mardi 22 janvier 2008

AP : 5. Plaisir : Chapitre 12

12

"Il n’est pas bon de songer à l’avenir tant que le présent offre encore son plaisir"

Maurice Toesca

Terre : Nice

Après les vitres fumées ou tout au moins cette matière plus ou moins transparente qui couvrait les vaisseaux de la confédération, la lumière du soleil était aveuglante. Bien plus forte que celle des Maÿcentres. Le sas s’ouvrit automatiquement et Mike descendit dans ce qui devait être un aéroport. Ce qui lui parut être une foule se précipita vers lui et le harcelèrent de flashs photographiques malgré la lumière ambiante. Les médias. De pire en pire. Mike s’était attendu à descendre discrètement sur la base des Maÿcentres. Personne ne l’avait averti de rien. Il ne savait pas où il se trouvait ni ce que les autres savaient. Une multitude de questions sans suite le submergèrent. Ok, ils savaient pour la chute du président. Les circonstances restaient floues. L’accent était mis sur un soulèvement de la population. Nulle mention des Adarii. Ils avaient été prévenus qu’un délégué de la Terre avait été invité sur place et qu’un autre restait en tant qu’ambassadeur. Par qui ? Mystère. Mike répondit par oui ou non à quelques questions sans importance tout en se faisant une représentation mentale de la situation. Ok, les Adarii l’avaient relâché pour ensuite le dénoncer aux autorités des Maÿcentres. Sans doute ces derniers avaient-ils jugés bon de le reconduire. Mais pourquoi avoir ameuté la presse ? Il en était à ses réflexions tandis qu’une deuxième navette atterrissait un peu plus loin. La foule accaparée par Mike ne s’en préoccupa pas et Mike aperçut une jeune femme en descendre suivie de Miroir. Il détailla son tailleur pantalon en lin clair de bonne coupe mettant en valeur sa peau brune et ses cheveux noirs. Elle sortit négligemment une paire de lunette de soleil aux verres bleus qui ne pouvait cacher un visage dur et froid. Les journalistes lui tournaient le dos, accaparés par Mike. Elle s’éloigna négligemment, fit un discret signe à une autre femme qui elle, souriait dans un pantalon trop large qui lui descendait sur les hanches et un haut si court et moulant qu’il aurait presque pu être un soutien gorge.

Pluie et Tempête. Et dire que, il avait omis de penser que les Adarii profiteraient de la débâcle pour s’introduire sur Terre impunément. C’était pourtant évident. Ils avaient suivi le sillage du premier vaisseau. Donc si Tempête était sur Terre, c’était sans doute à elle qu’il devait cet accueil si « cordial » et non aux Maÿcentres. Peut-être juste pour détourner l’attention. Les questions fusaient de toutes parts. Il n’écoutait plus depuis un bon moment tentant de dépasser le flux pour voir où partaient les deux femmes, sans succès. Il avança à contre courant, poussant les journalistes jusqu’à l’entrée de l’aéroport, s’enfonça dans un taxi et claqua la porte espérant qu’il n’y ait pas trop de doigts qui restent coincés. Aucun hurlement. Ils devaient avoir l’habitude de ce genre de comportement. Formidable, il était devenu une vedette. Déjà, il n’avait pas eu droit au moindre interrogatoire de la part des hommes des Maycentres. On lui reprochait juste d’être resté au delà du temps de séjour prévu. Le visa de son père avait été prolongé car ils ne pouvaient refuser le seul représentant d’une planète vu la situation. Ils se prenaient à leur propre piège à clamer que toute planète habitée faisait d’office partie de leur petite congrégation. Le taxi lui avait demandé où il désirait se rendre en français. Avec un peu de chance on l’avait ramené près de chez lui. Il se voyait mal demander où il se trouvait et donna son adresse. Le chauffeur ne parut pas surpris et démarra. Bientôt Mike reconnut le paysage et comprit qu’il avait atterri sur un petit aérodrome privé entre Nice et Canne. Oui, ils avaient eu la délicatesse de le ramener jusque là. Le taxi le déposa devant chez lui. Il fouilla les poches de sa veste, trouva quelques billets qui, coup de chance avaient glissés dans sa doublure et les tendirent au chauffeur. Par contre il n’avait pas ses clés. Il espérait qu’Hélène soit là. Il n’avait aucune nouvelle d’elle à cause de cet abruti de Thibault qui faisait le mort. Elle lui manquait et savoir qu’elle était peut-être là, tout près, son cœur se mit à battre plus fort comme un gosse devant son premier amour. Il frappa à la porte. Elle s’ouvrit. Ce n’était pas Hélène, c’était Thibault. La frustration, ce parasite qui traînait chez lui. C’était la cause de tous ses soucis. Il avait enlevé son fils, il s’était fait retenir prisonnier pour qu’ils puissent lui faire du chantage tranquille, il le fuyait systématiquement dès qu’il avait besoin de lui et devait sans doute utiliser tous ses efforts uniquement pour garder ses distances. Le premier coup qu’il lui assena, c’est parce qu’il comptait sur lui pour faire le lien avec Hélène et qu’il l’avait laissé tomber. Le deuxième coup, c’était pour toutes les conneries qu’il avait pu faire pour se mettre les Adarii à dos. Le troisième, un bon bien douloureux dans l’estomac, pour Lull et celui qui lui éclata la lèvre pour lui ôter son air repentant. Ensuite seulement il lui demanda de s’expliquer. Cette pauvre larve essuya le sang qui coulait de sa lèvre et balbutia quelques sermons sur le thème de je suis désolé, je sais que je n’aurais pas dû te laisser mais je n’avais pas le choix. C’était une mauvaise excuse, on avait toujours le choix. « Où se trouve Hélène ? »

Il lui dit qu’il n’en savait rien lui raconta une histoire pitoyable dans laquelle il était recherché par la confédération qu’ils s’étaient tous retrouvés chez Emma qui avait tiré sur son mari, qu’ils avaient tous filé et s’étaient perdu de vue. Que maintenant les Maÿcentres avaient lâché prise occupées par les élections. Que sur Terre c’était la débâcle car ils avaient découvert que la confédération avait piraté certains réseaux informatiques et que le légat Vigosy avait préféré fuir plutôt que de s’expliquer. Qu’il lui était arrivé il ne savait quel mystère dont il se fichait éperdument qu’ensuite il avait été à Paris, que Tempête l’avait trouvé là-bas, qu’elle lui avait annoncé son retour et qu’il venait d’arriver, qu’il préférait le voir en face car, s’il l’avait joint plus tôt il aurait dû supporter sa colère dans toute son ampleur et qu’il préférait encore quelques coups. Mike n’avait aucune envie d’écouter ses lamentations mais il ne pouvait non plus se permettre de le laisser repartir pour qu’il recommence à le fuir. Il récupéra les clefs dans l’entrée, ouvrit le garage et obligea Thibault à monter dans la voiture à ses cotés. Il pourrait finir de lui raconter ça en route et s’il en avait marre, il le virerait sur l’autoroute. « Tu l’as tuée ? » dit-il en passant la première. Thibault le regarda comme s’il ne comprenait pas de quoi il parlait. « Mutine » précisa-t-il

« Non, bien sur que non »

Ca, il voulait bien le croire. S’il avait tué Mutine, il se serait fait massacrer « Je n’ai rien fait et Hélène, je l’ai cherchée mais elle se cache ». Là par contre, il se foutait de sa gueule il n’avait rien cherché du tout. Avec Hélène, ils avaient établi plusieurs points de rendez-vous au cas où ils seraient amenés à fuir mais Thibault n’avait même pas pris la peine de lui demander préférant user tout son énergie pour le maintenir à l’écart durant ses petites activités qu’il ne doutait pas être illicites quelqu’elles soient. Même sans ça, il aurait dû deviner le premier endroit où Hélène se cacherait, c’était l’évidence même. Thibault fit mine d’être étonné en le voyant au bout d’une demi heure entrer dans le parking souterrain de la résidence de Monte Carlo où il possédait un appartement offert par Espoir. « J’aurais dû y penser » dit-il. Oui, il aurait dû. Il y avait pensé pour s’y cacher avec Lull. Mike n’avait pas pris le temps d’appeler. Peut être la confédération avait-elle trouvé cet appartement et dans ce cas, Hélène serait partie au deuxième point de fuite. Il aurait pu vérifier. C’était un peu tard pour y penser. Il appuya sur le bouton d’appel de l’ascenseur puis sur celui du dernier étage. Sans même y penser, il frappa selon un code prédéterminé. La porte s’ouvrit et cette fois, c’est Hélène qui se précipita dans ses bras en pleurant. « Thibault tu dégages mais je veux t’avoir à portée si besoin » Il acquiesça prenant l’air penaud d’un gamin qui vient d’être grondé et se détourna les oreilles basses comme un chien. Mike serra plus étroitement sa femme. Malgré son envie de la questionner, il fut obligé de tout lui raconter. Au fur et à mesure du récit elle se rendit compte que Lull lui échappait de plus en plus. Elle avait espéré qu’il puisse le ramener, elle s’imaginait maintenant ne jamais le revoir et la nuit était bien avancée avant qu’elle cesse de pleurer. Elle put ensuite lui raconter comment elle avait fui de chez Emma. Elle l’avait revue plus tard. Elle était restée au chevet de son mari qui était en état de choc. On le serait à moins après s’être fait tirer dessus par sa femme. Elle avait réussi à éviter toute accusation, avait eu quelques démêlés avec la confédération mais s’en était tirée discrètement. Excepté ses crises de folie, elle savait se faire oubliée. Hélène n’en savait pas plus car sa présence n’avait pas été la bienvenue, Emma la traitant de tous les noms. Ca remit à Mike certains détails en mémoire. « Pluie est ici » dit-il « ainsi que Tempête »

Hélène recommença à s’inquiéter, Mike remit les choses au point : « Je ne pense pas qu’elles soient là pour nous. Je pense plutôt que Thibault a découvert certaines choses qu’il n’aurait pas dû »

- Quoi ?

- Aucune idée et pour l’instant, je ne veux pas le savoir. J’ai suffisamment de soucis sans m’en rajouter.

- Si Emma voit Pluie, elle va la tuer » conclut Hélène. Mike savait que les relations entre les deux femmes étaient houleuses et qu’Emma avai été jusqu’à dénoncer la présence de Pluie à la base d’Archuleta en son temps mais de là à en vouloir à sa vie « c’est tout de même sa fille »

« Elle a déjà tiré sur son mari » fit remarquer Hélène

« Qu’elles s’entre tuent toutes les deux le monde ne s’en portera pas plus mal bien au contraire ».

Terre : Nice

La porte s’ouvrit enfin. Thibault poussa un cri. Ce n’était pas prévu ça. Il devait faire des recherches en tête à tête avec Tempête, pas avec elle » Pluie ébaucha un rictus sadique. Thibault se reprit. C’était fini le temps où elle prenait ses grands airs avec lui. Maintenant, le plus fort, c’était lui et il allait mettre les choses au point de suite.

« Je suppose que tu es au courant de la situation alors, je sers d’appât, vous m’amenez Revanche et tu ne la joues pas au plus fin avec moi. Compris ?

- Monsieur fait son fier parce qu’il joue avec des cailloux » dit-elle tranquillement « alors on sera deux » Elle désigna son bracelet dans lequel était incrusté une pierre similaire à celle qu’il avait trouvé avec les manuscrits d’Onirique. Thibault se décomposa. C’était trop beau. S’ils avaient réussi à savoir tant de chose, c’était évident qu’eux aussi devaient avoir quelques pierres dans le style. Mais pourquoi Pluie ? La vie était trop injuste.

« Vous avez fait les présentations ? » lança Tempête du fond du salon. « Alors, on va pouvoir s’y mettre sérieusement »

Thibault détestait Pluie. Ca ne s’expliquait pas. Elle était jolie, elle était capable de raisonnements pas trop cons. Rarement, mais ça lui arrivait. De toute façon, il avait toujours été entouré par des abrutis. Il avait une très basse opinion de la race humaine. Idée qui se renforçait dès qu’il allumait la télévision. Mais Pluie, il ne la supportait pas. C’était physique. Dès qu’il la voyait, avant même qu’elle parle, il voulait lui rabattre son caquet. Au moins, son empathie plus développée lui avait appris une chose : C’était réciproque. Comme s’il en doutait. Il repensait à ses mauvais films ou le héros et l’héroïne se retrouvent dans une situation tragique, en général coincée au milieu de la jungle, la fille avec des vêtements mouillés et artistiquement déchirés afin de coller à son corps et le brushings impeccable. Dans ces fictions, les personnages ne se supportaient pas mais l’histoire finissait toujours en grand amour. Parfois, il songeait que la réalité dépassait de loin la fiction mais il était sur d’une chose, quelque soit la façon dont ça finirait, il détesterait toujours Pluie et elle aurait les mêmes sentiments à son égard.

Vengeance : Arsalata

« C’est sa maison ? »

Accalmie désignait un petit cabanon de verre. Marcus assit en tailleur sur un tapis feuille morte hocha la tête. « C’est la maison que je lui ai donnée mais jusqu’à présent elle préférait vivre dehors. Le froid l’a poussée à s’y retrancher mais elle se sent enfermée quand elle reste à l’intérieur. Déjà, si elle sent le froid et cherche à s’en préserver, c’est bien. »

Accalmie regardait à bonne distance Chance manger avec les doigts le contenu d’un plateau posé sur le sol.

« Au début » dit Marcus « elle ne mangeait pas, ne s’habillait pas et tenait à peine debout » Il n’en parlait pas comme d’un progrès il avait l’air désespéré devant cette jeune fille sale et mal coiffée dans une robe digne d’une princesse mais déchirée par endroit.

« Ne pourriez-vous pas la libérer ? » A peine ses mots prononcés Accalmie les regrettait. Il n’en comprenait pas lui-même la signification. Est ce que cela voudrait dire que ce corps mourait ou disparaîtrait ? Qu’il ne pourrait plus la voir. Avait-il proposé à Marcus de tuer cette fille ? Ce n’était sûrement pas ça qu’il voulait. Au contraire, il voulait qu’elle vive. « Peut-être » dit Marcus. Accalmie s’apprêta à lui dire de ne rien en faire mais se retint, c’était égoïste. Elle n’était sans doute pas humaine mais avait une existence et si elle voulait la retrouver il devait le respecter. « Je préférerais attendre encore un peu « ajouta-t-il le soulageant. « Il lui manque juste un déclic pour se retrouver mais j’ignore comment le lui donner. » Il s’appuya sur Accalmie pour s’aider à se lever et s’éloigna. « Reste » dit-il encore « ta présence lui fait du bien »

Accalmie prit la place de Marcus. Il n’était pas si sur qu’elle apprécie sa présence. De temps en temps elle jetait un regard effrayé dans sa direction et baissait vite les yeux puis regardait en tout sens comme si, tout autour d’elle, ce n’était que menace. « Tu sais, toi et moi, nous sommes pareils. Nous nous sommes retrouvés sans vraiment l’avoir voulu dans un monde qui n’est pas le notre et maintenant nous sommes bien obligés de nous adapter »

Pas de réaction, entendait-elle seulement ? « Si tu me comprends, lève un bras » Toujours pas de réaction que des regards effrayés en tous sens. « Tu pourrais venir avec moi sur les Maÿcentres, à deux, nous serions plus fort. Je n’aurais plus l’impression d’être tiraillé de toute part et je pense que ça te plairait. » Il parlait juste pour essayer de la rassurer utilisant un ton le plus doux possible. De toute façon il y avait peu de chance qu’elle comprenne mais au fur et à mesure de son discours il se rendait compte que ce qu’il disait était vrai. Il avait envie de prendre cette fragile petite main tremblante et de découvrir l’univers avec elle. Il venait la voir tous les jours s’installant à la même place, n’osant s’approcher de peur de la faire fuir mais il avait tout de même l’impression d’être plus proche d’elle chaque jour. Il commençait par lui apporter à manger posant le plateau sur la table de pierre devant la maison les beaux jours ou à l’intérieur les jours de pluie. Ensuite il mangeait en même temps qu’elle en restant à bonne distance et finissait en restant assis. Marcus venait parfois. Il s’asseyait à ses cotés et parlait, parfois de choses toutes simples, parfois de concepts si compliqué qu’Accalmie n’arrivait pas à les appréhender, mais le plus souvent il ne discernait même pas la réalité de la métaphore. Il ne comprenait pas qui était Chance. Marcus disait qu’elle avait vécu sur Saphir il y a bien longtemps et qu’elle n’était jamais tout à fait morte. Que son esprit était resté pris en otage dans une pierre fabriquée par Vérité et qu’en s’endormant, elle s’était libérée se raccrochant au concept de chance pour justifier son existence. Elle leva les yeux vers Accalmie et il sentit son cœur se serrer devant ses grands yeux de la couleur des feuilles mortes comme parés de milles couleurs subtilement mélangées. « N’avait-elle pas les yeux verts ?

- Je les trouve plus joli ainsi. Ils s’accordent mieux avec le paysage »

Cette proposition choqua Accalmie « comment voulez-vous qu’elle s’adapte si vous la changez ainsi ! »

Marcus parut réfléchir intensément devant cette remarque pourtant évidente et finit par en convenir « Tu crois que je dois leur redonner leurs teintes vertes ? En ce qui me concerne, je trouve ça trop classique. »

Classique ou pas, ce n’était pas ça l’important. Elle devait avoir des références, quelque chose à quoi s’accrocher.

« Tu veux garder les yeux de cette couleur ? »

Elle ne répondit pas bien sur mais il ne voulait pas pour autant l’exclure d’une conversation la concernant.

« Je pense qu’elle veut les garder ainsi »

Marcus plissa les yeux, sorte de tic qu’il utilisait quand il réfléchissait « comment le sais-tu ? » dit-il enfin.

« Je n’en sais rien, je le crois c’est tout » c’était vrai, ce n’était sans doute que sa pensée qu’il interprétait. Comme elle ne pouvait parler, il s’imaginait ce qui lui plairait le plus. Sans doute se trompait-il mais comment savoir ?

Marcus se leva les yeux toujours plissés, caressant machinalement son petit bouc blanc. « Reste avec elle. Sois présent le plus souvent possible, je crois qu’elle tente d’établir un lien avec toi.

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