samedi 12 janvier 2008

AP : 5.Plaisir : Chapitre 6

6

On n’éprouve aucun plaisir à avoir raison si on ne peut démontrer aux autres qu’ils ont tort

William Hazlitt


Maÿcentres : Pavillon des Lytyl-Paktyl


« Ho, ça va, lâche moi »

Accalmie éloigna Mike rudement. Il avait passé l’age des effusions. Dyasella fronça les sourcils. Quelque chose avait changé chez lui. Elle n’aurait su dire en bien ou mal. Bien sur, elle était soulagée de le voir revenir. Elle ne s’était pas inquiétée autant que Mike, mais tout de même un peu. Mike ne devrait pas être si démonstratif envers lui. Elle avait beau savoir qu’il venait de la Terre, elle ne pouvait s’empêcher de trouver chez lui des caractéristiques qu’elle avait déjà remarquées chez Orage. Les Adarii avaient horreur des effusions. Tout comme Mike, elle aurait voulu savoir ce qui s’était dit mais elle se retint de lui poser la question. Mike le serinait de questions et de réprimandes et il se renfrognait de plus en plus. Il lui disait qu’il aurait dû rester avec elle. Il n’avait pas dit pourquoi il s’était éloigné. Dyasella soupçonnait qu’il n’avait pas eu le choix et qu’il était trop fier pour l’admettre. Mauvaise idée pensa-t-elle tandis que Mike lui expliquait le plan qu’il avait mis en place.

« Dyasella nous a trouvé une navette » disait-il « mais il ne faut pas qu’elle soit impliquée. Elle la fera venir à l’écart pour raison de maintenance. Nous ferons semblant de nous emparer de force avec son pilote. »

Mike était si pris par son discours qu’il ne voyait pas Accalmie se renfrogner. Ce dernier s’éloigna brusquement. « Qui t’a dit que je voulais partir ?

- Nous n’avons plus rien à faire ici.

- Je refuse que tu décides pour moi. »

Dyasella ne voulait pas se retrouver au cœur de la dispute. Elle s’éloigna. « Tu restes ici » lui ordonna Accalmie.

Oui, il avait changé. Jamais il ne s’était adressé à elle avec un ton si impératif. Elle obéit cependant. Il se détourna de Mike, le laissant se plaindre seul et lui fit un compte rendu. Il lui expliqua tout. Le matériel vidéo dans les salles de réunion, comment les Adarii s’en étaient emparé et ce qu’ils avaient découvert.

« Parce que ces petites teignes savent utiliser ces technologies » maugréa Mike.

« Ils savent tout » chuchota Dyasella, « ils maîtrisent tout et s’infiltrent partout. » Mais ce n’était qu’un détail, l’important était qu’elle avait échoué, le soutien du peuple ne suffirait pas, sa candidature serait rejetée. Elle s’en doutait. Il n’y avait qu’Umia pour y croire.

Mike insistait. « C’est un vote blanc, les ambassadeur ont le temps de changer d’avis. Je parlerais à Paya. Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé. Il était d’accord quand je lui ai parlé. Pas enthousiaste, mais d’accord »

Dyasella secoua la tête. Non, elle ne le ferait pas changer d’avis. C’était une tête de mule, tout comme tout ceux de son peuple, aveuglé par ses traditions. Elle le savait. Les Adarii aussi devaient le savoir. Paya et eux s’étaient toujours tenus les coudes. De là à penser qu’ils avaient incité Paya à refuser de voter pour elle…et peut-être certains autres aussi. C’était aussi tout à fait possible.

Accalmie s’était assis. « Si les autres ambassadeurs sont de ton coté, ça devrait suffire.

- Non, il n’y en aura pas assez. D’autres candidats avaient l’unanimité, ils s’en contenteraient.

- Les autres candidats sont-ils réellement dangereux pour la Terre ? »

Dyasella acquiesça. Oui, ils l’étaient. Hylyl et Gyomi. Deux conseillers de Vengeance. Bonne carrure mais il craignait la Terre, ils voulaient la soumettre à l’impuissance. Ils avaient la technique, pourrir leurs économies, détruire les systèmes informatiques, et bloquer les systèmes énergétiques. C’était facile. Synshy avait sans doute déjà investi les programmes informatiques de la Terre. C’était une procédure normale. C’était d’ailleurs pour cette raison que Vengeance et les Maÿcentres avaient supprimés leurs systèmes centralisé après les guerres de Conquête. Synshy ne s’était pas engagé plus loin, ça ne présentait pour lui aucun intérêt. Au contraire, il voulait garder les connaissances guerrières de la Terre contre Plume et Saphir. Les autres voulaient les détruire. Ils voulaient tout détruire, ils étaient nombreux dans ce cas. Quant à Ryun. Dyasella sourit constatant qu’elle ignorait quels seraient ces buts. Elles connaissaient mieux les autres candidats que son ancien compagnon.

« Ils ont dit qu’ils avaient une solution. »

Perdue dans ses réflexions, Dyasella n’avait pas suivi la fin du discours d’Accalmie. « Qui ?

- Ceux de Plume, Pluie a dit qu’elle pouvait convaincre les ambassadeurs. »

Un sursaut d’espoir envahit Dyasella qui disparut tout aussi vite. « Contre quoi ? »

Accalmie sourit. De quel coté était-il se demanda-t-elle soudain.

« Elle a refusé de me le dire. Elle veut en parler à vous uniquement ».

C’était louche, très louche. Pluie était dangereuse et Accalmie, trop sûr de lui. Il jouait les portes paroles maintenant. Ca ne lui plaisait que moyennement. Quoi qu’il en soit, elle n’avait pas le choix.

« J’irai » dit-elle.

« Non » intervint Mike. « C’est de la folie, sans doute un traquenard. Pluie est dangereuse et en aucun cas vous ne pouvez lui faire confiance »

Elle le savait, elle n’était pas stupide. Pourquoi l’avaient-ils renvoyée pour ensuite lui dire de venir ? Accalmie. Il était impliqué dans leur plan, consciemment ou non. Ils avaient besoin de lui parler avant de lui soumettre leur proposition. Pourquoi ? Que lui avait-il dit ? Où fait ? Ces questions n’avaient aucun intérêt, de toute façon, elle n’avait pas le choix. « Alors quoi ? » s’exclama-t-elle, « on abandonne ? Je laisse la Terre entre les mains de Gyomi ou Hytyl ?

- Ca me paraît moins risqué que de pactiser avec les Adarii. Je rentrerais sur Terre, je préviendrais la menace. Nous avons les moyens de nous défendre. Et Lull rentre avec moi ».

Accalmie s’était levé. Il le regardait avec un air de défi. Mike soutenait son regard. Il hésita, ouvrit la bouche, la referma et quitta la pièce en claquant la porte. Mike se précipita à sa suite. Dyasella le retint par le bras.

« Non » dit-elle. Il se retourna et pendant un moment elle crut qu’il allait le gifler mais il se reprit. « Lâchez moi.

- Laissez-le » dit elle, « il a besoin d’être seul.

- Pour qu’il aille les retrouver ?

- Si vous continuez à le harceler ainsi, il ira.

- Qu’en savez-vous ?

- Je les connais.

- Lull n’est pas un des leurs, c’est mon fils.

- En êtes vous sûr ? »

Mike s’effondra. Dyasella crut qu’il allait se mettre à pleurer mais il se contenta de s’asseoir. Elle ne dit rien, s’approcha de la baie vitrée avant de revenir vers Mike. « Il est dans le jardin », lui dit elle. « Laissons le réfléchir. Je pense qu’il en a besoin. Nous en avons tous besoin. Vous voulez boire quelque chose ? Nous sommes tous sur les nerfs, nous n’avons quasiment pas dormi ces derniers jours. »

Mike acquiesça par réflexe. Dyasella douta qu’il ait ne fut ce qu’entendu ce qu’elle venait de dire.

Pavillon des Lytyl-Paktyl

La nuit était tombée, il faisait froid. Accalmie ne bougeait pas. Assis sur un rebord de la maison de Dyasella, il regardait les étoiles. Ce n’était pas les mêmes que chez lui. Elles ressemblaient, mais ce n’était pourtant pas les mêmes. Mais où était-ce chez lui ? Les incrustations de coquillages dont était construites la maison rendaient son siège de fortune inconfortable. Il y avait des fauteuils à l’extérieur mais il n’avait pas envie de bouger. Dyasella arrivait. Il ne la voyait toujours pas mais il sentait sa présence. Un châle se retrouva sur ses épaules et la chaleur lui fit du bien. « Il est tard » dit-elle s’asseyant dans l’herbe près de lui. Elle lui tendit un bol rempli d’un liquide fumant. Il s’en empara sans un mot. « Vous devriez songer à dormir. Vous avez passé les derniers jours à veiller Mike. »

Oui, c’est vrai, il avait passé presque une journée et une nuit au chevet de Mike. Il s’était inquiété. Il y tenait, il l’aimait, comme un père. Enfin c’est ce qu’il pensait mais au fond il avait à peine connu son vrai père, il ne pourrait comparer. Mike lui avait dit un jour que quand Espoir était mort, il n’avait plus prononcé une parole pendant une année entière. Il devait avoir quatre ou cinq ans, ce n’était pas si jeune pourtant il ne gardait plus aucun souvenir. Sans doute était-ce si douloureux que son esprit avait chassé ses souvenirs. En serait-il de même si Mike disparaissait ? Il but une gorgée. C’était chaud et ça lui fit du bien.

« Vous avez été à Taegaïan ? » Il ignorait pourquoi il avait posé cette question, il le devait c’est tout.

Dyasella hésita. « Je vous en ai déjà parlé » dit elle se souvenant cette soirée où elle s’était confiée à lui, peu avant l’arrivée des Adarii, c’était à peine une semaine plus tôt. Tant de choses avaient changé depuis.

« Non, vous m’avez dit ce qu’il s’était passé pas comment c’était ».

Le silence lui répondit puis Dyasella se mit à parler. « C’est différent » dit-elle.

« Différent comment ? »

Dyasella réfléchit. C’est une oasis entre la mer et le désert rose. Il y a une très grande cité de pierre Blanche. Je pense qu’il y en a quatre sur leur territoires mais je n’en ai vu qu’une. Celle que j’ai vue était en bordure d’un océan ou l’eau a des reflets roses à cause d’une sorte d’algue je crois. J’ai aperçu des collines dans des tons ocre. C’est très sec. Et au loin, il y a des falaises qui protègent contre l’avancée du désert. »

Accalmie avait du mal à en faire une représentation.

« Mais, ils n’ont pas de technologie ? »

Dyasella ne savait pas. Ils savaient utiliser celle des Maÿcentres, ils avaient peu d’énergies accessibles. Ils utilisaient l’énergie solaire mais après ? « Je l’ignore » dit-elle enfin. « Ils doivent cacher pas mal de secrets aux cœurs de leurs villas. »

Leurs villas. Leurs forteresses plutôt vu la taille de l’édifice et, apparemment, celle des Maÿcentres était petite. Il ne pouvait s’ôter les dernières paroles de Pluie Il n’arrivait pas à s’en détacher. « Reviens quand tu veux petit frère, cette maison est la tienne ». Elle avait dit ça sur un mode particulier qu’il n’arrivait pas à cerner. Quelque chose au niveau des émotions plus qu’au niveau du discours. Il essaya de se concentrer sur ses façons d’agir, sa froideur, sa distance, la façon dont ils avaient manipulé Dyasella et lui pour les séparer alors que Pluie aurait pu juste demander. Il n’arrivait plus à lui en vouloir. « Petit frère » murmura-t-il.

Il se tourna vers Dyasella. « A qui appartient la villa ?

- Laquelle ?

- La villa Adarii des Maÿcentres, à qui appartient-elle ? »

Dyasella ne comprenait pas la question. « Aux Adarii » répondit-elle.

« Oui, mais à qui en particulier. Elle est bien au nom de quelqu’un ?

- Je vois ce que vous voulez dire. Non » dit elle. « C’est une ambassade. Son territoire est régi par les lois de Plume. Je pense que ce petit bout de territoire appartient à l’oasis de Taegaïan. Donc cette villa doit appartenir aux Adarii de Taegaïan mais c’est compliqué, ils n’ont pas la même notion de propriété. Les villas appartiennent plus ou moins à tous et à personne en particulier mais ils ont en même temps une très grande valeur affective pour elles et ils ont du mal à les partager avec les étrangers même pour une simple invitation. Je n’ai jamais vraiment compris.»

Pluie avait dit qu’il était chez lui. Le considérait-il comme un des siens. Les paroles de Mike s’infiltraient en lui. Il parlait de traquenards, de pièges. Il ne savait qui croire. Enfin, il savait qu’il devait faire confiance à Mike, c’était lui qui l’avait élevé. Il avait toujours été bon et juste et il lui faisait confiance. Il arrivait justement. Il était furieux.

Pourquoi ne le laissait-il pas en paix ? L’aube pointerait bientôt. Encore une nuit où il n’avait pas dormi.

Pavillon des Lytyl-Paktyl

« Lull, on s’en va, de suite.

- Je n’irais nulle part.

- Ho si, tu vas m’obéir. » Il le tira par le bras comme un gamin. Il était tant de la reprendre en main ce gosse.

Que s’était-il passé ensuite ? Il ne se souvenait plus de rien. Il était encore dehors. Il ne faisait pas encore jours, il ne devait pas s’être passé beaucoup de temps.

« Ca va ?» dit Dyasella à ses cotés.

« Où est Lull ? Que s’est-il passé ?

- Je l’ignore, vous vous êtes battus, et il s’est enfui. »

Plume : Taegaïan

Réalité fit une grimace en s’écorchant contre un rocher mais continua à avancer. Elle ôta ses sandales afin d’avoir un meilleur appui au bord de la falaise et, après un dernier tournant sur le promontoire rocheux, l’océan rose envahit tous son regard. C’est vrai que l’endroit était magnifique. Elle se détacha du paysage en percevant des cris d’enfants et fit encore quelque pas, rassurée de retrouver de l’herbe sous ses pieds et de pouvoir s’éloigner de la falaise. Les habitants de la région n’avaient aucun mal à se déplacer, même sur des routes si étroites, mais elle n’avait pas l’habitude. Guider par les cris, elle le trouva aisément. Il était assis contre un gros rocher, perdu dans la contemplation des vagues. Elle hésita mais resta en retrait.

« Va-t-en » lui dit-il.

Elle secoua la tête. Il ne pourrait la voir, il ne la regardait pas. Elle s’avança encore et s’assit à ses cotés. C’était haut. Il suffirait de pas grand chose pour tomber. Juste qu’on la pousse un peu.

« Va-t-en » répéta-t-il sans conviction. Tout comme lui, elle regarda l’océan. C’était plus facile de regarder l’eau que de le regarder lui. Le petit paquet dans ses bras se remit à crier. « Il a peut-être faim » dit Réalité.

« Non, il pleure la perte de sa mère »

Réalité était prête à accepter qu’un nourrisson puisse sentir la disparition de sa mère. Elle commençait à en avoir vu beaucoup depuis son arrivée. Elle s’approcha encore frôlant Éclaircie et délicatement attrapa le bébé. Éclaircie la laissa faire. Elle ôta le drap qui le couvrait, par cette chaleur il n’en avait pas besoin, et le berça en chantonnant. Petit à petit ses cris diminuèrent.

« Tu es la première à réussir à le faire taire ».

Elle regarda le petit qui, doucement, à contre cœur, fermait les yeux. « Peut-être qu’on se comprend tous les deux. Mutine était mon amie. Peut-être ne l’étais-je pas à ses yeux. Je ne sais pas. Ça n’a pas d’importance. Elle me manque mais, ce n’est qu’un bébé, il doit se sentir seul, perdu dans un nouveau monde loin du cocon dans lequel il avait vécu pendant neuf mois.

- Tu t’y connais à ce que je vois.

- J’ai cinq petits frères. »

Éclaircie approuva. « Elle me manque, tu sais »

Réalité ne répondit pas. Elle n’était pas sûre de savoir. Elle ignorait si ses paroles avaient le même sens pour elle que pour lui, mais même elle ressentait la détresse d’Éclaircie. Le petit recommençait à s’agiter. Comment pourrait-il se calmer avec une telle tension autour de lui ? Éclaircie ne pourrait pas non plus trouver le calme avec cette petite chose si angoissée. Elle se leva et fit quelques pas chantonnant un air entraînant pour le petit et se forçant à sourire pour le rassurer. Éclaircie n’avait pas bougé. Elle s’en approcha de nouveau et dans un élan irraisonné l’embrassa sur la joue. Peut-être juste pour lui transmettre a lui aussi un peu de tendresse. Sans attendre de voir sa réaction elle se détourna et s’éloigna.

Maÿcentres : Ambassade de Saphir-Plume

Il faisait encore nuit quand Accalmie arriva en vue de la villa. Il poussa résolument les grilles, elles n’étaient pas fermées. Il s’attendait à trouver le lieu désert à cette heure matinale mais la villa était illuminée et il y régnait une grande effervescence. Il percevait de nombreuses ombres derrière les vitres. Du mobilier, des étoffes étaient amoncelées en tas devant l’entrée. La porte s’ouvrit laissant passer deux personnes qui discutaient avec enthousiasmes, les bras chargés de caisses. Un troisième les suivait en chantonnant, il l’aperçut et lui fit un sourire comme s’il le connaissait avant de disparaître à l’intérieur. Il le suivit et entra dans le hall. Par la porte ouverte, il aperçut plusieurs personnes en grande discussion autour du parquet abîmé. La vitre brisée avait été changée et un homme accrochait de nouvelles tentures.

« Je peux vous être utile Adarii ?

Accalmie sortit de sa torpeur et mit un moment avant de constater qu’on s’adressait à lui. Il se tourna vers l’homme qui lui avait adressé la parole qui donna dans le même temps un vase imposant à un autre homme qui le jeta avec force à l’extérieur. « Nous faisons le ménage » continua-t-il en s’essuyant les mains. « On se débarrasse des débris de Synshy.

« Qui sont tous ces gens ?

- Pour la plupart, ce sont des personnes originaires de Plumes mais vivant ici. »

Accalmie regardait autour de lui. L’homme lui redemanda ce qu’elle pouvait faire pour lui. Il n’en savait rien. « Je suis venu voir Grésil » dit-il enfin.

« L’Annunaki Grésil dort encore. Les autres aussi. Ils ont veillé tard hier soir.

- Ils ne sont pas les seuls » marmonna Accalmie. Tout ce bruit, ce monde, il se sentait épuisé, d’un coup.

Son interlocuteur hésitait. Son visage s’illumina soudain. « Je crois que l’Adarii Ambre est dans le jardin ».

Il le suivit sans savoir ce qu’il dirait à cet homme qu’il ne connaissait pas. Il avait l’esprit brumeux. Trois jours qu’il n’avait pas dormi. Pourquoi était-il venu ici ? Peut-être juste car il n’avait nulle part où aller. Il ne voulait pas rentrer sur Terre. Il était parti de chez Dyasella sur un coup de tête car il avait besoin de fuir, tout comme il était parti de chez Mike avant cela et tout comme il avait aussi quitté Thibault. Non, il ne ressentait rien d’affectif ni quoi que se soit d’autre devant ce lieu, il fallait juste qu’il puisse tirer un trait dessus avant de partir. Une façon d’achever une sorte de quête. De pouvoir ce dire à lui-même : maintenant, je sais d’où je viens. Ensuite, il repartirait avec Mike, sans regret, car c’était ce qu’il avait de mieux à faire.

L’homme l’avait laissé seul. Il l’aurait bien retenu juste pour qu’il reste à ses cotés, pour avoir une présence et sentir encore près de lui ses sentiments d’allégresse. De celui qui était en face de lui, il ne ressentait rien. Il avait la peau foncée, comme la sienne. Le nombre de fois qu’on lui avait demandé d’où il venait ! Mon père est américain, ma mère Italienne. Combien de fois avait-il pu ressasser ce discours ? Mais Américain, genre d’Amérique du sud ? Oui, du sud de New york. Ça mettait fin aux commentaires. Et lui, ça ne l’avait jamais perturbé. Maintenant, ça lui paraissait insensé qu’il ne se soit pas posé de questions.

Ambre était assis au bord d’une fontaine, il faisait glisser quelque chose dans sa main, comme une minuscule petite tresse. Il ne l’avait pas vu. Il lui tournait le dos.

« Si, je sais que tu es là » dit-il enfin en se tournant vers lui. Il avait le même air fatigué qu’il devait sans doute arborer lui-même et quelque chose d’autre, comme un air mélancolique mais sans les émotions qui vont avec. Il ébaucha un sourire et baissa la tête vers la mèche de cheveux dans sa main qu’Accalmie ne lâchait pas des yeux. « Mutine » dit-il « nous avons pour tradition d’offrir une mèche de cheveux à celui qui a perdu un être cher. Je ne sais pas d’où vient ce rite ni ce qu’il signifie. C’est pour Rafale » ajouta-t-il « ils venaient d’avoir un enfant » Il ôta quelques feuilles qui passaient à sa hauteur dans le bassin. « Quel gâchis » ajouta-t-il toujours sans aucune des émotions qui devrait accompagner ce type de discours. Accalmie ne savait pas quoi dire. Il n’avait pas prévu ce genre de discussion. De toute façon il n’avait rien prévu du tout. Il désigna quelques sommets qui s’éclairaient d’une lumière orangée. « Le jour se lève » dit-il « je suppose que tu n’as pas dormi plus que moi »

Accalmie fit non de la tête. Trois nuits sans dormir il imaginait mal que quelqu’un ait pu faire pire. Ambre se leva et se dirigea vers la maison. Accalmie hésita mais il lui fit signe de le suivre et il obtempéra. Le jardin était calme, dans la villa par contre, il régnait une activité digne d’une fourmilière. Le contraste était saisissant. Désagréable. Il aurait voulu retrouver un endroit tranquille. La fatigue se faisait de plus en plus intense. Ambre paraissait avoir autant de mal que lui autant à cause de la lumière que du bruit et de l’excitation ambiante. Il se frotta le visage et interpella la personne qui l’avait accueilli « Miroir, je vais me coucher, prépare sa chambre au fils d’Espoir » Il commença à monter l’escalier mais se retourna « suis-le et repose-toi, tu en as besoin »

C’était une mauvaise idée, il ne devait pas rester ici. Il ferait mieux de rentrer chez Dyasella, quitte à revenir plus tard, mais il n’était pas en mesure d’entendre les ronchonnements de Mike, il était fatigué. Il était parti depuis si longtemps et Ambre avait dit sa chambre. Chez Dyasella, il avait une chambre qu’il partageait avec Grésil puis Mike mais ce n’était pas la sienne. Ici non plus. Pourtant dans la façon de parler d’Ambre, c’était comme s’il était chez lui. Comme si c’était normal qu’il soit là. Personne ne lui avait posé la moindre question. C’était un peu comme s’il revenait de voyage. Ca avait quelque chose de calme, de rassurant malgré l’agitation ambiante Il suivit le dénommé Miroir dans l’escalier.

Plume : Taegaïan

Réalité fit encore une grimace. Et le bébé lui fit un grand sourire. Réalité applaudit. Il avait à peine un mois. Ce devait être ses premiers sourires. En tout cas, c’était le premier avec elle.

Arrivée chez elle, le petit s’était endormi dans ses bras et elle l’avait couché sur le lit. Puis, elle avait pris peur. Elle avait agi naturellement comme n’importe qui aurait fait chez elle quand une mère était fatiguée ou angoissée, il y avait toujours une voisine pour prendre en charge l’enfant. On disait que ce n’était pas bon pour les bébés de rester dans une mauvaise atmosphère, que ça les angoissait. D’un autre côté, elle avait déjà fait suffisamment d’impairs pour savoir qu’ici les coutumes étaient différentes. Son père lui disait que, dans certaines cultures, il ne fallait pas séparer les enfants de leurs parents. Les Adarii n’avaient pas le même rapport qu’eux avec leurs enfants. Déjà, la notion de père n’était pas la même. Il appelaient père celui qui l’avait conçu alors que chez eux c’était celui qui vivait avec leur mère. Si c’était le cas ici, les parents de ce petit ne serait pas parti. Elle avait été rassurée quand, un peu plus tard, une servante de la villa était arrivée lui apporter de quoi manger mais en plus du lait et des langes et elle s’était sentie bête d’avoir pu ne fut-ce qu’imaginer qu’ils ne sauraient pas directement où se trouvait cet enfant alors qu’à la villa, ils savaient toujours tout. Elle avait demandé ce qu’elle devait faire du petit, mais la servante s’était contenté de dire qu’on lui avait juste demandé de lui apporter de quoi s’occuper de lui. Lui expliquant que c’était Éclaircie qui en avait la responsabilité et qu’il avait refusé de le laisser à qui que ce soit jusqu’à maintenant. Elle avait demandé si elle devait le ramener à Éclaircie mais la servante lui avait dit non. « Il n’est pas encore rentré et restera sans doute encore absent encore longtemps ». Devant l’incompréhension de Réalité elle lui avait expliqué qu’en général quand un des leurs avait un souci qu’il ne pouvait gérer, il s’isolait afin de ne pas en faire profiter les autres. Réalité avait trouvé cette pratique révoltante. La servante s’était contentée d’hausser les épaules, « ils n’ont pas le choix. Réalité y avait repensé en se forçant elle aussi à mettre la peine que lui procurait la disparition de Mutine de coté pour être dans les meilleures dispositions possibles pour le bébé. C’est vrai que si ils se transmettaient leurs douleurs mutuellement ça devait vite devenir invivable. Elle interpella un gamin qui passait à proximité de sa maison et lui indiqua le promontoire rocheux. « Tu peux aller voir la haut si tu trouves l’Adarii Éclaircie et lui proposer de venir »

Le petit prit un air excessivement soupçonneux. On ne demandait sûrement pas à un Adarii de venir. De toute façon on ne leur demandait rien si ce n’est pendant les audiences de Maître Glace. « Oublies ça » dit-elle au gamin qui partit, soulagé. Elle s’occuperait de ça elle-même quand elle serait prête.


Maÿcentres : Ambassade de Saphir-Plume


« Pluie, bonne nouvelle, la Syhy est en bas, comme prévu »

Pluie fit signe à Jade de parler plus bas et éteignit le projecteur.

« Impeccable. Elle est seule ?

- Oui, enfin non. Mike est arrivé en vociférant je ne sais quoi, je n’ai pas écouté

- Je vais m’occuper de le mettre dehors ».

Pluie avait dit le mettre dehors et non le récupérer et le torturer. Il y avait du progrès.

« Déjà fait, Grésil s’en est chargée.

- Brave petite. Qu’est-ce qu’elle a grandie !

- Accalmie n’est pas venu.

- Mais si, il est venu. Il dort dans la chambre là » dit-elle désignant la porte près de la cheminée.

« Quoi !

- Chut ! Moins fort, ne le réveille pas.

- Comment as-tu réalisé un tel prodige ? »

Pluie sourit. « Il est arrivé à l’aube. Miroir lui a préparé une chambre. Que le prochain qui ose encore dire que je n’ai aucun sens de la diplomatie se souvienne de ce moment.

- Je m’incline, j’admire. Superbe talent de grande sœur.

- Moque toi » maugréa Pluie. « Tes sarcasmes ne m’inspirent qu’indifférence. Ambre y est peut-être aussi pour quelque chose.

- Des nouvelles de Tempête ?

- Encore ! Tu me poses la question à chaque fois que tu me vois. La Tempête et l’ouragan sont arrivés sur Terre. Courage à tous. Qu’il assouvisse ses basses vengeances, on se débrouille bien sans eux.

- Je m’inquiète pour Tempête.

- C’est une grande fille, elle sait se débrouiller. Inquiète toi plutôt pour tous ceux qui croiseront sa route. En plus, elle est trop vieille pour toi.

- Pas d’accord sur le dernier point. Tu as vraiment confiance en Accalmie ?

- Voilà que c’est toi qui doutes des plans de Glace maintenant ?

- Tu n’étais pas très chaude non plus.

- J’avoue, mais avec le recul, ça ne me paraît pas si bête. C’est toujours ainsi avec Glace : ses plans paraissent déments mais sont en fait mûrement réfléchi.

- D’accord, mais il ne connaît pas Accalmie. Il est imprévisible.

- Personne ne le connaît.

- D’où ma question de départ : Lui fais-tu confiance ?

- Non et je préfèrerais me débarrasser de Dyasella mais je rejoins Glace sur un point : nous ne pouvons pas quitter les Maÿcentres. Il faut bien que quelqu’un se dévoue pour rester ici. Il sera parfait, je resterais le temps qu’il faut pour le surveiller. Et au fond, s’il essaie de doubler Dyasella. Ma foi, je lui pardonnerais et le considèrerais peut-être même comme un membre de ma famille. »

Pluie avait souri en disant ça. C’était vraiment une belle garce. Dans les spécialistes des manipulations en tout genre, la palme revenait à Espoir et sa progéniture. Restait à savoir si Accalmie en était un digne représentant.

« Tu pourras toujours rester aussi, si tu as peur. »

Jade hocha la tête. La perspective lui plaisait. Il en revint aux réalités. « C’est loin d’être gagné.

- Aie confiance, ça va marcher. Accalmie va nous manger dans la main. Nous allons récupérer le contrôle de la confédération et cela, sans même l’aide de Rafale. Nous pourrons peut-être même nous passer de Dyasella et Umia. Bon, suffisamment discuté. Je m’occupe de la Syhy et toi de notre belle au bois dormant.

- De notre quoi ?

- D’Accalmie. Veille à ce que je ne l’aie pas dans les pattes avant que j’en aie fini avec la Syhy. La partie est difficile. Il faut d’abord convaincre la Syhy et quand elle comprendra qu’elle n’a pas le choix, nous pourrons mettre Accalmie au pied du mur. Il a deux faiblesses. Il aime cette horrible petite boule puante appelée Terre et je le soupçonne de ne pas être indifférent aux larmoiements de la jolie Dyasella. Je ne comprends pas ce dernier point, qu’est ce que tout le monde trouve à cette fille ? Elle est d’une fadeur ! ».

Jade n’essaya pas de discuter. Il aurait préféré l’inverse. D’abord il ne faisait aucune confiance à Pluie pour mener des négociations quelqu’elles soient et ensuite, il n’avait pas confiance en Accalmie. Pluie aurait mieux fait de s’en occuper. Elle était suffisamment puissante pour le mater, mais il n’avait pas discuté. Il y avait des moments où Pluie lui faisait peur. Il la regarda s’éloigner, caressant délicatement la minuscule pierre de son bracelet. Petite, mais assez puissante pour qu’il évite de la ramener. Il demanda ensuite à Cannelle de lui monter à manger puis il attendit.

Terre : Arabie Saoudite

Une main, un parfum de vanille. Rafale se retourna pour lui signifier de partir mais son corps n’obéit pas, il se jeta dans les bras de Tempête. Il en avait marre d’être fort. Il n’avait que seize ans. Il avait déjà perdu son père, vécu loin de chez lui, tous se reposaient sur lui mais il ne pouvait tout faire. Il n’avait pas pu sauver Mutine, la seule qui comptait vraiment pour lui et maintenant il n’y avait plus que ce corps qui n’était plus Mutine et il était si seul et c’était de sa faute. C’est lui qui avait dit dans un moment de faiblesse que se serait possible de faire passer un jet vers la Terre. Il l’avait dit à Mutine car c’était la seule en qui il pouvait avoir confiance, la seule en qui il pouvait se confier librement et elle avait décidé d’y aller mais elle ne se rendait pas compte du danger. Lui non plus d’ailleurs et maintenant, elle était morte. Il se blottit plus étroitement contre Tempête pour cacher ses larmes. Il avait été furieux de découvrir qu’elle l’avait suivi mais c’était logique, c’était sa Nama comme on disait, la maîtresse de son père et elle avait pris ce rôle très au sérieux. Quand il était parti à Tiyana, elle était venue avec lui et c’était la seule qui le considérait vraiment comme un petit garçon. Ca pouvait l’horripiler parfois mais il ne sait pas comment il aurait fait sans cette présence maternelle dans le monde si froid et rigide de Tiyana. Et maintenant encore, elle le consolait comme un enfant. Elle chantait une sorte de comptine qu’elle récitait quand il s’était fait mal. Pas tout haut, même pas en parole. C’était juste une litanie de pensée calme et reposante. Il ferma les yeux pour se concentrer dessus mais perçut quelque chose de plus grave dessous. Il se recula.

« J’ai agi de façon stupide n’est ce pas ?

- Vous avez agi comme n’importe quel amoureux »

- Comme n’importe quel amoureux stupide. »

Il ôta encore délicatement quelques traînées de terre qui recouvraient le corps de Mutine. Malgré la chaleur, elle ne transpirait pas. Elle ne transpirerait plus jamais. Il la transporta dans le vaisseau et l’étendit sur un lit avant de ressortir et de s’asseoir à l’entrée du vaisseau. Il avait passé la journée entière auprès de Mutine ou peut-être juste quelques minutes. Depuis son départ, le temps semblait avoir disparu. Tempête grattait encore la Terre tout autour de l’appareil de Mutine. Ses vêtements et sa peau étaient couverts de poussières. Elle avait dû passer la journée à chercher n’importe quel indice tandis que lui se lamentait inutilement.

« Je les ai abandonné » dit-il.

Tempête arrêta ses fouilles et revint vers lui, prenant son visage dans ses mains pour essuyer ses joues.

« Ce qui est fait est fait, maintenant il faut aller de l’avant. Vous comprenez ? »

Il se détourna mais enlaça la main de Tempête dans la sienne. Il n’avait plus le courage de parler. Il n’avait plus d’avenir. Le temps s’était arrêté. Il était parti avec Mutine. Les autres avaient réussi à se débrouiller sans lui. Le pire pour eux était passé.

« Hé » s’exclama Tempête « Suffit maintenant, les lamentations. Nos réserves d’eau diminuent et ce désert est loin d’être hospitalier. Vous comptez rester à vous déshydrater ici ? Vous croyez que votre mort arrangera les choses ? Abandonner vos responsabilités à la petite Grésil et laisser votre fils grandir sans parent ? »

Non, il ne le voulait pas. C’est juste qu’il avait besoin d’un peu de temps. Dire que c’était Réalité qui prenait soin de son fils. Pathétique. « Qu’est-ce que tu proposes ?»

- D’abord, on va faire disparaître ce jet et repartir sur les Maÿcentres. On ne peut pas laisser le corps de Mutine dans cette terre étrangère et ceux des mondes extérieurs ont dû repérer le vaisseau et ne tarderont pas. Il est inutile de se faire remarquer ici. Ce désert recèle peut-être certaines choses que les mondes de Vengeance ou des Maÿcentres n’ont pas à découvrir »

Elle l’avait fixé en disant cela. Sans doute ne savait-elle rien de ce que Mutine était partie chercher. » Il tenta de s’humecter les lèvres craquelés par l’air trop sec et Tempête lui tendit de l’eau. Il en but une petite gorgée. « On cherche une sorte de manuscrit. Cyril m’a confirmé son existence. Il parlerait de la fin d’une civilisation qui aurait fuit sur Saphir.

- Et ? »

Bien sur, Tempête n’était pas le genre de femme à se satisfaire de si peu. Surtout que c’était elle qui avait fourni les premières réelles recherches sur le sujet. « Et j’ai certaines raisons de croire que le peuple qui est à l’origine de la pierre de Tiyana aurait passé quelques temps ici et côtoyé celui qui a écrit ce manuscrit.

- Et tu penses qu’il pourrait exister d’autres pierres ? »

Rafale acquiesça. En gros c’était ça. Retrouver d’autres pierres ne lui importait guère mais il ne voulait pas que les autres mondes mettent la main dessus ni même aient vent de leur existence. Malgré ses beaux discours il avait fait oublier à Cyril l’existence de ces pierres. Si quelqu’un savait, il pourrait, il ne savait pas. Bombarder Tiyana peut-être dans l’espoir de la détruire ou autre chose.

« Mais si les mondes extérieurs découvrent d’autres pierres, pourraient-ils les utiliser ?

- L’énergie qu’elles réclament est trop grande. Orage en est mort, j’imagine mal que quelqu’un d’ici ou de la confédération ait une énergie suffisante pour l’activer même en donnant sa vie » Il n’ajouta rien. Il savait que ce n’était pas suffisant. Tempête le fixait toujours. Elle aussi l’avait senti. Il se détourna mais continua à parler « la pierre » dit-il « elle m’attire, elle est réconfort et calme, son lien me fait du bien, c’est comme un présence réelle, comme une amie, une partie de moi mais il y a quelque chose d’autre. Comme si elle avait une individualité. Elle peu être dure et exigeante comme elle l’a été quand elle voulait Grésil. Il y a une force en elle, quelque chose de sauvage que je dois perpétuellement contrôler.

- Quelque chose comme ce qui a tué Mutine ?

Rafale acquiesça. Malgré les marques de coups sur le corps de Mutine, il avait bien cerné qu’il y avait autre chose, comme une emprunte. Il sentait encore autour d’elle cette aura de puissance qui lui avait ôté la vie. « Quelque chose comme ça oui. Brouillard m’a parlé un jour. Il disait qu’il existait peut-être d’autres formes de vie. C’était il y a longtemps. Il les nommait Néfilim. Ces pierres sont une technologie qui nous dépasse complètement. Pourtant elles ont bien due être façonnée par quelqu’un »

Tempête s’était éloignée de nouveau. Rafale leva la tête en sentait sa curiosité. Elle s’était accroupie et frottait encore quelques poussières. Un éclat tel un reflet du soleil attira son attention. Tempête attrapa un petit objet. « Qu’est-ce que c’est ?

Tempête fronça les sourcils « un pendentif. Un ange je crois. Représentation d’une sorte de divinité bienfaisante »

Rafale soupira, si ce genre de chose existait, il aurait pu sauver Mutine.

Il retourna le pendentif. « Il y a des inscriptions » dit-il en le tendant à Tempête pour traduction

Un souffle d’inquiétude plus puissant que le vent puis plus rien. Cependant Tempête avait encore l’air horrifiée. « Que se passe-t-il ?

- Thibaut » dit-elle.

Rafale s’avança. Il avait déjà entendu ce mot. Cyril l’avait prononcé comme le nom de celui qui possédait les écrits. Après tout, ils étaient proches de l’endroit qu’indiquaient les coordonnées pour trouver les manuscrits d’Onirique. Si cet homme avait fait des fouilles ici, il pouvait avoir perdu quelque chose. Dans tous les cas, il fallait le retrouver mais ça n’expliquait pas une telle réaction de Tempête. Il lui lança une interrogation.

« Oui, je le connais » dit-elle « et lui, s’il met la main sur un tel trésor, il peut être très dangereux »

Maÿcentres : Ambassade de Saphir-Plume

« Mais que vois-je ici ! Ma jolie compagne de cœur qui me fait l’honneur de sa visite. »

Dyasella avait prié la divine triade et tous les Dieux de Vengeance pour que ce ne soit pas à Pluie qu’elle ait à faire. Elle la savait intraitable. Non seulement c’est elle qui l’avait rejoint dans le salon d’accueil mais en plus, elle avait commencé de suite son persiflage et l’ironie de ses propos valait presque une gifle. Pendant un instant, elle se dit qu’elle aurait mieux fait de laisser l’armée du président leur régler leur compte.

« Vous vouliez me voir. Vous avez un marché à me proposer. Je vous écoute, qu’on en finisse.

- Une vraie tigresse. Allez Syhy, asseyez-vous, je vous veux toute ouie pour mes propos. Mon nouveau petit frère vous a-t-il fait part de l’existence de nos toutes nouvelles caméras espionnes, cadeau de votre cher ex-président ?

- Vous voulez parler d’Accalmie je suppose. Je suppose aussi que vous l’avez récupéré.

- Récupéré, quel vilain mot. On croirait que vous parlez d’un objet. Veuillez être plus respectueuse. C’est de mon frère qu’on parle.

- Je vous interdis de lui faire du mal.

- Vous m’interdisez ! » Pluie s’était rapprochée suffisamment pour l’effleurer. Dyasella ferma les yeux par réflexe, terrorisée et les rouvrit pour voir Pluie éclater d’un rire mauvais. « On ne commande pas aux Adarii jolie Syhy » dit-elle en détachant bien chaque syllabe reprenant son sérieux. Elle se recula pour s’asseoir dans un sofa. « Accalmie est libre d’aller où bon lui semble, évidemment mais là n’est pas la question. Je vous résume les faits. Vous voulez la direction de la confédération. Le peuple est prêt à suivre vos beaux yeux mais leurs représentants ne vous laisseront pas la moindre chance de valider votre candidature.

- Qu’en savez-vous ?

- Vous oubliez que j’ai vécu ici. J’ai assisté le président Eysky pendant près de deux ans. Évidemment que je connais son fonctionnement. Il vous faut le soutien de la majorité des délégués pour vous présenter. Vous en aurez sans doute quelques soutiens de Vengeance. Si nous ne dénonçons pas vos petites fréquentations avec le père de ma fille.

- Vous n’oseriez pas ! »

Pluie l’empêcha de continuer à parler. « Je préférerais éviter d’ébruiter cette histoire en effet, mais je n’en ai pas besoin. En ce qui concerne les Maÿcentres, vous avez la majorité. Je vous le certifie, nos caméras espionnes font des miracles. Bien sur il vous manque la colline du conseil. Dya est promue déléguée et vous déteste presque autant que nous. Amusant d’ailleurs, les autres délégués vous soutiennent dans l’espoir de se faire bien voir de la population. Mais cela, je ne doute pas que ce soit calculé. Bref, les uns dans les autres, se ne sera pas suffisant. »

Pluie était trop restrictive, elle ne voyait pas plus loin que le bout de son nez et ne prenait pas en compte les mondes excentrés comme étaient nommés ces territoires annexes, souvent basés sur des planètes qui servaient à l’extraction des minerais ainsi que les plate-forme et les deux satellites de Vengeance. Même si ces territoires n’avaient pas grande importance politiques, ils avaient chacun leur délégués et eux avaient tout intérêt à la soutenir. Elle leur avait promis beaucoup. Ils étaient absents au vote blanc mais avec Umia, ils avaient modifié leur stratégie pour les flatter.

« Vous espérez sans doute que je supplie Saphir et Plume de prendre leur place de délégués au conseil pour me soutenir. Je ne m’abaisserais pas à cela. Je pense que j’aurais la majorité » se contenta-t-elle de dire. « Même sans votre aide.

- Nous n’avions pas l’intention de vous la donner de toute façon.

Ensuite, si même vous étiez admise en tant que candidate, il vous faudrait le vote du peuple. Posez vous une question. Est-ce que le peuple vous soutient vous ou nous ?

- C’est tout à votre avantage que je sois élue. »

Dyasella s’arrêta et prit le temps de mettre de coté sa colère et de réfléchir.

« Que voulez-vous ? »

Le visage de Pluie s’illumina. Oui, c’était ça. Ils avaient manigancé un chantage quelconque « Arrêtez de gamberger. J’ai saisi la situation. D’une manière ou d’une autre vous voulez me pourrir la vie. Dites-moi juste ce que vous voulez, ça ira plus vite.

- Mais juste vous aider Syhy. »

Elle respira un bon coup pour intégrer les nouveaux sarcasmes de Pluie. Vous n’êtes pas aussi futée qu’Orage ne le pensait. Je vais éclairer votre lanterne. Nous voulons choisir celui qui vous assistera

- Vous voulez me fourguer un des vôtres sur le dos !

- Quelle mine écœurée, c’est vous qui vouliez récupérer Accalmie

- Vous plaisantez ! Vous voulez que je fasse une candidature conjointe avec …Accalmie.

- Moi ? Mais je ne veux rien, je vous ai juste invité pour boire le thé. Ho suis-je bête, j’ai oublié de vous servir ». Elle frappa dans les mains et un domestique apparut à la porte. « Amenez une tasse à ma charmante invité et peut-être future présidente ».

Elle secoua la tête. « C’est absurde, il n’y connaît rien.

« Rien à foutre. Il est originaire de la Terre, il est suffisamment puissant pour plaire au deuxième satellite et suffisamment discret pour ne pas faire d’esclandre ici. Le peuple de Saphir et Plume peut voter pour lui sans remettre en cause notre politique. Pour le reste, il apprendra.

- Il ne fait pas parti de la confédération

- La confédération du cercle s’approprie tout et n’importe quoi, elle peut bien prendre Accalmie

- Il est Adarii, personne ne lui fera confiance.

- Je vous rappelle qu’on a passé un bon bout de temps a assisté le président. Personne n’y a trouvé à redire et Accalmie ressemble à une toute petite chose toute faible »

Dyasella n’était pas du tout d’accord avec ça. Accalmie était sans doute moins impressionnant que Pluie mais bien suffisamment pour inquiéter la plupart des conseillers. « Personne ne vous faisait confiance.

- Assez discuté, faites ce qui vous paraît le mieux. Je ne vous retiens pas plus longtemps.

- Que pense Accalmie de cette idée ? »

Pluie prit un air très choqué. « Qu’en sais-je ? Je me contente de vous faire passer mes réflexions, je ne vais pas déranger mon frère pour ses futilités.

- Les vôtres ou celle de Glace ?

- Celles de Maître Glace, en effet, si ça ne tenait qu’à moi, je soutiendrais Gyomi. Réfléchissez et si ça vous intéresse, vous n’avez qu’à venir quémander une audience avec Accalmie.

- Très drôle. Je veux le voir.

- Essayez de demander d’une façon plus correcte pour voir ».

Dyasella inspira profondément et serra les poings. La situation était de pire en pire. « Je désirerais savoir si l’Adarii Accalmie peut me faire l’honneur d’un entretien. » Le sourire de Pluie était exaspérant. A croire qu’elle éprouvait une satisfaction sans limite à l’abaisser et à bien mettre en évidence que même si elle avait passé quelques semaines avec Accalmie, Pluie avait réussi à en faire son jouet d’un simple claquement de doigt.

« C’est mieux, on va finir par arriver à faire quelque chose de vous jolie compagne de coeur.

Maÿcentres : Ambassade de Saphir-Plume

« Tu triches. Je ne sais pas comment mais tu triches.

- Moi ! nonnn.

- Tu triches et tu mens. »

Ce n’étaient pas les voix qui avaient réveillé Accalmie. La lumière peut-être. Il faisait jour. Il n’avait pas dormi autant depuis longtemps. Il se retourna, étendit les bras et s’étonna de ne pas toucher le bord de la banquette. Le lit avait grandi ou il avait rétréci. Il se réveilla tout à fait. Il n’était pas chez Dyasella. Le lit était plus grand et plus agréable aussi. Il y avait du plancher et non un sol métallique et le lit était plus bas. Sa nuit blanche lui revint en mémoire. Il était allé à la villa après s’être disputé avec Mike. Il y avait du monde, il se souvenait qu’on lui avait proposé une chambre et qu’il s’était écroulé sur le lit. Encore un éclat de voix : « si, tu triches ».

Un rire. Celui de Grésil. Il le reconnaissait

Accalmie se leva et ouvrit la porte. Le soleil entrait à flot dans le salon. Dans un premier temps, il fut aveuglé, puis il vit Grésil qui riait, à genoux sur un tapis, devant une table basse. Quelqu’un en face d’elle. Il l’avait déjà vu. Il s’était même battu avec lui quand il était venu récupéré Chiffre et Grésil. Nulle inquiétude, nulle peur aujourd’hui, aucune émotion, juste le rire cristallin de Grésil. « C’est lui qui m’a appris » dit la petite le désignant du doigt. Jade se tourna vers lui. Un parfum de suspicion s’en échappa et disparut. Accalmie le fixa, ne sachant comment réagir. Leur différent paraissait lointain pourtant, il s’était attaqué à Mike et Dyasella. Les deux personnes auxquels il tenait le plus. Il n’arrivait pas à lui en vouloir, comme si dans ce lieu, il n’y avait pas de place pour de si futiles vengeances. De toute façon, il avait toujours été ainsi. Il pouvait se mettre dans de belles colères mais il ne pouvait comprendre qu’on traîne sa rancœur. Jade ne semblait pas non plus en mauvaise disposition « Tu m’expliques ? » dit-il

- Quoi ?

- Tu n’es pas bien réveillé on dirait. Tu m’expliques comment elle fait avec les cartes.

- Ho ça. Un tour d’illusionniste, pas compliqué. »

Grésil se décala, l’invitant à s’asseoir à ses cotés. Il prit le jeu et refit la manipulation.

« Rien compris » dit Jade.

« C’est pourtant facile ». Accalmie se retourna vers Ambre, debout devant la porte « Chiffre a réuni une bonne bande de travailleur. A ce rythme, la villa devrait reprendre un aspect correct d’ici ce soir. Tu devrais voir ce gosse manier sa troupe, il se débrouille bien.

Grésil se releva fièrement. « Chiffre est très fort. Il est apprenti chez Maître Safran.

- Rien que ça ! » Dit Ambre en sifflant avant d’ébouriffer la petite Grésil qui semblait aussi fière que si le tout le mérite lui était du.

« Arrête Ambre, je ne suis plus une petite fille » dit-elle se grandissant le plus possible.

« Bien Annunaki » dit se dernier. « J’y retourne. »

Accalmie sourit. Toutes les tensions qu’il avait pu connaître ces derniers mois s’envolaient. Dormir lui avait fait du bien. S’éloigner de la tension perpétuelle qui entourait la maison de Dyasella aussi. Il regardait Grésil recommencer ses manipulations et Jade essayant maladroitement de l’imiter. Il pouvait avoir tout ce qu’il voulait et personne pour lui faire la morale. Il se força à sortir de ce petit cocon de bien être. « Je dois rentrer chez moi »

Grésil fronça les sourcils « Mais tu es chez toi »

- Je dois retourner chez Dyasella. Mike doit s’inquiéter.

- Il est passé tout à l’heure.

- Que lui avez-vous dit ?

- Que tu dormais » dit Grésil tout simplement

« Et il a accepté de s’en aller ?

- Grésil l’a aidé à accepter ».

Accalmie se retourna sur la petite fille qui reprit son air hautain. « Il a eu des propos tout à fait inconvenants.

- Avoir des propos inconvenant vis à vis de notre jeune Annunaki est impardonnable » dit Jade sans qu’Accalmie arrive à déceler s’il était sérieux ou non. « Et Dyasella ?

- Entre Miroir » cria Grésil. L’homme qui avait conduit Accalmie a sa chambre apparut sur le pas de la porte : « La Syhy Lytïl demande si l’Adarii Accalmie peut lui faire l’honneur d’un entretien. »

Accalmie commença à se méfier. Quelque chose clochait, tout cela était trop beau pour être vrai. Trop simple aussi. Les mots de Mike lui revinrent en mémoire. Piège, danger.

Il se tourna vers Grésil. « Je peux y aller » demanda-t-il.

Grésil et Jade se regardèrent. « Tu as besoin de l’autorisation d’une gamine pour voir qui tu veux ?

- Je ne suis pas une gamine » s’offusqua Grésil.

« Oui Annunaki »

Accalmie suivit Miroir dans le couloir. Il était plus perdu que jamais et sa méfiance était revenue.

Ambassade de Saphir-Plume

Grésil refit encore la manipulation qu’Accalmie lui avait montrée. Elle la maîtrisait parfaitement. Encore une fois Jade ne perçut rien et encore une fois elle éclata de rire. C’était bien de se retrouver chez soi même si ce n’était pas vraiment chez elle. Elle avait retrouvé sa maman qui ne l’avait même pas grondé. Enfin pas fort. Elle avait retrouvé Rafale aussi, mais il était parti. Maintenant qu’elle ne craignait plus sa colère, elle le percevait plus facilement. Il était triste. Elle essayait de lui transmettre pleins de gentilles choses mais il ne l’écoutait pas. Il allait bientôt revenir. S’il revenait, c’est que ça allait mieux et Grésil saurait lui faire oublier ses derniers soucis. Elle n’aimait pas voir son frère malheureux. Elle était presque triste pour Mutine. Elle lui avait souhaité tout le malheur du monde. Elle ne pouvait pas la supporter et détestait la voir tourner autour de son frère. Elle faisait toujours sa gentille, mais c’était flagrant que c’était une peste. Pourtant, jamais Grésil n’aurait souhaité sa mort. En tout cas pas si ça rendait Rafale malheureux. Pour autant, tout ici était si excitant qu’elle avait du mal à prendre en compte cette disparition même si sa mère le lui rappelait sans cesse. En particulier pour insister sur le fait du danger qu’il y avait ici alors que Mutine était sur Terre. Donc, rien à voir mais sa mère la surprotégeait sans cesse. Si elle l’écoutait, elle devrait rester dans sa chambre tandis que les mondes extérieurs attaquaient la villa. Heureusement, les autres n’étaient pas comme ça. Jade en particulier. Elle l’aimait bien. Il ne la traitait pas comme une petite fille. Il avait confiance en elle et n’hésitait pas à faire appel à elle pour lui donner des responsabilités. Il était conscient qu’elle savait faire pleins de chose alors que sa mère l’imaginait juste bonne à jouer à la poupée. Jade l’entretenait de tout, lui parlait comme à une adulte. Il lui avait même expliqué ce qu’oncle Glace envisageait pour Accalmie. Il disait que c’était dangereux de laisser Accalmie tout seul et qu’il fallait l’avoir à l’œil. Grésil ne voyait pas en quoi il pouvait être dangereux mais ce n’était pas à elle de savoir ce genre de chose. Il disait aussi qu’on ne pouvait laisser la villa des Maÿcentres sans protection sinon le méchant Synshy reviendrait. Glace voulait que Dyasella prenne la place du président. C’était une bonne idée car Dyasella en avait envie et qu’elle l’aimait bien. Il voulait aussi qu’Accalmie reste avec elle mais pas trop près quand même. D’après Jade, ils pourraient se surveiller mutuellement. Il fallait flatter Accalmie pour l’avoir de leur coté ainsi il pourrait surveiller les mondes extérieurs pour eux. Elle était d’accord pour être gentille avec lui, surtout parce qu’elle l’aimait bien après, elle trouvait qu’il suffisait de mettre n’importe qui avec Dyasella et que ce serait plus simple mais Jade lui avait dit que Dyasella avait confiance en Accalmie et qu’elle n’aurait jamais suffisamment confiance aux Adarii. Il avait aussi ajouté que personne ne supporterait un poste aussi ridicule et qu’il fallait bien avoir passé sa vie sur Terre pour être capable d’accepter quelque chose de si déshonorant. Elle ne voyait pas en quoi se serait déshonorant mais vu la façon dont Jade avait dit ça elle en avait conclu qu’il devait avoir raison. Il avait aussi ajouté que vu la façon d’être d’Accalmie il pourrait réussir à établir une relation avec les mondes extérieurs plus calme que la catastrophe que les parents de Grésil avaient engendrée. Là, elle n’avait pas été d’accord du tout. Ses parents avaient vécu sur les Maÿcentres avant sa naissance et elle n’avait pas connu tout cela. Cela dit, elle connaissait sa mère et elle savait que son père était quelqu’un de bien et qu’il n’aurait jamais mis ce que Jade appelait un bordel diplomatique même si elle ne savait pas ce que ça voulait dire.

Ambassade de Saphir-Plume

Accalmie apparut par la porte ouverte tandis que Dysella faisait les cent pas.

Il l’attrapa par le bras. Elle se raidit mais ne se dégagea pas. « Allons faire un tour » dit-il en l’entraînant hors de la maison. Ils marchaient en silence le long des jardins de l’esplanade. Accalmie ne semblait pas se soucier des regards posés sur lui. La rumeur s’était répandue du retour des Adarii. Évidemment, déjà qu’ils avaient du mal à passer inaperçu mais en plus ils ne faisaient rien pour. C’est elle qui l’avait voulu. Elle ne pouvait pas s’en plaindre maintenant. Accalmie ne la regardait pas, semblant perdu dans ses pensées et elle n’osait plus le questionner. Il changeait. Il ressemblait de plus en plus aux autres et ça lui faisait peur. Elle se décida à briser le silence. Après tout, elle n’allait pas attendre toute la journée qu’il se décide « Les Adarii veulent avoir la main mise sur les Maÿcentres » dit-elle enfin.

« C’est à dire ?

- Ils veulent qu’un des leurs me serve de premier conseiller »

Accalmie hocha la tête. Il avait déjà songé à cette éventualité. « Serait-ce si mauvais ?

- Je ne sais pas. Faut voir. Dangereux sans doute. Ils ont eu une bonne place pendant des années auprès du président Eysky et on ne s’en portait pas plus mal.

- C’est peut-être un stratagème pour te manipuler.

- Je ne pense pas non.

- Qu’est ce qui te permet d’en être si sure ?

- Ils veulent que ce soit toi.

- Quoi ! » Accalmie s’arrêta net « tu plaisantes ? Je n’y connais rien en politique.

- Ils s’en fichent. Je pense qu’il s’agit juste d’avoir quelqu’un de leur coté afin de récupérer leur villa et certains privilèges voire faire un peu d’espionnage. »

Accalmie se mit à réfléchir. Il commençait à mieux comprendre l’accueil cordial qu’il avait reçu

« Pourquoi moi ?

- Je ne sais pas, sans doute car je n’accepterais personne d’autre. Plus j’y réfléchis plus je pense que c’est sans doute aussi parce que personne ne veut s’en mêler officiellement. Les Maÿcentres sont mal vues. Et puis, je n’en sais rien, demande-leur. » Elle aurait voulu ajouter qu’il devrait en savoir plus, après tout c’est lui qui était parti chez eux, qui avait choisi son camp mais elle se retint.

Accalmie l’attrapa par les épaules et l’obligea à lui faire face. Elle retint un hurlement et se dégagea. « Ecoute Dyasella » lui dit-il. « Si tu veux que je t’aide, c’est là-bas que je dois être » dit-il en désignant la villa. « Je ne peux rien en restant enfermé chez toi et encore moins en suivant Mike sur Terre ».

Il continua sur un ton plus calme « Ils m’ont dit aussi qu’ils comptaient introduire Réalité comme intermédiaire avec Cashir.

« Réalité, elle est en vie ? » c’était déjà un gros poids qui s’évacuait et Dyasella se sentit mieux devant cette bonne nouvelle.

- Apparemment.

Elle ne marchera pas, elle se méfie des Adarii comme de la peste. »

- Je ne fais que répéter »

Maÿcentres : Plateau

« C’est la révolution » dit Umia élevant la voix dans son enregistreur. Il attendit d’être rentré chez lui et d’avoir branché l’isolation phonique avant de continuer. Il poussa un soupir de soulagement tandis que le calme revenait dans la pièce et jeta un œil par la baie vitrée observant encore la foule, courant en tous sens, comme totalement désorganisée. Umia n’avait jamais vu ça. Un peuple si calme, si pondéré. Ils finiraient par se bousculer et il pourrait même y avoir des blessés. Plus les rumeurs descendaient de la colline du conseil plus elles s’amplifiaient. Dans les basses villes, la prise du palais présidentiel et la riposte de Dya avait dû être décrite comme une guerre digne de la disparition de Conquête. Il reprit son enregistreur « Il manquait une étincelle pour allumer la bougie, nous l’avons eu et c’est un véritable brasier qui s’est enflammé. Je savais que le peuple était défavorable à Synshy, seulement, même si tous en chacun est en droit de contester l’autorité d’un homme politique quel qu’il soit, il aurait fallu un mouvement de foule important pour proposer une nouvelle élection et le peuple si sage et paisible des Maÿcentres n’avait jamais passé le cap. Il leur fallait une motivation suffisante. Quelque chose comme un vaisseau qui apparaît en pleine tempête pour leur donner une impulsion de base. Quelqu’un qui ose faire ce que beaucoup rêvaient. Peut-être mettre en évidence à quel point chasser Synshy de son palais était facile auvait suffi à réveiller le peuple et les discours de Dyasella n’ont fait que renforcer des opinions déjà bien ancrées. Elle parle de paix et de justice pour tous les peuples, elle veut abolir la servitude. Comme si le peuple Adarii avait une quelconque propension à la paix et qu’ils étaient réduit en esclavage. Que des mensonges de propagandes mais qui concordent avec les idéaux du peuple. Un jour quelqu’un m’a fait remarquer que la vision de la colline du conseil était très restrictive, je ne cernais pas à quel point, avant aujourd’hui. Ici, les Adarii ont toujours été considéré comme les protecteurs de l’ancien président Eysky qui est encore dans tous les cœurs. Ils ont été chassés, puis poursuivis jusque chez eux par les armées de Synshy. Voilà la représentation d’un peuple ignorant mais une ignorance qui nous a bien servi. Synshy est officiellement démis de ses fonctions. Personne n’a plus de nouvelle de lui et nous ignorons où il se cache. » Une lumière sur l’écran de contrôle, quelqu’un était en approche aux abords de chez lui. Il jeta un œil par la fenêtre personne. Vu la cohue certains auront passé le détecteur. La lumière s’était éteinte. Fausse alerte. Il reprit son enregistreur et réfléchit à la suite de ses propos. Quelque chose n’allait pas. La porte. La porte de son studio était en train de disparaître. Le manque de sommeil ne lui réussissait pas, voilà qu’il se mettait à avoir des hallucinations. Il ne voyait plus de porte. Face à lui, au delà du jardin d’accueil, des hommes couraient toujours les cris étouffés par l’isolateur phonique mais la porte n’existait plus. Un petit garçon apparut juste devant lui. « Tu n’aurais pas du courrier pour moi ?»

Ambassade de Saphir-Plume

Le calme de la pièce était étrange, c’était en telle contradiction avec la multitude de questionnements qui le submergeait. Ils étaient tous là : Grésil, affalée sur le tapis, sa mère à ses cotés, Jade presque endormi sur un sofa bas et Ambre assis par terre captivés par l’écran devant lui. Ils regardaient l’hologramme diffusant une réunion du conseil. Ils éclatèrent soudain de rire en réponse à une répartie d’un des conseillers et se mirent à commenter le discours sans s’occuper de sa personne. Jade ouvrit un œil et daigna se tourner vaguement dans sa direction. Durant un instant Accalmie perçut sa contrariété puis, plus rien.

« Qui a eu l’idée stupide de vouloir soumettre ma candidature auprès de Dyasella.

- C’est Maître Glace » répondit Jade sans plus faire l’effort de se retourner.

Cette réponse le prit de court. Il ne s’attendait pas à reporter la faute sur quelqu’un d’absent.

« Et pourquoi ? » dit-il enfin.

« Par élimination » dit Ambre. « Personne ne voulait le faire.

- Et pourquoi voudrais-je ?

- Parce que tu n’as pas le choix » répondit Ambre.

« Chut » s’exclama Pluie. « C’est le conseiller Hytyl. Je ne peux vraiment pas le supporter celui-là ! Il a de bonne chance. Déjà, sa candidature est assurée. Je ne comprends pas pourquoi. C’est un escroc, un opportuniste.

- Il a une certaine classe » commenta Jade « enfin dans le style vieux sac comme on fait ici »

Accalmie s’avança et éteint l’ordinateur. L’image disparut de la pièce.

« Très mauvaise idée » grinça Pluie.

« C’est enregistré » lui dit Ambre.

« Pourquoi n’aurais-je pas le choix ? » répéta Accalmie.

« T’es bête ou tu le fais exprès ? » s’indigna Pluie. « Parce que si tu ne le fais pas, la candidature de Dyasella sera rejetée, Hytyl sera élu et il ne fera qu’une bouchée de pain de ta jolie planète bleue ».

Accalmie se mordit les lèvres à cette idée.

« Pourquoi la candidature de Dyasella serait-elle rejetée ? »

Pluie ne répondit pas, se contentant d’un sourire qui déplut fortement à Accalmie. Il décida de ne pas approfondir ce point pour l’instant. Il n’était pas en mesure de la supporter « Mais pourquoi moi ?

- Personne ne veut le faire.

- Et la Terre ?

- Tout le monde s’en fout. Tu es le seul à t’en préoccuper. Pour nous, qui que ce soit à la tête de la confédération ça ne nous fait ni chaud ni froid.

- Mais vous seriez bien content de récupérer vos privilèges.

- J’admets. Sinon nous n’aurions pas soumis cette idée à la Syhy. Après, à toi de voir. Si tu ne veux pas, c’est ton problème. Ca fait quelques années qu’on vit isolé des Maÿcentres, on ne s’en porte pas plus mal.

- Je n’y connais rien.

- Dyasella t’expliquera » dit Jade qui s’était glissé jusqu’à l’ordinateur. « Et si tu passes à la tête de la confédération, ce serait bien que tu nous procures quelques-unes de ses petites choses. Je suis en train de travailler sur de nouvelles sortes de batteries et…

- Mais je ne veux pas.

- Alors on s’en passera » conclut Jade.

Accalmie était furieux. Il se sentait manipulé. Il fit demi tour prêt à s’en aller.

« Attends » lui dit Pluie.

A contre cœur, il s’arrêta en haut de l’escalier.

« Réfléchis juste à une chose » lui dit elle.

« Quoi ?

- Demande-toi ce que tu veux ?

Plume : Taegaïan

Le rêve, l’univers du possible. L’amour, le rire, l’espoir. Fermer les yeux, ne plus jamais les ouvrir, se blottir contre l’homme qu’on aime et rêver. Sentir son souffle, la douceur de se peau et rêver encore. Imaginer que c’est possible, imaginer qu’on peut s’aimer. Ouvrir les yeux, frissonner. Fermer les yeux. Rêver encore. Le sommeil fuit, la réalité revient. Ca fait mal. Un baiser. Amour ou pitié. Il s’éloigne. Son absence procure un froid que la chaleur ambiante ne peut combler.

Des mots jetés contre son gré : « ne pars pas, pas encore.

Il réfléchit, la regarde. Dans le fond de ses yeux, elle croit voir de l’amour mais qu’en sait-elle ? Elle détourne les yeux, elle a peur.

Elle se reprend, Elle le fixe. « Reste Eclaircie». C’est un défi, c’est un ordre. Il se détourne. Il ne rit pas. Il hésite, elle en est sûre.

Il quitte la maison. Elle ferme les yeux. Elle veut rêver, mais le rêve se refuse à elle. Des larmes coulent le long de ses joues. Elle pleure, elle ne peut rêver, elle est Réalité

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