mardi 22 janvier 2008

Après Pluie : Partie 6 : Chance : Chapitre 1

1

Si vous êtes à une table de poker et que vous n’arrivez pas à savoir lequel de vos adversaires va être le pigeon de la soirée, c’est qu’il y a de bonnes chances que ce soit vous

Paul Newman

Ambassade de Saphir-Plume

Marcus avait eu raison de le pousser à revenir pensa Accalmie. Une chose de faite, passons à la suite et voyant se profiler le plus haut balcon de la villa Adarii entre la végétation luxuriante de la colline. Dyasella avait tenté avec beaucoup de diplomatie vu le monde ambiant de lui proposer de passer chez elle afin d’approfondir certains détails de leur association. Il avait refusé un peu rudement. Il s’en désolait. Il avait beaucoup d’estime envers Dyasella et sa déception l’avait touché. Cela dit, il fallait dès le début qu’il fasse comprendre à tous qu’il n’était pas une couverture à tirer vers soi quand on en avait besoin. Ni pour elle ni pour personne. Il s’était senti beaucoup moins coupable avec Jack Gentry. Dès qu’il s’était approché, il s’était contenté de tendre le bras entre eux afin qu’il comprenne bien qu’il y avait une distance à respecter et avait dit plus de question pour ce soir. Son pseudo grand-père avait été furieux mais Accalmie avait trouvé ça délectable.

Il avait fui sa famille dans l’idée stupide de conquérir le monde. Jamais il n’avait pensé y réussir si bien. Il avait imposé sa place au conseil et s’était délecté de voir Dya prise au piège. Elle l’avait tenu enfermé, l’avait abaissé et insulté, c’était un début de contre partie. Il lui restait un dernier point à conquérir. Il franchit la grille de la villa Adarii, traversa les jardins et poussa la porte qui n’était pas fermée. Il faisait sombre à l’intérieur. Perdu dans ses réflexions il ne s’était pas rendu compte que la nuit était tombée. La lumière augmenta progressivement comme émanant de tout le plafond selon une technique différente que celle qu’on retrouvait dans les autres habitations. La lumière était plus douce. Quelqu’un s’avança à sa rencontre légèrement intrigué. Accalmie se dépêcha de rechercher l’équivalent d’un bonjour dans la langue de Plume avant de se souvenir de l’absence de ce type de politesse. Il se contenta de continuer d’avancer vers l’escalier. « Tu me feras monter à manger dans mes appartements » dit-il insistant légèrement sur la possession qu’il mettait dans ce langage. Il gravit les marches se sentant l’âme d’un conquérant, et ouvrit la porte du salon de Taegaïan. Un adolescent assis par terre, une sorte de stylet à la main leva des yeux verts vers lui et il en fut presque décontenancé. Il reporta son attention sur une sorte de papier épais sans plus faire attention à lui. Quelques pictogrammes apparurent comme s’enflammant dans le papier avant de ne laisser qu’une fine marque de brûlure. Accalmie détacha son regard de ce travail et se dirigea vers sa chambre sans un mot. Il déposa les quelques affaires qu’il avait, fouilla dans le dressing et passa une des tuniques qui s’y trouvait. Il se laissa ensuite tomber sur le lit en soufflant un bon coup. Jusque là, personne ne l’avait arrêté. C’était plutôt positif. D’un autre coté, plus vite il aurait une réelle confrontation plus vite il mettrait les choses au point et serait en mesure de se calmer et se reposer. Soit il attendait de se retrouver face à Pluie ou Ambre sachant que c’est avec eux qu’il aurait le plus de difficultés. Soit il y allait progressivement. Jade était plus abordable. Il était plus jeune. Grésil aussi mais elle l’était trop. Et trop influencée par sa mère. Il restait les nouveaux venus. Il avait aperçu plusieurs vaisseaux portant des pictogrammes sans doute de Plume ou Saphir sur la plate forme de l’astroport. C’était l’anarchie ici. Ils avaient dû en profiter pour faire venir du renfort. Il se força à se lever. Il aurait plus facile de commencer à s’imposer avec quelqu’un de son age comme celui qui se trouvait à coté qu’attendre que Pluie vint à lui. Il remit ses cheveux en place et repassa dans le salon. Une profusion de petites choses avait été installée sur la table. Déjà, il se faisait obéir des domestiques, c’était un premier pas. L’adolescent s’était décalé, posant son travail, pour profiter du repas. Accalmie s’assit sur le tapis face à lui, ramenant au passage quelques coussins. Le mobilier sur Vengeance était beaucoup plus agréable. Tout le design était calculé pour être le plus ergonomique possible. Accalmie ne s’habituerait sans doute jamais à manger assis par terre, pour autant, il attendrait un peu avant d’imposer un mobilier de Vengeance ici. Il goûta de tout en silence ne sachant comment démarrer.

« Jolie prestation » lança enfin celui en face de lui.

Accalmie sourit. Il imaginait bien qu’ils auraient consciencieusement suivi l’élection, même s’ils étaient trop imbus de leurs personnes pour s’abaisser à se déplacer « merci ».

Petit grognement ironique « Représentant d’une planète qu’il ne connaît pas. Les mondes extérieurs sont si naïfs qu’ils acceptent vraiment n’importe qui dans leurs rangs »

Ca y est, c’était parti. Accalmie se força à ne pas répondre de suite afin de ne pas parler sous le coup de l’impulsion. Il but une gorgée d’un liquide chaud et coloré. Sorte de jus de fruit épicé et sans doute alcoolisé, en prit une gorgée de plus pour se donner du courage et reposa son verre. « Apparemment je suis le seul à ne pas rester terré entre ces quatre murs. »

Pas de réponse. Juste ce sourire ironique.

« J’ai vu que les renforts étaient arrivés, tu es venu faire quoi ? Du tourisme ou juste foutre la merde dans les affaires des autres pour le plaisir de voir le chaos se répandre et peut-être admirer un petit conflit comme d’autres se délectent d’un feu d’artifice »

Il avait parlé dans trois ou quatre langues différentes afin de pêcher le vocabulaire le plus percutant. Il devait rester calme. Son interlocuteur ne semblait pas gêné le moins du monde aussi il continua « Je ne te connais pas mais je suis sûr qu’on peut trouver un arrangement qui pourrait satisfaire et ce que vous appelez mondes extérieurs et les grands pontes de Plume et Saphir. » Il attendit. L’autre se servit un verre de ce qu’on lui avait déjà présenté comme étant de l’alcool de rose. Une boisson sucrée bien trop traître à son goût. Il leva les yeux vers lui et son malaise le reprit. Son discours n’avait pas convaincu son interlocuteur. Il attrapa une tasse pour se donner une contenance tandis que l’autre prenait la parole sur un ton calme « Je suis Rafale et le grand ponte de Plume et Saphir ici, c’est moi. »

Accalmie s’étrangla et faillit lâcher sa tasse. Il se rattrapa sentant couler un liquide brûlant à travers ses vêtements. Ce n’était pas prévu ça. Il savait que l’age n’avait pas d’importance mais jamais il n’avait imaginé que celui qui avait saccagé toute la colline à coup de Tempête et autres déluges et dirigeait les opérations pouvait être aussi jeune que lui. Il aurait agi totalement différent s’il avait su à qui il avait à faire. Pourquoi ne s’était-il pas présenté aussi ? Il devait se rattraper. L’adolescent face à lui continuait à manger tranquillement. Que faisait-il là au fond ? Ces appartements étaient réservés aux personnes issus des Terres de Taegaïan et à leurs enfants. C’est ce qu’on lui avait expliqué. Rafale on lui en avait parlé comme quelqu’un de Tiyana ? Était il venu dans ce salon juste pour lui faire la peau ?

« Je suis ici car les domaines de Saphir ne sont pas représentés dans cette villa. Mon père est de Taegaïan et j’ai les mêmes droits que toi sur cet appartement. Et, j’aime la vue sur l’esplanade » tout en disant cela il tourna la tête vers la large baie vitrée maintenant plongée dans le noir.

« Tu,… Vous lisez les pensées à distance ?

- Ca m’arrive oui » répondit-il comme s’il s’agissait d’une banalité, les yeux toujours perdus dans le noir.

Bon, lui qui avait songé un instant que se serait bien de mettre directement les choses au clair avec les personnes les plus importantes, il était servi. Et ça s’avérait bien plus difficile qu’il l’avait imaginé. Il avait totalement oublié l’existence de Rafale. Il pensait qu’il était parti. Pourtant, voyant les vaisseaux, il aurait dû de suite penser qu’il était de retour. Il s’en voulait d’avoir été aussi bête.

« Tiens » dit Rafale en lui lançant une sorte de pâtisserie. Accalmie l’attrapa au vol, soudain méfiant « Qu’est ce que c’est ?

- C’est de la mangue. Si tu veux être ambassadeur de plume, il faut que tu saches ce qui se fait là-bas. Au moins un minimum » ajouta-t-il avec ironie.

Accalmie repoussa la pâtisserie « Si j’ai fait cela c’est parce que c’était la seule façon de faire bouger les choses et de faire passer Dyasella. Je suis prêt à rendre cette fonction à qui de droit.

- Pourquoi ? Tu te débrouilles très bien et j’ai d’autres soucis à gérer que les intrigues politiques de la colline »

C’était louche, il se doutait depuis un bon moment que si ils restaient cloisonné ici sans pour autant lever le petit doigt sauf pour mettre un peu plus de bordel, c’est qu’il y avait une raison.

« Oui il y a une raison et je ne devrais pas t’en parler mais il se trouve que pour une raison qui nous échappe encore, tu parais y être mêlé.

- Mêlé à quoi ? »


Rafale attendit que les plats soient desservis avant de poursuivre. Il se trouve que par le plus grand des hasards, j’ai appris il y a peu l’existence d’un peuple appelé Néfilms » Rafale s’arrêta observant Accalmie afin de déceler si ce nom lui évoquait quelque chose. A priori ce n’était pas le cas. Il continua. « J’ai pris cette information comme s’agissant d’un peuple disparu mais, il y a peu, j’ai appris de façon très désagréable qu’il n’en était rien » Accalmie ne réagissait toujours pas juste un peu impatient qu’il en arrive au fait. Inquiet aussi « J’ai appris que quelqu’un d’autre que moi avait appris leur existence. Un homme de la Terre appelé Thibault Malta » Là il avait eu une réaction. Rafale s’arrêta lui laissant le loisir de parler mais il s’en abstient « je connais absolument tout de tes relations avec Thibault, ce n’est donc pas la peine de tenter de les cacher.

Accalmie soupira « jamais il ne m’en a parlé. Il était obnubilé uniquement par des légendes pour enfants.

- Il s’agirait d’un peuple qui aurait eu une certaine incidence sur terre en une période assez reculée et se serait fait connaître sous l’aspect de certaines divinités. »

Ca y est, il voyait. Rafale lui laissa le temps de remettre les pièces du puzzle en place. « Il se trouve » continua-t-il que certaines des ses entités, si je puis m’exprimer ainsi n’en sachant pas plus, existent toujours. Pour l’instant nous en avons eu vent de quatre sous le nom de An ou Origine, Enlil ou Vérité, dont nous ne savons rien. Nous avons aussi appris l’existence d’une certaine Ninhoursha ou Plaisir que Thibault aurait rencontré sur Terre mais je ne puis affirmer qu’elle y soit toujours étant donné qu’ils paraissent avoir des modes de déplacements assez spéciaux. » Nouvelle réaction d’Accalmie. Il voyait de quoi il voulait parler. Au moins, il était particulièrement attentif. Alors que cette Ninhoursha trafiquait sans doute d’obscures machinations avec Thibault, elle a tué l’une des nôtres qui se trouvait être ce que vous appelez sur Terre ma petite amie et mère de mon fils. Ça m’a beaucoup fâché. Au delà de cet aspect, je suis chargé de la protection des terres Adarii et ces Néfilms sont une menace latente du fait que nous ignorons tout d’eux et de leurs capacités et qu’ils ont fait preuve de comportements violents. » Ca y est, le cheminement des réflexions d’Accalmie était passé de Thibault, car dans un premier temps il pensait que ce serait sur lui qu’on exigerait des explications, à Marcus Substance.

« Je suppose que je n’ai pas besoin de citer le nom du quatrième Néfilm ? »

Accalmie secoua la tête « Marcus n’a rien de dangereux

- Justement, il pourrait nous apporter un soutien bienvenu. Je sais que tu étais avec lui. Ou ?

- Sur Vengeance. »

Rafale soupira. Alors ces techniques de déplacement n’étaient pas exagérées ce n’était pas la porte à coté et en plus les contrôles de Vengeance ne les laisseraient pas approcher. Il devrait y aller en personne et ça risquerait de faire du dégât. Il s’y résoudrait mais uniquement s’il ne pouvait faire autrement.

« Où sur Vengeance ?

- Une sorte de sanctuaire. Je ne me souviens plus du nom. Il y avait beaucoup de A »

Voilà qui ne l’avançait pas beaucoup. Il se voyait mal ratisser une planète entière avec si peu d’information. Il mettrait Jade sur ce problème. « A part se déplacer dans l’espace, que sait-il faire ?

- Difficile à expliquer, il dit que la matière lui obéit, il sait la modeler et la transformer » jusque là ce n’était pas spécialement dangereux. « Il a aussi ramené une fille » Accalmie expliqua ce qu’il savait de Chance, c’est à dire pas grand chose. Rafale lui demanda aussi s’il était capable de changer de forme. Il ne le pensait pas. Ca lui paraissait absurde. D’un autre coté, il ne s’agissait que de remodeler de la matière différemment donc s’était sans doute faisable. Il en avait tant vu ses derniers temps qu’un peu plus ou un peu moins…

Rafale parut se satisfaire de ces informations et lui expliqua qu’il avait envoyé Pluie, Grésil et Tempête se renseigner sur Ninhoursha avec Thibault. Accalmie ne dit rien mais il pensait que même elle aurait du mal à faire révéler à Thibault ses petits secrets.

« Tout le monde a des points faibles, il faut juste savoir les utiliser » marmonna Rafale. Cette faculté de lire les pensées à distance devenait vraiment désagréable. « Comment avez-vous réussi à convaincre Thibault ?

- Nous lui avons promis deux choses. D’abord la libération de Mike »

Accalmie sauta sur ses pieds. « Vous retenez Mike ?

Non, bien sur que non, nous l’avons retenu juste le temps de pouvoir le relâcher pour faire plaisir à Thibault. Maintenant, les hommes des Maÿcentres l’ont gentiment raccompagné chez lui.

- Pourquoi !?… » La réflexion d’Accalmie fut coupée par l’ouverture de la porte du salon. Une femme apparut sur le seuil qui dévisagea Accalmie d’un air glacé et horriblement suspicieux sans les sentiments qui vont avec. A ses cotés se trouvait un jeune garçon qui devait avoir l’age de Grésil. « Vous vouliez nous voir Annunaki » grinça-t-elle.

Rafale les ignora restant concentré sur Accalmie. « Je te présente Sentiment et son fils Revanche. Ils sont arrivés hier ». La mère ne lui adressa pas la parole et elle avait l’air si froide et peu avenante qu’Accalmie n’osa rien dire non plus.

Rafale daigna s’intéresser au garçon. « Alors Revanche, le voyage s’est bien passé ça te plait les Maÿcentres ? »

Le petit fit la moue. « Je n’ai encore rien vu, ma mère dit que c’est dangereux de sortir.

- Si ce n’est que ça, on te trouvera une escorte. Ta mère s’occupera de ça.

- Vu la situation actuelle, il me semble plus prudent de rester à l’intérieur » reprit la femme toujours aussi froide

Rafale sourit « il faut bien qu’il profite un peu de la vie, allez. Occupe-toi de lui faire visiter au moins la colline »

Les deux personnes sortirent et Accalmie ne songea pas une minute que Rafale ne les avait pas fait venir pour si peu. Rafale lui parlait du petit avec désinvolture évoquant des banalités « c’est un petit garçon plutôt calme, très intelligent et qui a soif d’apprendre. Malheureusement il a un peu de mal avec les autres enfants qui ne s’intéressent pas à ses discours, il faut dire souvent ennuyeux bien qu’instructifs.

- Et puis-je savoir le rôle de ces deux personnes dans vos plans ?

- Sentiment n’a aucun rôle si ce n’est que c’est une mère qui a du mal à se séparer de son fils et Revanche est la carotte qui fait avancer Thibault. C’est son fils.

- Quoi ? »

Rafale sursauta presque, envahi par le flot d’interrogation d’Accalmie. Il avait pris soin de s’approcher mentalement le plus possible de lui mais il en subissait les inconvénients. Il tenta de répondre rapidement à ses questions sans intérêt qui devenaient de plus en plus désagréables. « Oui, il a un fils de Sentiment, évidemment qu’il le sait et s’il nous aide bien gentiment il aura même le droit de le voir »

Accalmie était dégoûté. Rafale se demanda s’il avait bien agi. Il avait choisi d’en dire le plus possible à Accalmie. Il voulait éviter toute mauvaise surprise si ce dernier apprenait certains détails par des voies détournées. Si c’était lui qui lui disait, il avait plus de facilité à contrôler ses réactions. Le problème est qu’il se faisait un drame de n’importe quoi. Il conviendrait bien pour la confédération que était choqué par la moindre broutille.

Entre » ajouta Rafale en réponse sans doute à l’interrogation derrière la porte. Une servante qu’Accalmie avait déjà aperçue apparut sur le seuil. « Sy Thaïs Umia est là » Rafale parut s’intéresser à cette information, se leva et partit vers une des chambres tout en parlant « il est arrivé, comment dire… ?

- Seul et de son plein gré » précisa la domestique « enfin si c’est ce que vous vouliez savoir. »

Rafale ressortit de la chambre un petit carré métallique dans sa main « non Plumeau, ce n’est pas ce que je voulais savoir. Je voulais juste savoir comment il avait su qu’on avait besoin de lui ? »

- Je crois que Cannelle avait laissé un message chez lui.

- Bien, remets-lui ça et dis-lui qu’il doit le transmettre à son correspondant en précisant bien que c’est de ma part.

- Et si il refuse ? »

Rafale la regarda comme si elle était stupide. Plumeau précisa qu’il avait demandé à le voir et que parfois il arrivait à ceux des Maÿcentres d’être assez pénibles, refusant tout et n’importe quoi.

« Et bien dans ce cas là, dis-lui que nous révélerons au grand jour les relations qu’il a pu entretenir avec la fille de Cyril. Les gens d’ici adorent se délecter de ce genre d’information sans intérêt venant des autres mais ont horreur qu’on révèle les siennes »

Accalmie intervint ne pouvant rester insensible à ce vulgaire chantage. « Vous n’arriverez à rien si vous vous cantonnez au chantage. »

Rafale lui lança le même regard qu’à la domestique mais parut se calmer « Et que suggère notre ambassadeur ?

- Dites lui juste que c’est important autant pour nous que pour lui et s’il refuse, je lui parlerais »

La domestique se tourna vers Rafale « obéis au légat Accalmie, il va s’occuper de ses formalités concernant les désagréments que nous font subir les mondes extérieurs »

Plumeau sortit emportant l’enregistrement.

« Votre peuple, vous le faites marcher au chantage aussi » s’inquiéta Accalmie.

« La grande différence, est que chez nous, les gens font ce qu’on leur dit. Voir ils le font avant qu’on le leur dise mais ici, ils sont toujours à chicaner, poser des questions, mettre des conditions, argumenter, voire refuser. C’est horripilant »

Accalmie se demanda si Rafale plaisantait mais non, il était sérieux et même il semblait commencer à perdre son calme. Se pouvait-il qu’ils fassent de telles histoires pour si peu ? A son avis, la confédération acceptait déjà beaucoup de leurs caprices. C’était vraiment des enfants gâtés qui avaient toujours tout eu à un point qu’il jugeait le moindre refus ou même hésitation comme la pire des offenses. Il réévalua les raisons pour lesquels ils ne voulaient pas s’impliquer

« Évidemment tu ne parles pas à Umia ni à personne de l’existence des Néfilms »

Plumeau entra à nouveau. Ca avait dû rater, Umia ne s’était pas contenté de si peu. Dommage, il aurait bien voulu montrer à Rafale qu’on pouvait obtenir bien des choses avec un mot gentils. D’un autre coté, s’il devait parler à Umia, Rafale devrait préalablement lui dire ce qui se trouvait sur cet enregistrement et qui titillait sa curiosité.

« Umia a refusé ? » demanda-t-il

« Ho non » dit Plumeau, « il est parti en disant qu’il le ferait mais maintenant, c’est Cyril qui demande audience à l’Annunaki Rafale »

Accalmie chercha où il avait pu entendre ce nom. « Cyril, l’ambassadeur des campagnes libres de Cashir ? » Que faisait-il ici ?

« Oui » dit Rafale soudain radieux « et bientôt nous dirons Cyril des Terres Adarii de Cashir mais pas trop fort sinon ils seraient capable de nous supprimer une voix au conseil. Ce serait d’autant plus dommage que nous venons juste de nous l’approprier.

- Vous avez récupéré Cashir ? Encore avec un chantage je suppose. Et j’imagine bien lequel. Vous faites marcher Thibault en retenant Revanche et Cyril en retenant Réalité ? »

Un coup de tonnerre éclata au loin « Cesse de voir le mal partout, c’est agaçant. Je n’ai rien imposé à Cyril, j’ai négocié et lui ai proposé certains avantages qu’il ne pouvait refuser. Mais il faut admettre que je suis assez fier de ce coup et que je vais d’ailleurs de ce pas accéder à sa requête afin de voir comment se portent nos affaires.


Pavillon des Lytyl-Paktyl

Umia était déjà là. Dyasella s’excusa du retard et le fit entrer.

« Je viens d’arriver » dit-il.

« Pas de nouvelle ?

« Oui et Non, pas de nouvelle de Substance mais si il a envoyé Accalmie, je suppose qu’il a reçu les messages que j’ai porté chez lui. Par contre je reviens de la villa Adarii »

Dyasella s’assit c’était une grande révélation, ça faisait des semaines qu’elle n’avait pas réussi à être reçue là-bas

« Comment avez-vous fait ?

- J’ai trouvé un message chez moi me demandant de m’y rendre »

Dyasella s’installa confortablement. « Racontez !

- Non, je n’ai vu personne. On m’a juste remis ça » dit il en sortant une puce magnétique

« Qu’est-ce que c’est ?

- Un message à remettre à Substance. Si nous pouvions espérer qu’au moins mes relations avec Marcus soient passées inaperçues, nous savons maintenant que ce n’est pas le cas.

- Vous l’avez écouté ?

- Bien sur, cela dit juste que l’Annunaki Rafale souhaiterait discuter avec le Maître Substance de quelques affaires concernant plaisir.

- Plaisir ?

- Oui, j’ignore si c’est une sorte de code ou le nom de quelqu’un. En tout cas, c’est demandé avec une gentillesse qui ne lui ressemble pas.

- Et vous allez lui transmettre ?

- Évidemment, du moins je vais le porter chez lui avec les autres. Nous voulons qu’il sorte de son trou et nous n’avons pas réussi peut-être eux seront-ils plus convaincant. Rappelez-vous avec quel intérêt il traitait la petite Grésil. Nous verrons bien. » Umia posa son enregistreur. Il se rendit compte qu’il n’avait même pas félicité Dyasella pour sa nomination.

Elle ne sourit même pas devant son enthousiasme. « Alors vous savez qu’Accalmie est revenu ? » se contenta-t-elle de dire

Évidemment, Umia le savait, on ne parlait que de ça, le nouvel ambassadeur de Plume arrivé in extremis. C’était inespéré pourtant ça ne paraissait pas réjouir Dyasella. « Je pensais le voir ici mais vu votre tête, je suppose qu’il n’est pas là »

Dyasella fit non de la tête « il est à la villa je pense »

Umia comprenait son inquiétude. Sans doute craignait-elle que les Adarii l’entraînent dans une perfidie dont ils avaient le secret. Il lui mit la main sur l’épaule et elle le surprit en se retournant vers lui et se blottissant dans ses bras. « Je n’y arriverais jamais » dit-elle. « Jusqu’à maintenant je m’étais focalisée sur ses élections faisant tout pour réussir mais ils ont raison, je ne suis pas sûre d’être capable de tout mettre en œuvre. Je me sens seule et ils vont me pourrir la vie. Quand j’ai vu Accalmie, j’ai pensé que j’aurais quelqu’un auprès de moi pour m’épauler. Ils ont voté pour lui, pas pour moi. Ils ont voté juste parce qu’il pensait avoir le soutien des Adarii. Moi, je n’étais qu’une marionnette reléguée au second plan. Et Accalmie, je ne sais pas si je peux avoir confiance en lui. Sans doute lui aussi est-il de leur coté mais je me disais juste que c’était une opportunité fabuleuse et maintenant, je ne sais plus, je crains de n’être qu’une autorité de façade manipulée par les Adarii grâce à Accalmie. Je me dis qu’ils seraient capables de prendre un réel pouvoir sur la confédération et tout cela à cause de moi. Je suis toute seule. »

Umia tenta de consoler cette petite chose fragile qui avait été si forte ces derniers mois. Il se rapprocha, lui prit le menton dans une main et essuya ses larmes de l’autre. Il comprenait qu’elle craque, ça faisait des semaines qu’elle dormait à peine, toujours sur les nerfs « Vous n’êtes pas seule » lui dit-il le plus doucement possible « je suis là et j’ai confiance en vous. » Dyasella ébaucha un sourire mais ne s’éloigna pas elle avait les yeux rouges mais elle était trop belle pour qu’un si petit détail eu effet sur elle. Elle perdit son sourire comprenant soudain le désir que ressentait Umia à la garder ainsi pour toujours. Il la relâcha mais elle ne bougea pas continuant à le détailler. Il lui passa la main dans les cheveux et se recula in extremis se rappelant enfin qui il avait devant lui. Elle était l’instrument de sa future réussite. Il devait mettre ses sentiments de coté.

Terre : Nice

Thibault ouvrit la porte et se retrouva devant Emma. Il en resta muet, la bouche ouverte. Le message qu’il lui avait laissé n’était pas très explicite, il ne souhaitait pas en dire trop par téléphone et même, il doutait sérieusement qu’elle écoute son répondeur. « Tu comptes rester à faire le poisson ? » dit-elle en faisant un détour pour entrer dans la suite de l’hôtel. Elle jugea l’environnement avec un mépris évident. On aurait pu penser qu’elle était vraiment très snob pour avoir une telle réaction devant une suite parfaitement aménagée mais c’était tout le contraire, elle réprouvait le luxe ou plus précisément la malhonnêteté qui pour elle allait de pair. Elle toisa ensuite Thibault de la même façon que le mobilier. Comment pouvait-elle faire sa fière ainsi alors qu’elle avait failli tuer son mari.

« Comment va ton homme ? » ne put s’empêcher de demander Thibault juste pour lui rappeler qu’elle ferait mieux de s’occuper de ses actes avant de juger ceux des autres. Son visage se métamorphosa, son menton trembla comme si elle allait se mettre à pleurer mais elle frappa du poing sur la table avant de faire un gros effort pour se contenir. « Nous sommes séparés » se contenta-t-elle de dire.

Tu m’étonnes. Thibault lui présenta un fauteuil dans lequel elle s’assit avec autant de plaisir que si l’alcantara était recouvert d’excréments ensuite, elle attendit.

« Juste une question, si je te dis Néfilim, tu me dis quoi ?

Aucune réaction. Ce serait-il trompé ? C’était elle qui avait le mieux connu Espoir. Elle avait vécu avec lui. Il l’avait même amené sur Plume. S’il la gardait auprès de lui, il devait avoir une raison et la seule envisageable était qu’elle possédait une information qui ne devait pas être divulguée. C’était un raisonnement un peu simpliste mais il n’avait pas trouvé mieux.

Tempête entra à ce moment là et Emma la foudroya avec une telle haine que même Thibault en fut choqué. Il s’avança jusqu’à elle avant qu’elle tente de remettre Emma à sa place et lui expliqua en quelques mots la situation lui proposant de s’éclipser un moment. Fait étrange, elle accepta. Il en revint à Emma.

« C’est important Emma, tu es sûre que jamais tu n’as entendu le terme de Nefilm ? Ca ne t’évoque rien ?

Elle lui jeta un œil suspicieux « Ce sont les pseudo dieux de Sumer. A l’origine, ils sont venus foutre le bordel ici car ils avaient des soucis avec leur monde qui s’éloignait un peu trop du soleil. Ils n’ont pas réussi à le sauver et certains squattent encore ici et là »

C’était plus qu’il ne pouvait en espérer. Au fond il connaissait peu Emma et le peu qu’il en connaissait était sous forme de rumeurs dont les plus connues concernaient sa folie. Une pauvre femme détruite par Espoir qui lui avait fait un enfant qui lui avait été enlevé par la suite. Elle ne s’en était jamais remise. Elle avait tout fait pour récupérer sa fille, sans résultat. La gamine était Adarii et éprouvait pour sa mère autant de considération que pour un animal nuisible.

« Existent-ils encore ?

- Sans doute ». Elle avait dit ça gardant son air suspicieux comme si évoquer ce genre de chose n’avait rien d’étrange mais qu’elle craignait que Thibault ne la coince sur autre chose.

- Et Ninhoursha ?

- Je ne la connais pas personnellement. »

Mais elle connaissait son existence. Les années de recherches qu’il aurait pu éviter juste en interrogeant Emma. Et surtout, si cette femme avait une once de bon sens elle serait venue lui en parler. « Sais-tu où la trouver ? »

Elle se lança dans un rire qui ressemblait à une crise d’hystérie. « Partout et nulle part, ils maîtrisent le temps et l’espace. Les trois plus importants peuvent créer la vie mais excellent dans l’art de la destruction mais Marcus n’est pas comme eux. C’est pour ça qu’il se cache et, séparé, de lui, ils sont faibles. Ninhoursha l’a séduite et en a gagné en pouvoir. Elle est la plus dangereuse. Comme Marcus, elle a une consistance.

Thibault avait du mal à suivre, pourtant c’était une mine d’information, il en était persuadé

« Ferme la bouche » répéta Emma. « Ton haleine fétide m’insupporte » Il se rendit compte qu’il avait encore la bouche ouverte d’étonnement. Non, il ne croyait pas sincèrement qu’elle saurait quelque chose. Il voulait juste être sur d’étudier toutes les possibilités et aussi, il préparait une petite vengeance mesquine.

« Mais…

- Mais comment je sais tout ça ? C’est ça que tu voudrais savoir ? Bien sur, je ne suis que la pauvre folle d’Emma. Mais la pauvre folle était la seule à avoir compris. N’as-tu jamais eu la sensation en te réveillant d’avoir rêvé ? Un rêve oublié mais important ? Comme quelqu’un qui veille sur toi mais que tu oublies au réveil.

- Onirique ?

« Bien sur, nous sommes pareils, les petits rejetons de Maltaa que Substance a caché de Vérité. Les petits protégés d’Onirique, le dernier esclave resté fidèle à Aangaal puis à sa fille Maltaa.

- Le seul but d’Onirique est de nous espionner.

- Que tu crois, si tu avais eu l’intelligence de copiner avec les soi disant espions tu aurais appris bien des choses. Sans doute imaginais-tu que c’était Espoir qui avait tout découvert ? La pauvre folle d’Emma ne pouvait rien savoir. C’est lui qui m’a détruite, qui m’a emprisonné, juste pour pouvoir à travers moi découvrir les secrets d’Onirique, se servant de ma propre fille comme moyen de pression »

C’était presque trop, la tête de Thibault tournait, dépassé par cette multitude d’informations sortit de ce cerveau malade. Plus elle parlait, plus il était convaincu que c’était sérieux. Elle parlait d’Onirique, de Maltaa, oui, tout ce mettait en place mais il avait besoin de temps pour remettre tout cela en ordre. De calme aussi.

La porte s’était ouverte. Encore une fois les sentiments trop forts d’Emma le submergeaient. Sa fille, Pluie, était à la porte, Grésil à ses cotés, Crayon un pas derrière. Oui, s’il espérait qu’Emma réponde à son message, c’était justement pour profiter de ce moment. Il savait à quel point Pluie avait du mal à supporter sa mère et il voyait là un sale coup à lui jouer. Il adorait la mettre dans des situations inconfortables. Ca lui parut très futile d’un coup. Il y avait tant de chose à apprendre. Après le choc, Emma se décomposa semblant se ratatiner et prendre vingt ans d’un coup. « Val » murmura-t-elle lui donnant le petit nom qu’elle lui donnait petite fille.

Pluie fit face aux priorités avec une aisance incroyable « Crayon, tu emmènes Grésil »

La petite essaya de négocier comme à son habitude « maman tu…

- Tu t’en vas » ordonna Pluie qui s’affola soudain.

Crayon ne savait plus quoi faire essayant à parler à la petite pour lui suggérer de le suivre, sans doute l’anxiété de sa mère fut la plus convaincante car elle finit par obéir.

« Maman ? » répéta Emma dans la langue de Plume. « C’est ma petite fille ? »

Pluie croisa les bras devant elle « n’y pense même pas ».

Thibault jubilait. Il ne devrait pas. Il avait déjà perdu Cyril, il devait travailler les informations, d’Emma et pour cela, il fallait qu’elle se calme et pourtant Thibault ne pouvait s’empêcher que se délecter de la scène. Pluie était furieuse. Il y avait de quoi, elle s’était retrouvée piégée face à face avec la personne qu’elle avait le moins envie de voir. Dans un sens ça avait quelque chose de tragique d’éprouver tant d’aversion pour sa propre mère. C’était triste. Thibault adorait ça.

Emma tremblait, n’osant faire un mouvement. Elle allait se mettre à pleurer. Dommage, lui qui espérait qu’elle pique une de ses crises de colères dont elle avait le secret. Elle aurait pu même sortir un revolver et lui régler son compte. Elle était douée pour ça.

Que fais-tu là ?» Continue comme ça Pluie pensa Thibault, il sentait la détresse d’Emma se transformer peu à peu.

« Comment ce que je fais, toi que fais-tu ? »

Pluie lança un regard à Thibault que ce dernier traduit aisément par tu me le paieras mais elle n’eut pas le temps de s’exprimer. Emma était en train de craquer. « Val… Pluie, … ma petite fille. Je suis désolée, je…

- Tu m’as dénoncé à Archuleta ! »

C’était encore plus que ne pouvait rêver Thibault. Il ne savait pas. Mike lui avait dit que quelqu’un avait dénoncé Pluie quand elle faisait des recherches avec Tempête et Sentiment. Il s’était demandé qui mais jamais il n’avait envisagé Emma. Pourtant, elle avait les moyens, elle avait les codes d’accès de la base des Maÿentres sur Terre. C’était lui-même qui les lui avait remis un jour par téléphone. Quelle intuition formidable il avait eu ce jour là. Qui aurait cru que grâce à cela, il assisterait à cette merveilleuse confrontation dix ans plus tard.

Ca y est, Emma s’échauffait « Oui, c’est vrai, je t’ai dénoncée, je ne pouvais supporter de t’imaginer agir de façon perverse, c’était le seul moyen de mettre fin à ses complots. Je ne voulais pas que tu vires comme ton père.

« Tu m’as dénoncé à Archuleta ! » reprit Pluie plus fort. Thibault comprit que la première fois qu’elle l’avait dit, elle n’était pas sûre de la culpabilité de sa mère, elle voulait juste s’en assurer. C’était un spectacle grandiose. Inespéré. D’autant plus que les Adarii avaient beaucoup de mal à éprouver la moindre rancune. Thibault avait fini par déduire qu’il y avait là une très belle adaptation indispensable à la survie. S’ils devaient tenir rancune à toute les petites saloperies qu’ils se faisaient entre eux, ça finirait vite en bataille rangée. Même Rafale, Thibault avait cru qu’il allait lui tomber dessus mais non. Il avait fait preuve d’une folle impulsion en venant jusque sur Terre et maintenant il souhaitait retrouver Ninhoursha car il voyait en elle un danger pour son peuple mais tout sentiment de Vengeance semblait avoir disparu. Mais pas chez Pluie, de sa mère, elle avait hérité d’un pouvoir de rancune si fort que même dix ans après elle lui en voulait encore.

Ca y est Emma craquait « Comment oses-tu me reprocher si peu après tout le mal que tu m’as fait ? »

Il ne manquait plus qu’un ring. Non, mieux une piscine de boue et les deux femmes entièrement nues. Pluie se tourna vers lui. Il s’était laissé aller, elle avait senti ses sentiments. « Thibault dehors ! »

Ha non, c’était trop facile ça. « C’est ma chambre.

- J’ai dis dehors, de suite »

Peut-être qu’il n’allait pas insister trop. Au fond il avait vu le gros du spectacle. Pour le reste il se contenterait d’écouter derrière la porte.

Tempête entra à ce moment. Elle comprit instantanément, jeta un œil affolé sur chaque membre présent. Pluie la croisa, la poussant sans ménagement pour se faire une place vers la sortie « débrouillez vous sans moi » cria-t-elle encore avant de disparaître dans l’escalier.

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