mardi 8 janvier 2008

AP : 4. Réalité : Chapitre 4

4

"Ne pas tourner le dos à la réalité ? Oui, mais est-ce que la réalité ne nous entoure pas de toute part ?"

Stenislaw Jerzy

Plume : Cité de Tae : Taegaïan

« Non, je n’ai pas exagéré, cette petite peste se prélasse, logée, nourrie, tout confort et elle se permet en plus de m’insulter. J’ai obéi, je ne suis pas allée la voir alors que je reste persuadée qu’elle nous cache des choses. Son père peut avoir découvert ce que bon lui semble, ça m’est égal. Tout ce que je veux savoir, ce sont les magouilles auxquelles elle aurait pu être mêlées avec ses compagnons des Maÿcentres.

- Je t’ai déjà dit qu’Eclaircie s’était chargé de ça. Elle ne sait rien de plus que ce que t’a dit Dyasella. »

Avec Pluie, les discussions étaient sans fin et elle avait parfois pas plus de jugeotte qu’une gosse. Rafale lui avait rapporté les propos de sa fille et avait conclu qu’il fallait mieux préparer un plan d’action sur. Il n’appréciait pas cette histoire de champs de force autour de la plate forme. Sans doute un vaisseau pourrait-t-il le traverser mais avec quel conséquences ? La petite ne paraissait pas en danger. Il avait demandé à Ambre et Jade d’étudier le problème. Ils étaient les plus compétents concernant les théories des champs de force, mais Pluie avait été outrée. Elle ne concevait pas ce temps d’attente pourtant nécessaire. Elle rêvait de massacrer tous ceux qui pourraient lui barrer la route. Rafale percevait que la petite était en sécurité, sa mère sentait qu’elle était triste. Sa soeur devait-elle se mordre les doigts d’avoir voulu jouer les espionnes, ça lui sevirra de leçons. Peut être ensuite sera-t-elle un peu plus obéissante.

« Je peux aller l’interroger. »

Rafale en revint à Pluie. C’était une idée fixe chez elle. Passer ses nerfs sur Réalité sous prétexte qu’elle accompagnait les deux indigènes des Maÿcentres. Il n’y avait rien à retirer de la jeune femme de Cashir. Eclaircie l’avait sondée. Belle idée aussi qu’il avait eu là. Vu l’état de faiblesse dans lequel elle était, il avait failli la tuer. En plus, pour rien. En tout cas rien qui puisse aider Pluie à retrouver sa fille mais il avait découvert qu’elle avait lu le journal venant de Saphir qui s’était retrouvé en possession de son père. Elle savait qu’il possédait un code. Elle ne l’avait pas déchiffré mais son père oui. Maître Matinée en avait été malade. De toute façon, autour de lui ce n’était qu’une tension perpétuelle. Et Pluie qui insistait encore pour aller voir Réalité. Comme si l’avoir poussé à fuir dans le désert n’était pas suffisant. Il se concentra pour garder en lui la colère qui le submergeait et pour répondre calmement.

« Non. Tu la laisses tranquille et nous attendons que son père vienne se jeter dans nos bras pour la récupérer.

- Et s’il ne vient pas ?

- Il viendra dès son retour en Cashir. Nous avons déjà chargé les espions de Cashir de prévenir de la présence de sa fille ici.

- Vous avez dit qu’on la retenait ici ? »

Rafale se tourna vers Eclaircie. « Retenir, quel vilain mot. Jamais. J’ai plutôt insinué que, suite au désir de son père, nous nous étions chargés de la retrouver et que nous invitions ce dernier à venir la récupérer et qu’ainsi, nous pourrions discuter de la suite de nos échanges. J’ai insisté aussi sur le fait qu’il pouvait emporter les résultats de ses recherches.

- Je ne vois pas la différence. » Remarqua Pluie

Rafale ferma les yeux et soupira. Même malgré sa position, il devait un minimum de respect à Pluie, elle avait été une des maîtresses de son père. Il lui devait la même considération qu’à sa mère. Mais parfois, c’était très dur.

« Normal, tu n’as aucun sens de la diplomatie. » C’était Eclaircie qui avait dit presque textuellement ce qu’il pensait. La réponse de Pluie ne se fit pas attendre.

« Eclaircie, je ne te permets pas »

Ca y est pensa Rafale, c’est reparti. Pluie avait les nerfs à vif depuis le départ de sa fille et Eclaircie en rajoutait, juste pour le plaisir de la voir gesticuler en tout sens. Il allait être servi.

« Vous voulez vous en servir d’otage, très bien. Alors on va sur les Maÿcentres et on l’échange contre ma fille. De toute façon, son père n’est pas difficile à atteindre. Vous n’avez qu’à attendre qu’il revienne. Nos espions nous préviendront et de là, on lui rend une petite visite de courtoisie et on récupère tout ce qui nous ai du.

- Pluie, ta douceur et ta subtilité m’épateront toujours » reprit Eclaircie.

« Tu peux parler toi. Que se soit Réalité, Umia ou Dyasella, tu n’as pas cherché à les interrogés, tu les as sondé directement.

- Justement, c’est subtil, ils n’ont pas eu le temps de s’inquiéter et ils ont tout oublié.

- Formidable en effet, ta douceur a failli coûter la vie à Réalité qui était trop faible pour le supporter.

- En effet, j’admets que j’aurais pu faire preuve de plus de délicatesse. Je reconnais mes erreurs moi. Mais ce n’est pas moi qui l’ai envoyée crever au milieu du désert.

- Mais, je n’ai rien fait !

- Ben tiens, tu dis un mot et elle s’enfuit. Par contre, je dois admettre que le guérisseur a fait des miracles, jamais je n’aurais cru cette fille capable de trotter si longtemps dans le désert. Le cheval qu’elle nous a volé a été moins résistant. Qui l’a soignée ? »

Rafale n’écoutait plus. Ces chamailleries incessantes n’avançaient à rien. De toute façon, discuter avec Pluie était inutile, la seule chose qu’elle voulait faire s’était prendre un vaisseau et partir sur les Maÿcentres pour récupérer sa fille. Elle ne comprenait pas qu’un tel voyage au cœur d’un territoire ennemi exigeait un minimum de préparation et de précaution. Eclaircie n’avait pas tort. Pluie n’avait pas à répondre aussi crûment à Réalité mais, n’importe qui aurait agi de la sorte devant une fille qui fait un esclandre au milieu de la cité et cette Réalité ne devait pas être bien intelligente pour imaginer qu’elle serait capable de traverser seule le désert. Quand la servante chargée de lui apporter ses repas lui avait dit qu’elle avait disparu, il avait lancé plusieurs personnes à sa recherche. Ils avaient eu de la chance de la retrouver. Elle s’était aventurée très loin dans le désert. Cette tête de linotte s’était mise en tête de rejoindre Cashir. Si même elle avait réussi la traversée du désert, il lui restait encore les montagnes et un bras de mer. Le désespoir conduit à des comportements grotesques. Il devrait s’occuper d’elle lui-même mais il n’en avait vraiment pas envie. Il serait tenté de la ramener chez elle pour s’en débarrasser mais tant qu’il ne savait pas ce que détenait son père, c’était hors de question. Eclaircie souriait de plus en plus en regardant Pluie s’échauffer. Lui par contre, ses sentiments violents l’épuisaient. Deux gamins, songea Rafale. Et puis tant pis, songea-t-il, je n’ai rien de mieux pour l’instant.

« Eclaircie » dit-il tout haut interrompant leur dispute. « Tu vas voir Réalité. »

Maÿcentres : Colline du conseil

Dya jubilait. Elle avait réussi à retenir l’attention du président. Bien sur, elle aurait préféré qu’il la félicite pour le travail qu’elle avait accompli mais il s’était contenté de dire : « je ne vois pas le rapport entre l’étrange généalogie de Mike Gentry et Hélène Giolani et l’Adarii Accalmie ». En effet, elle en avait oublié la base de sa recherche mais peut-être Marcus Substance saurait-il. Il fallait absolument le retrouver malheureusement, Marcus Substance semblait s’être évaporé dans la nature. Pourtant il n’avait pas dû aller bien loin. Son code n’avait pas été signalé à l’embarcadère du téléphérique, il n’avait pas de vaisseau et n’avait embarqué dans aucune navette. La déduction logique s’imposait. Ou qu’il soit, c’était sur le périmètre de la colline du conseil. Il ne pouvait en être autrement. Sa maison avait été fouillée bien sur. Où donc pouvait-il se cacher ? Et surtout pourquoi ?

Quelques coups discrets à la porte. « Entrez » dit-elle sans se retourner.

« Les documents que vous avez demandé aux chercheurs Terriens sont arrivés. »

Bien. Le coursier était parti après avoir posés quelques rouleaux numériques sur la table. Enfin. Ce n’était pas trop tôt. Ses chercheurs étaient efficaces mais les communications si lentes. Il fallait plusieurs jours pour que ses ordres parviennent sur Terre et autant pour avoir les réponses. Cette attente lui était insupportable. Dans un sens elle comprenait la faiblesse de l’ancien président qui avait imaginé pouvoir supprimer ce temps d’attente en laissant les Adarii gérer les communications mais le bénéfice en avait été faible en fin de compte. Les communications télépathiques sont peut-être instantanées mais on ne pouvait faire confiance en ces sorciers, jamais. La seule chose logique à faire, était de les supprimer tous. Dya parcourut des yeux les rouleaux, avide d’en savoir d’avantage. Après un instant d’incrédulité, La rage l’envahit d’un coup. Elle respira profondément pour contenir ce sentiment si primaire. La colère discrédite l’intelligence et conduit à la violence. Elle enfonça le poing sur le commutateur central. « Un message pour la Terre » grinça-t-elle entre ses dents. « Pour le légat Vygosi : Priorité absolue : Trouver Thibault Malta et mettez-le en garde à vue. »

Comment avait-elle pu être si aveugle ? Dès qu’elle avait eu entre les mains le nom de Malta dans la généalogie il lui avait paru familier mais elle n’avait pas pris garde.

Maÿcentres : Colline du conseil

- Puis-je vous demander la raison de votre présence ici Grésil ? »

Grésil répéta ce qu’elle avait déjà expliqué. Sans doute Miroir perdait-il la mémoire mais ça ne se faisait pas de le faire remarquer « je suis venue pour aider Dyasella et elle ne peut pas me ramener car elle a perdu ses vaisseaux.

- Il me semble que vous ne l’aidez pas beaucoup et que si vraiment vous vouliez très fort, vous pourriez trouver un moyen de convaincre certaines personnes qu’il faut lui rendre ses vaisseaux. Peut-être même pourriez-vous trouver une façon de convaincre les gardes de la plate forme de laisser passer ma navette pour que je puisse vous ramener. »

Grésil regretta d’avoir obligé Dyasella à garder Miroir. Bien sur, il était gentil mais un peu envahissant. Il la surveillait et lui posait trop de questions qu’elle arrivait à contourner par diverses stratagèmes qu’elle pensait discrets. Elle était contente de l’avoir car elle devait admettre qu’elle avait un peu peur de cet environnement si différent du sien. En plus, elle devait prendre soin de Chiffre et elle avait été rassurée de trouver un adulte qui la comprenait et agissait de façon normale. Miroir était intelligent et cultivé, tout le contraire des hommes qu’elle avait vu à son arrivée. Ces qualités devenaient des défauts associés à trop de curiosités. Elle hésita à se confier. Peut-être pourrait-il l’aider. Elle décida de parler à moitié : « Dis-moi Miroir, qu’arriverait-il si le méchant président me trouvait ?

- Je ne sais pas.

- Est-ce qu’il m’enfermerait dans un endroit tout noir et tout petit ?

- Je ne le laisserais pas faire une chose pareille. »

Parfois, on la prenait vraiment pour une petite fille. Là n’était pas la question. D’ailleurs, c’est plutôt elle qui ne le laisserait pas faire mais elle n’avait pas assez confiance en Miroir pour lui dire qu’elle sentait qu’Accalmie était ici et qu’il était enfermé dans un endroit petit et sombre. Elle insista : « mais imaginons que tu essaies de me sauver mais que tu te fasses arrêter à ton tour.

- Sans doute serais-je envoyé sur Exil pour trahison et je croupirais ma vie durant sur la planète prison aussi, le mieux, est que vous restiez la plus discrète possible ou que vous trouviez un moyen pour m’aider à vous ramener chez vous. »

Il allait la faire pleurer. Il ne croyait pas lui-même à son discours.

- Et moi aussi je serais envoyée sur Exil ? »

Miroir sourit « sans doute pas.

- Alors, où serais-je enfermée ?

- Je l’ignore » Miroir rit franchement. « Tel que je connais cette ordure de Synshy, il vous garderait comme otage à portée de main, tel un trophée à admirer de temps en temps. »

A portée de main. Grésil réfléchit. Pas bête en effet. Et Synshy habitait dans la villa Adarii. Chez Dyasella, il n’y avait aucun endroit sombre mais dans une villa… « Miroir, tu connais la villa des Maÿcentres. Y a-t-il des endroits sombres ?

- Non. Que je sache les pièces donnent toutes soit sur l’extérieur soit sur la patio. Grésil ne pensez-vous pas qu’il serait plus simple que vous me disiez exactement ce que vous voulez savoir ?

- Y a-t-il des caves ?

- Oui, bien sur »

Grésil réfléchit à toute vitesse. Miroir n’osait pas la questionner d’avantage mais il s’inquiétait. Elle devait aller voir les caves de la villa. Partir sans que Miroir la voit, c’était facile mais, si elle trouvait Accalmie, elle devrait le ramener ici. Il faudrait une explication. En plus, Accalmie était malade, elle le sentait. Miroir ne la prenait pas au sérieux, il avait quitté Plume depuis si longtemps qu’il ignorait jusqu’à l’existence des Annunaki mais il avait compris qu’elle n’était pas une simple petite fille même s’il lui parlait comme à un bébé. Et si elle lui disait tout ? Elle pourrait dire qu’elle pensait que Synshy retenait un Adarii, qu’elle devait le libérer et monter une révolution contre le président. Elle aurait préféré en parler au maître Marcus, il était pleins de bons conseils mais elle s’était rendue deux fois chez lui durant la dernière semaine et les deux fois elle avait trouvé porte close.

Terre : Arabie Saoudite

Grand dieu Thibault a écouté tes supplications « J’ai réfléchi à ton problème » se contenta de dire Thibault à voix haute. Il avait été beaucoup amusé que Cyril imagine qu’il était la solution pour sauver Cashir. On l’avait pris pour beaucoup de chose au cours de sa vie : un idiot, un menteur, un dragueur, un escroc, un monstre mais jamais personne n’avait parlé de lui comme d’un sauveur.

« Connais-tu le dicton, choisir entre la peste et le choléra ? Non bien sur, c’est peu connu mais je suis très cultivé. Disons plutôt, entre deux maux mieux vaut choisir le moindre. »

Thibault attendit la réaction de Cyril. Il commençait à le connaître. Il savait qu’il l’écoutait même si son attention paraissait être ailleurs. Ils se retrouvaient chaque jour à la même heure, dans le même bar et ils parlaient. Thibault connaissait tout. La situation de Cashir, celle des territoires Adarii, l’emprise de la confédération. La seule chose qui lui paraissait floue était le rôle qu’il devait jouer au milieu de ça. Cyril lui avait dit savoir qu’il serait dans le désert ? Comment ? Il n’avait pas répondu ce contentant de dire qu’il le savait. En ce qui concernait Thibault, il le savait par Onirique. N’y tenant plus, il avait demandé à Cyril s’il était en contact avec Onirique. Il lui avait répondu qu’il savait qui il était, qu’il savait aussi que Thibault possédait son journal. Thibault avait été si surpris que, pris de court, il avait accepté que Cyril vienne dans sa chambre d’hôtel et il lui avait montré le précieux manuscrit et les traductions qu’il avait pu en tirer.

Cyril parut sortir de ses rêveries et reprit la discussion en cours : « Quel est le moindre maux à votre avis ?

- Tu l’as dit. Tu m’as dit textuellement : la confédération va tous nous tuer. Passez sous protectorat Adarii. Ils virent la confédération et ensuite, vous voyez comment vous débarrasser d’eux.

- Et ensuite, vous m’aiderez à me débarrasser des Adarii. »

Ce n’était pas une question, il aurait été dommage de le contredire. Pour une fois qu’on le prenait pour un tout puissant sauveur alors que, ne fut-ce que l’idée d’entrer dans un vaisseau spatial le rendait malade. Etre entouré de vide faisait partie de ses phobies alors, traverser une plate forme de plissement dont il n’était pas sûr d’avoir compris le fonctionnement exact pour jouer les libérateurs auprès de quelques paysans…

- Mais bien sur » dit-il en souriant

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