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On reporte souvent sur le passé une sorte de magie qui n'a rien à voir avec la réalité de ce qu'on a vécu mais est la simple prise de conscience de la fuite du temps et des deuils à faire
[J.M.G. Le Clézio
]
Plume : Désert Rose
Une fausse manœuvre à l’approche du territoire de Taegaïan et notre vaisseau a été projeté dans le désert. La Syhy Lytïl et moi, nous sommes fait prendre par un groupe que nous n’avons pu identifier. D’après mes connaissances de la culture de Plume, sans doute des nomades du désert vivant de la récolte du coton.
Réalité s’est fait blesser et nous n’avons aucune nouvelle d’elle. La Syhy Lytïl a tenté d’échanger quelques mots. Elle a paru se faire comprendre mais depuis, personne n’a accepté de nous adresser la parole. Nos agresseurs refusent le contact et se cantonnent à nous apporter à manger et boire deux fois par jours. Au bout de deux jours enfermés dans une grotte, nous avons été ligotés et poussés dans un chariot fermé comme de vulgaires marchandises. Par les fentes de la toile, je ne voyais que le désert comme ils appellent cette lande couverte de plantes herbacées roses qui paraît s’étendre à l’infini. Parfois, j’aperçois un homme monté sur une sorte de cheval avec un long cou et une bosse sur le dos où des femmes dans des tuniques légères. Quelques enfants ont tenté de grimper dans le chariot mais leurs parents les ont rattrapés avant que Dyasella puisse leur parler et ils ont reçu une raclée. Le soir, ils nous ont monté un abri. Sorte de toile ronde d’une matière élastique et lumineuse inconnue. Difficile à décrire. Nous avons songé à nous échapper, mais pour aller où ? Nous avons voyagé ainsi six jours avec de fréquents arrêts puis, nous avons atteints de nouvelles falaises et nous avons été enfermés dans une autre grotte. Je suis surpris de voir mes capacités d’adaptation. Après notre voyage, cette grotte fraîche m’a paru presque confortable. En plus, nos mains ont été déliées et j’ai pu me dégourdir les jambes. Quand je me suis réveillé le lendemain, je crois qu’un Adarii était près de moi. Je me souviens de quelqu’un parlant à voix basse avec un homme. Celui qui nous apporte habituellement à manger. Il m’a regardé ainsi que Dyasella qui le fixait, terrorisée. Je crois qu’il s’est approché et qu’il nous a parlé mais je ne me souviens plus de rien. J’ai demandé à Dyasella mais elle aussi se souvient qu’il était là mais il ne lui a pas laissé se souvenir de notre conversation. Même si je ne peux m’empêcher de passer des heures à tenter de me souvenir, quelque chose au fond de moi me dit que il valait sans doute mieux que j’oublie.
- Vous racontez votre vie à un bracelet contact Umia ?
- Syhy, je n’avais pas vu que vous étiez réveillée.
- Je me doute. Et, pour information, je vous répète que je n’ai pas perdu le contrôle du vaisseau. »
En effet, elle l’avait déjà dit. Si ce n’était pas une fausse manœuvre, cela voudrait dire que soit, les Adarii avaient les moyens d’établir un champ protecteur autour de leur territoire, soit il s’agissait d’un champ élaboré pas la confédération pour empêcher l’approche du territoire. Peu probable, ils avait établi un champ protecteur au niveau de la plate forme, c’était suffisant. Les Adarii aurait-ils acquis un tel niveau technologique ? Etonnant mais pas impossible, s’ils avaient repoussé les armées de la confédérations c’est qu’ils avaient des moyens supérieurs à nos connaissances. Restait aussi la théorie du gardien. Celui que Réalité avait nommé Annunaki. Il lui fallait réfléchir et ce lieu n’était pas propice à la réflexion, surtout avec Dyasella qui bougeait sans cesse. « Notre gardien préféré est à la porte » murmura Umia cachant par réflexe son bracelet avec son autre main. L’imposant garde avait déjà vu le petit appareil et lui avait laissé, sans doute ne savait-il pas ce que c’était. Il n’avait sûrement jamais vu de technologies de sa vie. Umia ne s’inquiéta donc pas à outre mesure et continua à chuchoter dans sa langue. « On l’appelle Taciturne car il ne dit jamais un mot. Je n’ose pas imaginer ce qu’il nous ferait s’il savait qu’on l’appelle ainsi. Probablement nous frapperait-il. Les gens d’ici utilisent la violence quotidiennement. »
Le garde s’approcha mais il passa devant lui et attrapa rudement Dyasella qui ne put retenir un cri.
« Lâchez-là » Ordonna Umia.
- Sinon quoi ?» répondit Taciturne dans la langue des Maÿcentres.
Umia blêmit entendant le garde parlant dans sa langue et resta un instant sous le choc tandis qu’il attachait les mains de Dyasella derrière son dos à l’aide d’une corde épaisse.
« Fais pas cette tête là » ajouta-t-il. « Je sais oui, tu imagines que je vais te frapper pour chaque connerie que tu as dit et que je suis un sauvage qui n’a jamais vu la moindre machine de ma vie ? Pas besoin de cacher ton bracelet, vu le satellite le plus proche, à part le décharger en larmoyant ta vie, il ne te sera d’aucune utilité et rassure toi je ne tiens pas à m’user le poing pour une vermine telle que toi».
Umia se recula tandis qu’il approchait mais il se contenta de lui prendre les mains et de les tirer vers l’arrière. « Pourquoi n’avez-vous pas dit que vous me compreniez ? La jeune fille qui nous accompagnait, qu’est-elle devenue ?
- Je ne l’ai pas dit car je n’avais pas envie que tu me bassines de questions comme tu es en train de le faire.
- Mais…
-Taisez-vous Sy Thaïs Umia.
- Syhy ?
- Ca ne sert à rien, vous n’obtiendrez rien de lui.
- Ecoute ta femelle et avance. » Le soleil après la pénombre de la grotte empêcha Umia et Dyasella de discerner le décors. Le garde les poussa à nouveau dans un chariot qui ne tarda pas à avancer. A force de contorsions, Umia arriva à tirer légèrement un pan de la toile du chariot avec l’épaule et ravala un cri de surprise. Approchez-vous Syhy, nous avons quitté le désert. La jeune femme se déplaça près d’Umia. « C’est magnifique. » S’exclama-t-elle
Ils avançaient sur une large allée de pierres grises et roses. Tout autour d’eux, se dressaient des bâtiments de pierre blanche. Quelques personnes les croisèrent, s’écartant d’un air méfiant. Le convoi ralentit à l’approche d’une montée un peu plus abrupte et finit par s’immobiliser devant le plus grand bâtiment. « C’est la villa Adarii » chuchota Dyasella. « Elle est bien plus grande que celle des Maÿcentres !
- Et plus belle.
- Je retire tout ce que j’ai dit » dit Dyasella,
Umia releva distraitement, réfléchissant à ses plans « À quel propos ?
- Je ne veux pas y aller, j’ai peur qu’ils nous fassent du mal.
- Je pense que s’ils voulaient nous faire du mal, ils n’auraient pas pris la peine de nous amener jusqu’ici. » La partie atteignait sa situation critique, il allait se retrouver devant les Adarii. Tout se jouerait sur cet entretien et Dyasella était en train de craquer. Avec un peu de chance, elle se tairait. Malheureusement, Umia ne pouvait tout miser sur cet espoir, la Syhy était imprévisible et il était impossible de lui faire comprendre que, pour une fois dans sa vie, elle devait faire ce qu’il lui disait.
« Si au moins nous pouvions savoir ce que nous avons dit à celui qui est venu. »
Et dire, qu’elle voulait venir seule. Heureusement, qu’il avait réussi à imposer sa présence, elle aurait fait n’importe quoi. « Parce que vous imaginez avoir dit quoi que ce soit ? C’est optimiste. Ils sont capables de sonder l’esprit et d’y découvrir vos secrets les plus intimes ».
Dyasella frissonna. Bien sur, elle y avait pensé mais elle n’avait pas envie qu’on lui rappelle ça maintenant. Umia sourit. Plus il arriverait à lui faire peur plus il y avait de chance qu’elle se comporte conformément à ce qu’il voulait. Les Adarii, n’aimait pas la peur. Ils devaient cerner que c’était lui qui commandait et non Dyasella.
« Nos intentions sont bonnes » se contenta-t-il de dire presque sous forme de question.
Le garde rabattit la toile du chariot les coupant dans leurs réflexions. Il tira violement Umia qui tomba presque par terre tandis que Dyasella évitait son bras pour descendre seule, plus dignement. Autour, quelques personnes s’arrêtèrent et se retournèrent vers ce pitoyable spectacle. Des voix s’élevèrent autour de lui et Umia n’eut pas besoin de connaître leur langue pour comprendre qu’elles n’étaient pas amicales. Le garde lança quelques mots plus forts et la foule se dispersa.
« Qu’ont-t-ils dit ? » murmura Umia en avançant.
« Des insultes je crois et Taciturne les a fait taire en disant que ce n’était pas à eux de les juger. Vous croyez que c’est pour ça qu’ils nous ont emmené ici ? Pour nous juger ? » Demanda Dyasella
Umia ne le croyait pas. Il pensait que le stratagème de Dyasella avait fonctionné et qu’ils étaient ici car Dyasella avait un bijou d’Orage. C’était suffisant pour qu’on les écoute. Mais, si elle avait peur d’être jugée, Umia ne la contredirait pas « Je le crois, en effet. » il insista « Vous connaissez le sens de la justice des Adarii ?
- Pas vraiment non.
- Moi si, il n’existe pas.
Plume : Cité de Taé : Taegaïan
« Et tu dis qu’ils viennent des Maÿcentres » chuchota Revanche.
« Exactement. La fille, il paraît qu’elle est Syhy. C’est une sorte de titre, un peu comme les représentants des villages »
Grésil se tassa plus fortement derrière le muret et appuya sur la tête de Revanche pour qu’il fasse de même. Ce n’était pas un espion, il ne savait pas comment s’y prendre. Les deux étrangers s’avançaient sur la grande esplanade
« J’ai manqué quelque chose ? »
- Tais-toi Chiffre et couche-toi. Tu connais Revanche ? C’est le fils de Sentiment.
- Je crois qu’on s’est déjà croisé mais pas officiellement. Très honoré Revanche fils de l’Adarii Sentiment.
- Tu feras des présentations dans les formes plus tard, pour l’instant cache-toi.
- Je ferais comme vous le désirez mais je pense qu’on peut approcher, il y a déjà de nombreuses personnes sur l’esplanade. »
Grésil dévisagea son ami. Décidément il n’y comprenait rien. Se montrer ôtait tout le piquant du jeu. Des espions restaient toujours dans l’ombre.
« Tu vois l’homme et la femme qui s’avancent vers la salle des doléances ?
- Oui, il paraît qu’ils viennent se faire juger.
- Pas du tout, ils viennent des Maÿcentres.
- Pour de vrai ?
- Oui, c’est Eclaircie qui est allé les interroger et il a ordonné qu’on les amène ici. Même que Laine a ramené leur vaisseau sur la plate-forme du désert.
- C’est le tout blanc pas joli ?
- Oui c’est ça.
Revanche intervint : « je ne suis pas sûr que vous ayez le droit de parler de ça à un enfant du peuple. »
Ce qu’il pouvait être barbant avec sa morale celui-là. « Je suis Annunaki Revanche, j’ai le droit de dire ce que je veux, à qui je veux, quand je veux. »
Chiffre attendit que le couple ait disparu à l’intérieur de la villa et reprit comme si de rien n’était. « Ils ne sont pas très impressionnants. Ils sont tout sales et mal habillés. La femme doit être jolie mais il faudrait qu’elle s’arrange un peu. »
Grésil ne tint pas compte de ses commentaires pourtant très pertinents. « Si on contourne par l’intérieur, on devrait pouvoir espionner derrière la salle des doléances ». Grésil pensa soudain qu’elle pourrait aussi y aller tout simplement mais c’était bien moins amusant. Elle lança un coup d’œil à Chiffre. Elle était consciente qu’il ne pourrait pas les suivre.
« Je vais du côté des falaises. Je dois en profiter, je commence mon apprentissage auprès de mon maître, le marchand Safran demain. Peut-être se verra-t-on tout à l’heure. »
Grésil acquiesça et fit signe à Revanche de la suivre. Ils se fondaient presque dans le mur, rampant tels des serpents et se glissèrent dans la villa
Plume : Cité de Tae : Taegaïan
Dyasella oubliait ses craintes, émerveillée par le spectacle qui s’offrait à elle. La salle dans laquelle on les avait fait entrer était la plus vaste et la plus belle qui lui fut donnée de voir. De grandes baies vitrées recouvertes de légers voiles brillants illuminaient les murs de pierres blanches dont les sculptures semblaient évoquer une fresque composée d’une multitude d’éléments tournée vers l’estrade au fond de la salle. Elle revint à la réalité entendant une porte claquer derrière l’estrade et s’arrêtant net tandis qu’un homme écartait les tentures avant de s’asseoir sur un large fauteuil de pierre recouvert de coussins. Un deuxième le suivit mais resta debout légèrement à l’écart Leur gardien s’avança résolument, s’arrêta à quelques pas de l’estrade et attendit qu’on lui adresse la parole.
Dyasella se tourna discrètement vers Umia : « Je pensais que le maître Prestance était une femme ?
- Oui, lui, c’est son frère, l’Adarii Glace ».
Dyasella se força à lever la tête et faire bonne figure malgré la peur qui montait en elle devant cette apparition. « C’est avec lui que vous travailliez sur Terre ? » dit-elle encore.
« Oui, » dit Umia avec un sourire.
Dyasella observait toujours à la dérobée celui qui avait engagé le dialogue avec leur garde. Elle percevait son air froid et autoritaire. « Glace » murmura-t-elle. Elle secoua la tête. C’est loin d’être gagné pensait-elle.
Le garde se tourna vers eux et de la main leur fit signe d’approcher. Elle songea à faire demi-tour et partir en courant. Pour allez ou ? Elle s’avança, ses pas glissant sur les dalles, jusqu’à la hauteur du garde.
Glace dit encore quelques mots au garde. Son maigre vocabulaire ne lui permit pas de comprendre, mais le garde paraissait aussi mal à l’aise qu’elle et, paradoxalement, elle reprit légèrement confiance. Il salua et se tourna vers Umia et elle-même et sortit un couteau beaucoup trop pointu. Dyasella frémit et recula imperceptiblement mais le garde ne parut pas s’en apercevoir. Il se rapprocha, attrapa Dyasella sans douceur et trancha ses liens. Elle se frotta les poignets tandis qu’il faisait de même auprès d’Umia. « Maître Glace consent à vous écouter » maugréa-t-il avant de s’éloigner par où ils étaient entrés.
Maître Glace pensa-t-elle. Ils n’avaient pas prévu ce changement. Elle ne savait pas pourquoi elle s’en inquiétait. Après tout Orage lui avait dit que c’était les jeunes qui dirigeaient Taegaïan peut-être l’ancien Maître avait-elle juste passé l’age. Ou peut-être s’était-il passé autre chose de plus grave ne put-elle s’empêcher de penser.
Umia s’était avancé, beaucoup trop confiant, et s’apprêtait à parler. Dyasella le retint par la manche. Cet abrutit allait commencer par faire un impair. Il s’arrêta, se reprit et attendit, tout comme elle, que le maître des lieux se décide à prendre la parole. Dans pareille situation, le temps semble s’arrêter. Il n’avait dû se passer que quelques secondes mais il semblait à Dyasella qu’elle attendait debout, immobile, depuis des heures. Des crampes la tiraillaient, le stress sans doute.
« Les frontières de Plume ne sont pas ouvertes aux mondes extérieurs ».
Au moins, il avait le mérite d’être clair et de parler dans la langue de la confédération aussi bien que s’il s’agissait de sa langue maternelle.
Umia avait pris la parole : « Adarii Glace, ou devrais-je dire Maître Glace, je vous remercie d’avoir accepté de nous recevoir. Je m’excuse d’avoir négligé vos lois. A vrai dire, nous n’étions pas certain de connaître les conditions en vigueur à l’heure actuelle sur Plume. Notre président ne nous a pas décrit vos frontières comme fermées.
- Ce qui se passe chez vous ne m’intéresse pas. Venez en au fait Sy Thaïs Umya.
- Umia. Comme vous imaginez, je n’ai pas gardé mon poste longtemps après votre départ.
- J’espère que vous n’avez pas fait tout ce chemin pour me relater votre déchéance Sy.
- Non, je suis venu vous voir car je sais qu’un jour, vous m’avez accordé votre confiance.
- Pour que vous preniez soins des ressortissants de Plume restés sur les Maÿcentres, pas pour que vous veniez empiéter sur les territoires de Plume.
- Synshy crie à qui veut l’entendre qu’il s’est approprié Plume et Saphir.
- Vous pouvez lui répondre que nous nous portons bien.
- Il a envahi Cashir et bloque les accès aux territoires Adarii.
- Il ferait mieux de les bloquer un peu mieux afin que nous n’ayons pas d’autres visites. Me donnerez-vous la raison de votre visite ? »
Glace s’était levé et Umia et Dyasella n’avaient pas pu s’empêcher de reculer. Dyasella voyait bien qu’Umia était mal parti. Elle devait faire quelque chose mais elle n’arrivait pas à articuler un mot, les idées se bousculaient dans sa tête, sans suite. Umia avait reprit :
« Nous voulons renverser Synshy et nous avons besoin de votre aide pour ça.
- Tu veux nous faire une petite révolution Umia ? Tu as besoin de ta petite vengeance à moins qu’il ne s’agisse d’un nouveau jeu ? Imagines-tu que nous n’ayons que ça à faire, qu’à s’occuper de satisfaire tes ambitions ?
- Je ne verrais pas les choses ainsi, mes ambitions sont à votre avantage. Le président vous hait autant que je le hais. Vous avez tout intérêt à vous débarrassez de lui.
- Nous n’avons pas besoin de toi pour le tenir à l’écart.
- C’est ce que je constate et j’en suis ravi mais ça ne suffit pas. Il vous enferme sur votre monde, je vous propose une ouverture.
- Parce que ta petite personne ambitionne de remplacer le président ?
- Non, j’ambitionne de garder cet honneur pour la Syhy Lytyl. »
Les yeux de Glace parurent devenir deux fentes bleues et froides fixant la jeune femme, la dévisageant avant de parcourir son corps des yeux. Dyasella frissonna.
« Dyasella, je vous connais, en un sens. Vous êtes quelqu’un de bien. Je vous souhaite réussite dans vos projets et vous conseille de vous éloigner d’Umia. Votre vaisseau est réparé et prêt à appareiller. Sy Umia, je vous souhaite bien du plaisir dans vos complots. Sortez maintenant.
- Réfléchissez, Synshy a pris la villa Adarii des Maÿcentres, il se prélasse dedans et l’appelle palais présidentiel, invitant n’importe qui à admirer sa victoire dans ses murs. »
Dyasella crut percevoir une ombre de surprise passer dans le visage froid et dur de Glace puis, il se rassit, souriant légèrement.
« Synshy dans la villa Adarii, voilà une information intéressante. J’en prends note. Dois-je vous répéter de sortir ?
- Ne comptez-vous rien faire pour remédier à cette situation ?
- Je ne compte rien faire avec toi Umia. Rien avec toi. »
Glace s’était levé et s’éloignait par où il était arrivé.
« Attendez » lança Dyasella. Glace se retourna et lui lança un regard glacial. Cette idiote allait tout gâcher songea Umia. Dyaselle se sentit rougir et frissonner en même temps, elle ne savait plus pourquoi elle l’avait interpellé et ne savait plus quoi dire. Elle se contenta de tomber à genoux et les mots sortirent de sa bouche sans qu’elle le veuille.
« J’ai aussi une doléance à formuler.
- Et pourquoi l’écouterais-je ?
- Je ne vous demande pas de l’écouter, ma requête est adressée à l’Adarii Orage ».
Glace hésita et se crispa soudain. Dyasella se sentit encore plus mal. Jamais elle n’aurait dû demander une telle chose. S’il refusait, sa demande était inutile et s’il acceptait ! S’il acceptait, jamais elle n’aurait le courage de se retrouver face à Orage.
« Orage et mort et je tiens les mondes extérieurs responsable de sa disparition.
- Raison de plus pour vous venger » lança Umia.
Comment pouvait-il en profiter pour surenchérir alors que le monde s’écroulait autour de Dyasella. Pourquoi parler encore de Synshy ? Quel intérêt cela pouvait-il avoir ?
« Je suis désolé ».
Dyasella pensait que c’était Umia qui avait prononcé ces mots avec tant de douceur pourtant, quand elle tourna la tête c’est Glace qu’elle aperçut.
« Partez maintenant » ajouta-t-il plus doucement.
« J’exige un entretien avec l’Adarii Pluie ou l’Adarii Tempête ».
Jamais Dyasella ne s’était mise en colère avant ce moment et elle avait du mal à reconnaître sa voix.
Glace s’était approché d’elle, descendant de l’estrade, le dominant de toute sa hauteur.
« On n’exige pas devant les Adarii.
- Et on ne parle pas ainsi à la Syhy Lytil. » Dit-elle croisant les bras. Elle n’avait plus peur. Le peur était pour ceux qui craignait de perdre quelque chose. Elle n’avait plu rien à perdre « J’en réfère aux liens du cœur du peuple de Plume. J’ai droit à cet entretien. »
Glace hésitait. Dyasella attendait. Elle avait le temps. De toute façon, plus rien n’avait d’importance, c’était la quête d’Umia. La sienne avait pris fin au moment ou Glace lui avait appris la disparition de celui qui avait été son amant. Les plus belles années de sa vie avaient éclatée en mille morceaux, comme autant de fines aiguilles qui transperçaient son cœur. Ce n’était pas pour renouer avec Orage qu’elle était venue. Il faisait partie d’une partie de sa vie qui était révolue. Mais alors pourquoi cela faisait-il si mal ? Glace ne répondait pas. Dyasella leva les yeux vers lui. Elle reconnut cette expression si particulière et comprit qu’il communiquait avec quelqu’un.
« Les liens de cœurs n’existent pas entre le peuple et les Adarii » finit-il par dire « mais ma sœur consent à t’accorder ta requête et tu ferais bien de te calmer avant de te trouver en sa présence, elle n’a pas à supporter tes émotions dévastatrices. Quant à vous Sy Umia, on va vous reconduire à votre vaisseau.
Plume : cité de tae : Taegaïan
Umia avait cru que Dyasella devenait folle à faire preuve d’une telle audace mais il devait avouer que sa stratégie avait payé. A condition qu’il s’agisse d’une stratégie réfléchie et non d’une impulsion irréfléchie. Il devait gagner du temps. Trouver un moyen de parler seul à seul avec Dyasella pour préparer son entretien. « Je vous en remercie » dit-il « nous repartirons dès que nous aurons retrouvé Réalité.
- Qu’avez-vous dit ?
- Réalité, il s’agit de la jeune femme qui nous accompagnait.
- Celle qui vous accompagnait est Réalité, la fille du maître Cyril de Cashir ?
Oui » dit-il ne sachant que dire d’autre. Il savait qu’elle avait une position élevée en Cashir mais jamais, il n’avait pensé qu’elle puisse être connue des Adarii.
« Voilà une excellente nouvelle ». Glace claqua deux fois dans les mains et un domestique apparut sortant d’une pièce adjacente.
Ils discutèrent quelques minutes tandis qu’Umia essayait désespérément de saisir quelques mots de cette langue inconnue puis le domestique s’approcha d’Umia.
« Il va vous reconduire au vaisseau » dit Glace
Umia sentit un froid intense le parcourir. « Mais Réalité » cria-t-il.
« Elle est de Plume, elle reste sur Plume.
- Je ne partirais pas sans elle.
- Ho si vous allez partir et si vous croisez Cyril, dites lui qu’on a quelque chose qui lui appartient et que si lui aussi a quelque chose qui nous appartient je pourrais consentir à un échange. »
Umia ne voulait pas, pourtant il se retrouva à faire marche arrière et à suivre le domestique de la villa. Il aurait voulu crier mais il ne commandait plus ses muscles, il n’était plus qu’un pantin incapable d’un autre mouvement que celui imposé par Glace et chaque pas l’éloignait de Réalité.
Maïcentres : colline du conseil
Quand Accalmie s’éveilla, tout était noir autour de lui. Il essaya de s’asseoir mais ses mains étaient coincées dans son dos. Il tenta d’ouvrir les yeux mais un bandeau lui bloquait la vue. Son angoisse remonta au fur et à mesure qu’il retrouvait la mémoire : il avait braqué un vaisseau et obligé le pilote à décoller. Il n’avait pas de but précis. Il lui avait demandé de l’emmener sur les Maÿcentres. S’en était suivi trois jours de voyages durant lesquels il n’avait pu ni manger ni dormir car la navette ne contenait pas de nourriture et qu’il devait maintenir son attention sur le pilote. Ce dernier avait été soumis au même traitement. C’était stupide et irréfléchi. A l’arrivée, ils étaient dans un tel état de faiblesse qu’il n’avait rien pu faire. Les codes d’identification étaient faux, on l’avait cueilli dès l’atterrissage. Combien de temps était-il resté inconscient ? Il se souvenait avoir été drogué, s’être réveillé, avoir été malade dans un espace confiné qui bougeait, ensuite, il ne se rappelait plus. Il arriva à s’asseoir à force de se tortiller et s’appuya contre le mur. Il était froid. Accalmie frissonna. Il se rendit compte qu’il était torse nu.
Après réflexion, il se souvenait une conversation. Il y avait deux personnes. Il tenta de se remémorer. Une voix grave, un homme et une voix très aigue, comme une scie sur du métal. Ils parlaient dans la langue des Maÿcentres. Au départ, il n’avait rien compris puis, il s’était forcé à se calmer, se concentrer. Il s’était remémoré ses cours, il avait appris cette langue. Son professeur disait toujours qu’il avait un don prodigieux pour les langues quelqu’elles soient. Sans disant grâce à son environnement pluriculturel : une mère italienne, Mike Américain et vivant en France, une quatrième langue était facile à intégrer.. C’était juste la peur qui lui faisait perdre ses moyens mais il ne devait pas leur donner le plaisir d’éprouver de tels sentiments. Arrivé à cette conclusion, le discours avait parut s’éclairer et il avait compris le sens général. Ils avaient parlé de la planète Plume, ils pensaient qu’il venait de là-bas et lui avait enlevé sa chemise car ils cherchaient un tatouage, après leurs discours devenaient incohérents et il avait du mal à s’en souvenir.
« Enfin réveillé. Nous avons sans doute forcé un peu les doses. Vous n’êtes pas résistant. »
Par réflexe, Accalmie se tourna vers la voix mais n’en aperçut pas d’avantage.
« Qui êtes-vous, que me voulez-vous ? »
Il avait compris que l’homme s’adressait à lui dans la langue des Maÿcentres mais, sans doute encore abruti, il avait répondu en français, par réflexe. Il allait se reprendre mais se ravisa. Autant les laisser croire qu’il ne pouvait pas communiquer.
La voix de crécelle se mit à brailler. « J’ai des informations qui dépassent tout ce qu’on pouvait imaginer.
- Quoi ?
- Il est enfin réveillé lui ?
- A l’instant oui.
- Il a parlé ?
- Il a dit quelques mots mais, vu son élocution, il n’est pas encore très clair. Alors qu’as-tu découvert ?
- J’ai la traduction de ses papiers.
- Et ?
- Son nom, c’est Gentry.
- Comme le responsable d’Archuleta ?
- Exactement.
- Comment est-ce possible ?
- Je vous avoue que ça me pose problème. Je vois deux solutions soit Gentry a fricoté avec une Adarii. Soit les Adarii leur ont confié un de leurs enfants. D’un coté comme de l’autre les Gentry sont impliqués.
- Pourquoi dis-tu « les » Gentry ?
- Parce qu’il y avait aussi le fils du général qui était impliqué dans le projet d’Archuleta. Il peut aussi s’agir d’un hasard. Ce nom est assez répandu.
- Je ne crois pas aux hasards. Ca ne leur suffisait pas d’avoir imposé Glace là-dedans. Ses sales petites fouines avaient trouvé des alliés sur place.
- Apparemment oui et ce n’est pas tout.
- Pour son petit nom, j’ai eu plus de mal. Il s’appelle Lull.
- Traduction ?
- Justement, celui qui se chargeait de la transcription des papiers n’a pas cherché de traduction puisque les noms Terriens n’ont pas de signification. C’est ça qui m’a pris un peu de temps, je suis allée fouillée moi-même. Et j’ai fini par trouver. C’est de l’anglais. Ca exprime le calme après la tempête, quand tout d’un coup, le vent tombe. L’Accalmie
- Nom relatif au climat, Taegaïan. Et ne me dit pas qu’il peut encore s’agir d’un hasard.
- Je ne me le permettrais pas.
- Je ne me laisserais pas faire par cette petite ordure. Que faisais-tu sur Terre ? Que manigancent les Adarii, qui sont tes parents ? »
Accalmie resta interloqué devant cette colère soudaine. Il avait du mal à suivre leur conversation et les allusions à Mike ne le rassuraient pas.
« Traduis Dya » continua-t-il du même ton avant que Mike ne puisse dire un mot.
« Nous souhaitons savoir ce que vous faisiez sur Terre ?
- J’habite sur Terre, j’y ai toujours vécu, vous pouvez vérifier. »
La femme traduisit et ils marmonnèrent quelques mots à voix basse avant de reprendre. « Qui sont vos parents ? »
Accalmie se mordit les lèvres. Et s’ils s’en prenaient à ses parents ? D’un autre coté, ils le sauraient assez vite. « Mon père s’appelle Mike Gentry. Il est Américain et ma mère Hélène Giolani. Elle est Italienne. Je vis dans une petite ville française près de l’Italie et je n’ai rien fait. »
L’homme attendit la traduction et s’esclaffa d’un rire pervers. Cette petite ordure, s’infiltre dans la base ne faisant qu’une bouchée de nos systèmes de sécurité, s’empare d’un de nos pilote et le force à le conduire ici mettant sa santé en péril. A peine arrivé et il frappe les gardes chargés de l’interpeller et il dit qu’il n’a rien fait. Dis-lui que si il se moque encore de nous, on s’en prend aux Gentry et à l’autre aussi qui que ce soit. Maintenant, je veux savoir qui sont ses parents.
- Non » hurla Accalmie.
L’incrédulité remplaça un instant la colère chez le président puis cette dernière reprit le dessus déferlant comme une vague sur Accalmie. Il chercha a utiliser les techniques que Thibault lui avait montré pour se protéger des émotions des autres mais c’était trop fort.
« On est en train de s’emmerder à traduire alors que cette calamité nous comprend très bien.
- J’ai appris votre langue à l’école mais je ne saisis pas tout. »
Dya traduisit et l’homme se calma un peu.
« Tes parents ? »
Accalmie ne répondit pas cherchant comment s’en sortir
« Tes parents » hurla-t-il.
« Ma mère s’appelle Hélène Giolani, elle a épousé Mike Gentry qui m’a adopté. Mon père s’appelait Espoir Taegaïan Je ne sais rien de lui, ma mère m’a juste dit qu’elle l’avait rencontré en vacances et qu’elle ne l’avait jamais revu. J’ai cherché à le retrouver sans résultat. Je pense que ce devait être un faux nom.
- Ca se tient
- Tu plaisantes Dya, tu ne vas pas croire pareilles inepties.
- Non. Espoir ça se tient. Il passait sa vie de débauche à fouiller partout et à pervertir les filles. Le reste, je pourrais y croire mais pas avec Mike Gentry en plus.
- Nous pouvons capturer Mike et cette Hélène pour les faire parler.
- Vous oubliez le père Gentry, il a des relations et connaît beaucoup trop de choses. Dangereux de toucher aux Gentry.
- Alors nous embarquons le père aussi
- Risqué, très risqué.
- Alors quoi, tu veux te battre contre Accalmie ?
- Nous pourrions les inviter ?
- Qui, quoi ?
- Jack et Mike Gentry et pourquoi pas la femme s’ils sont mariés. Après tout, le général Gentry avait été désigné par le président Eysky comme devant être ambassadeur Terrien. Nous pourrions remettre ça au goût du jour. Ou en tout cas, l’inviter pour en parler. Hors de leurs frontières il sera plus discret de les recevoir à notre façon.
- J’aime bien ta façon de voir les choses Dya. Et s’ils refusent de parler ?
- Si les Gentry refusent de parler nous les menaçons de nous en prendre à Accalmie.
- De même, si Accalmie refuse de parler nous le menaçons de nous en prendre aux Gentry.
- Faisable.
- En attendant, que faisons-nous de lui ?
Plume : cité de Tae : Taegaïan
Dyasella était dans un autre monde. Plus rien n’avait de sens pour elle. Elle avait fini par se prendre aux rêves d’Umia et il avait viré en cauchemar. A quoi s’était-elle attendu. Elle s’était retrouvée enfermée pendant plus d’une semaine et maintenant le magnifique salon dans lequel elle se trouvait lui semblait irréel. Elle se prit à faire ses propres rêves, des rêves dans lesquels Orage venait à elle, dans lesquels il était vivant et qu’il s’enfuyait avec elle. Elle s’essuya une larme au coin de l’œil et se retourna. Pluie était dans la pièce. Elle se tenait debout, bras croisé face à elle.
Pourquoi avoir demandé à parler à Pluie ? Elle n’en savait rien, juste parce que c’était la seule avec qui elle pourrait avoir un entretien mais maintenant, tout cela lui semblait vain. C’était Glace qui avait raison, s’ils étaient venus c’était pour satisfaire de mesquines petites vengeances. Et pas les siennes, celles d’Umia uniquement
« Que veux-tu ? »
Dyasella serra les dents. Elle n’avait pas imaginé avoir plus de pitié de la part de Pluie que de Glace.
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