
- Ecoutez là, miss petite bourgeoise, à se trémousser dans ses petits tailleurs et talons plats en épouse parfaite. Je te préférais dans tes robes de cuirs moulantes, quand tu te faisais sauter par Espoir. »
Mike attrapa au vol la main de sa femme.
« Tu ne vas pas le laisser me parler ainsi. Fais quelque chose Mike ?
- Vous ne croyez pas qu’il y a plus urgent que se battre pour l’instant. Je vous rappelle que notre fils s’est fait enlever. Notre seul but maintenant doit être de le récupérer.
- Ce n’est pas ton fils et ce ne le sera jamais et il ne s’est pas fait enlevé, il est parti. Puisque c’est comme ça, demmerdez-vous sans moi, j’ai autre chose à faire.
Plume : Désert Rose
« Où suis-je ? » C’était plus une plainte qu’une question.
Umia se rapprocha légèrement de Dyasella. « Vous allez bien ?
- Je crois » dit-elle, cherchant à se relever. « Non, j’ai mal à la tête. Où sommes-nous ?
- Je ne sais pas, nous sommes enfermés.
- C’est la nuit ?
- Non, il y a de la lumière qui filtre sous la porte. »
Dyasella tenta encore de se relever et parvint à s’appuyer contre le mur. Ques s’est-il passé ?
- On s’est écrasé dans le désert. J’ai aperçu des hommes approcher, montant des animaux étranges et je me souviens plus. Je pense qu’on m’a frappé.
- J’ai soif.
- J’ai vu une cruche d’eau mais je ne garantis pas sa propreté.
- Je m’en fiche » dit-elle en se traînant dans la pénombre jusqu’à la table pour boire à même le récipient.
« Y a quelqu’un ? » cria-t-elle s’essuyant d’un revers de manche.
Seul le silence lui répondit.
« Ils sont là » chuchota Umia. « J’ai vu des ombres passer derrière la porte. Je crois que quelqu’un est entré, il y a déjà un moment. Quand je me suis réveillé, j’ai entendu des voix auprès de moi.
- Et Réalité ?
- Je ne sais pas, elle n’est pas là. Elle était blessée quand nous nous sommes écrasés ».
Umia avait tenté de mettre dans sa voix beaucoup moins de craintes qu’il n’en ressentait. Il n’était pas sûr d’y être parvenu. Malgré un mauvais départ, le voyage avait été facile. Trop facile. Dyasella était beaucoup plus impulsive que lui. Umia aimait dresser des plans, contrôlait les variables, imaginer les risques, élaborer les scénarii possibles et ensuite seulement, se lancer. Dyasella commençait par se lancer et réfléchissait aux conséquences ensuite. Umia découvrit vite qu’elle avait décollé pour Plume sans anticiper le moindre risque. Ils avaient passé plusieurs heures à ce disputer à ce sujet et Umia avait dû admettre que, si elle manquait de préparation, sa position prestigieuse remplaçait avantageusement le meilleur plan et il s’était félicité de l’avoir choisie pour ses affaires. Arrivée sur la plate-forme de Saphir, elle avait dit, avec un culot étonnant et une formidable capacité d’improvisation, qu’elle était la Syhy Lytyl et qu’elle en avait assez de se contenter des soieries que les entrepreneurs daignaient importer jusqu’à Vengeance. Elle voulait les choisir elle-même, autorisation ou pas. Elle avait vu les tissus importés par Marcus Substance, ils ne ressemblaient pas à ceux qu’on trouvait sur les Maÿcentres, elle voulait choisir à la source. Le responsable de la plate forme avait finalement trouvé un compromis. Il avait autorisé la Syhy à suivre un vaisseau qui l’accompagnerait sur Plume. Pour sa sécurité, elle ne devait pas rester seule. Elle avait suivi le vaisseau d’un entrepreneur jusqu’à la planète rose. Il ne faisait aucun doute qu’il la conduisait vers la campagne libre de Cashir. Arrivée dans l’atmosphère de la planète, elle avait viré brusquement vers le désert en simulant un problème technique par une conduite erratique, elle avait ainsi atteint la mer pour ensuite suivre la cote jusqu’à apercevoir des forêts luxuriantes. « Ce doit être les forêts d’Arkae » avait fait remarquer Réalité. « Si les plans de mon père sont exacts, l’oasis de Taegaïan devrait être juste derrière ». En effet, ils l’avaient repéré facilement, petit point de verdure entre le désert rose et l’océan. Dyasella avait viré dessus sans se préoccuper de ses poursuivants, puis il s’était passé quelque chose. Difficile à expliquer, Dyasella avait perdu le contrôle et le vaisseau avait été expulsé. Umia avait juste eu le temps de voir le vaisseau de ses poursuivants faire demi-tour tandis qu’ils s’écrasaient dans le désert. Il n’aurait su dire si tout cela s’était passé quelques heures auparavant ou si plusieurs jours s’étaient écoulés. Il avait perdu conscience. Quand il avait repris ses esprits, il faisait nuit. Dyasella était en état de choc et Réalité. Réalité, repensa Umia sentant de nouveau son estomac se tordre d’inquiétude. Il avait cru qu’elle était morte. Elle avait été projetée à l’avant sur les commandes. Elle avait une sérieuse blessure à la tête et avait perdu beaucoup de sang. Il avait tenté de la faire revenir à elle, sans succès. Quand, à l’aube, il avait aperçu des hommes venant vers eux, il s’était précipité à leur rencontre les suppliant de l’aider.
C’était trop demander car le souvenir suivant était quand il s’était réveillé dans cet espace trop petit, enfermé avec Dyasella et sans Réalité.
Dyasella s’était remise à hausser la voix dans une langue inconnue.
« Vous connaissez leur langue ?
- Quelques mots ».
Cela parut suffire car la porte s’ouvrit sur un homme de carrure imposante. Umia eut le temps de distinguer d’autres personnes par l’ouverture puis la porte se referma.
Il dit quelques mots à Dyasella d’un ton autoritaire malgré la légèreté de la langue de Plume. Dyasella répondit, hésitante, cherchant ses mots. Umia saisit plusieurs fois le terme Adarii cité par chaque protagoniste. « Demandez-lui où est Réalité ? » Dyasella fit signe à Umia de se taire, se concentrant pour comprendre l’homme qui lui faisait face. Elle dût dire quelque chose qui lui déplut car il haussa le ton. Dyasella ne recula pas, même quand l’homme sortit un couteau qu’il pointa sur elle. Elle ôta une chaîne de son cou et la lui jeta littéralement à la tête. Il l’attrapa au vol, jeta un œil au pendentif, puis à Dyasella et la pointa de nouveau de son couteau. Elle sourit, dit encore quelques mots. L’homme la détailla de haut en bas, ferma le poing autour du pendentif, fit tourner son couteau puis repartit en prenant bien soin de refermer la porte derrière lui.
Umia fixa Dyasella retenant un sourire. C’était mieux que tout ce qu’il avait pu espérer. Dyasella pouvait communiquer avec eux. Le pendentif de Dyasella devait vouloir dire quelque chose, tout comme le message qu’il avait eu de Glace qui lui avait permis d’approcher Cannelle. Il était facile de savoir d’où elle tenait ce bijou. Orage bien entendu. « Pas un mot » lui dit Dyasella pour lui faire comprendre qu’elle n’admettrait pas de réflexions à ce sujet.
Umia était cependant trop diplomate pour se le permettre, il en vint à l’essentiel : « Que vous a-t-il dit ?
- Je n’ai pas tout compris, il a demandé nos noms et ce qu’on faisait ici. J’ai tenté de lui dire qu’on venait en ami et qu’on devait voir le Maître Prestance de Taegaïan mais je ne suis pas sur qu’il ait compris.
- Vous lui avez demandé pour Réalité ?
- Oui, mais il n’a pas répondu.
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