dimanche 20 janvier 2008

AP : 5. Plaisir : Chapitre 7

7

Le bien être est acceptable, la joie est noble, le plaisir est suspect.

Henry Laborit

Pavillon des Lytyl Paktyl

« Pluie ne te l’avait pas dit ?

Accalmie regrettait déjà d’en avoir parlé à Mike. Sa suffisante était exaspérante. Il se prenait encore pour son père. Il l’avait abusé suffisamment longtemps sur ce sujet. Il ne manquait plus qu’il lui jette à la figure le fameux : je t’avais prévenu « Non, bien sur que non. »

Mike éclata d’un rire nerveux qui poussa l’exaspération d’Accalmie à son comble avant de conclure. « C’est du bluff. Que pourraient-ils faire si Dyasella n’acceptait pas leurs conditions ? Rien.

- Là n’est pas la question, je ne suis pas un pion qu’on manipule à son gré sans même me demander mon avis

- Nous sommes tous des pions pour eux. Déjà, ils te donnent l’opportunité d’être un pion légèrement plus important sans doute pour mieux t’avoir à l’oeil. Ils ont sauté sur l’opportunité à une vitesse incroyable.»

Accalmie ne supportait plus les sarcasmes de Mike Il n’aurait jamais dû revenir. Il était rentré chez Dyasella uniquement parce qu’il ne savait pas où aller mais n’était pas prêt à subir la morale de Mike

« C’est ça, je suis une opportunité.

- Je comprends, tu espérais plus n’est ce pas ? Un peu de reconnaissance peut-être. » Il avait ricané en disant cela. Oui, c’est ce qu’il avait espéré, c’est vrai. Sans doute aurait-il voulu plus mais de la part de Mike aussi.

« Ils n’ont pas les même façons de marquer leur affection. Ils t’ont ouvert les portes de leur villa, c’est la plus grande preuve de considération dont ils sont capable »

Au moins, Dyasella ne se moquait pas de lui. « Parce que ça les arrangeait oui.

Mike passa ses bras autour des épaules d’Accalmie dans une sorte de parodie de geste paternel. « Allez » dit-il « nous rentrons »

Accalmie se dégagea « Je n’irai nul part »

Contredisant ses paroles, Accalmie claqua la porte du pavillon de Dyasella et disparut dans le jardin.

Pavillon des Lytyl Paktyl

Dyasella écarquilla les yeux tenta de suivre Accalmie des yeux par la verrière du salon. Il avait disparu mais Umia approchait. « Il reviendra » dit Mike se méprenant sur son inquiétude « il n’a pas d’autres choix » insista-t-il.

Dyasella ne répondit pas. On ne parlait pas ainsi à un Adarii, même élevé sur Terre mais ce n’était pas à elle de faire la morale à Mike. Elle ouvrit la porte et Umia tituba jusqu’à un fauteuil de la véranda. Elle lui demanda si tout allait bien et la façon mécanique dont il répondit oui aurait tout aussi bien pu dire non. Elle regarda Mike qui n’y prêta pas attention sans doute encore frustré qu’Accalmie ait filé sous son nez et en revint à Umia, de plus en plus inquiète

« Est-ce que ça va ? » répéta-t-elle

« Je ne suis pas sûr ».

Elle décida de procéder méthodiquement « comment êtes-vous monté ? »

Les basses villes et le plateau sont en effervescence. Les manifestants se sont rendus maître du funiculaire et ils montent en masse prendre d’assault le bâtiment du conseil. »

Il avait dit cela comme s’il s’agissait d’une broutille. Ces mouvements de foules étaient très intéressants. Elle devrait peut-être y aller. Non, s’il y avait tant de monde, elle n’arriverait à rien. Il fallait mieux attendre un peu que la tension retombe légèrement mais ce serait bien que quelqu’un suive ça de près. Umia devrait pouvoir faire ça. Enfin s’il retrouvait son état normal. « Bon sang Thaïs Umia, qu’est-ce qui vous prend ?

- Ma porte a disparu.

- Comment ça disparu ? Quelqu’un a forcé votre appartement ?

- Non, elle a juste disparu »

Merveilleux. Accalmie était parti, Mike était uniquement bon à envenimer les choses et Umia avait perdu la raison.

- L’enfant, Marcus Substance.

- Vous avez vu un enfant et Marcus Substance ?

- Non, c’était le même » Dyasella ne supporterait pas un propos incohérent supplémentaire « Expliquez-vous à la fin ! »

Un peu d’autorité et Umia sembla revenir à lui. « Quand j’ai été transféré sur Vengeance après avoir été chassé d’Archuleta, je voulais me venger mais j’ignorais par où commencer et comment m’y prendre. J’ai rencontré par hasard celui qui se fait appeler Maître Substance, le sculpteur, et il m’a proposé une aide financière. C’est une histoire un peu étrange, bref, il m’a donné quelques tuyaux, une belle somme et en échange je devais lui faire part de mes découvertes. Tout bénéfice en fait. Mais, petit à petit, il devenait plus exigeant, il voulait tout savoir ne me laissant pas la moindre intimité et quand j’ai voulu arrêter, il m’a fait des menaces, pas vraiment explicites mais il disait qu’il se servirait de Réalité pour continuer ses petits jeux de voyeurismes et d’ailleurs il l’a embauchée à son service pour être sûr de l’avoir sous la main »

Marcus Substance, voilà qui ne l’étonnait pas. Ca expliquait pourquoi il n’avait pas été étonné de la rencontrer avec les enfants, ça expliquait aussi cette diversion inespérée quand il avait fait une apparition juste quand ils avaient prévu de partir pour Plume. Cela dit, elle devrait le surveiller elle aussi. Il n’y avait pas de raison que cet excentrique joue aux voyeurs tout seul. Tiens d’ailleurs on disait qu’il avait disparu. Rumeur infondée apparemment »

Donc Substance est revenu » se contenta-t-elle de dire. Au fond, les espionnages d’Umia ne portaient pas vraiment à conséquence. Au contraire, jusque là Marcus les avait plutôt aidé.

Umia acquiesça.

« Et il vous a demandé de jouer encore les espions pour lui

- Non

- Alors quoi ?

- Il a fait disparaître la porte, il est apparu sous la forme d’un petit garçon qui a grandi devant moi et s’est transformé en Marcus Substance avant de me prendre mes enregistrements ».

Dyasella n’était pas d’humeur à ce qui que se soit se moque d’elle et les élucubrations d’Umia étaient la goutte d’eau qui faisait déborder le vase après les sarcasmes de Pluie.

Pavillon des Lytyl Paktyl

Marcus Substance, voilà un nom qui n’avait rien à faire dans une conversation entre Dyasella et Umia. Sur tout autre nom, Mike se serait amusé de ce hasard mais là, il avait des doutes. Le vieux sorcier Substance comme il l’appelait. Thibault était allé jusqu’en Crête pour le voir, mais il n’avait trouvé que la bonne qui lui avait dit qu’il avait disparu depuis plusieurs années. Et voilà que ce nom apparaissait sur les Maÿcentres. Dyasella lui parlait. Elle lui disait qu’Accalmie reviendrait. Elle pensait sans doute que c’est lui qui le préoccupait. Ce n’était pas faux. Ce gosse était impossible et il ne savait plus quoi faire. Il fallait qu’il trouve un moyen pour le ramener chez lui. Après une bonne douche froide et, isolé de toute tentation, il retrouverait un minimum de bon sens.

Ambassade de Saphir Plume

« Rafale est rentré ?

- En haut » répondit Pluie sans lever les yeux de son livre. Jade jeta distraitement un œil à l’hologramme qui prenait presque toute la pièce montrant plusieurs salles à la fois mais ne posa pas de question. Si Pluie était installée, dans ses coussins, si sereinement, avec un livre et des petits gâteaux, c’est qu’il ne se passait rien de nouveau.

« Tu nous la joues incognito » dit-elle désignant la longue cape à capuchon de Jade. Ce dernier sortit un masque métallique. « J’ai même testé leurs masques, mais je ne suis pas passé inaperçu.

- Ils ont fait quoi ?

- Rien, ils se sont écartés. Je n’ai rien perçu de mauvais mais ils m’ont reconnu.

- Ces masques sont réservés à la très haute société, évidemment qu’ils attirent l’attention.

- J’ai essayé sans aussi.

Pluie sortit la tête de son livre et se décida à détailler Jade

- Il faudrait que tu t’habilles encore plus mal.»

Jade laissa ces considérations de coté « Et tempête n’est pas rentrée ? »

Une pointe d’exaspération et Pluie répondit « Tu crois vraiment qu’elle va apparaître ici depuis la Terre ? »

Non bien sur, c’était une façon de demander des nouvelles. Il s’inquiétait. Ils s’étaient tous inquiétés quand ils avaient appris que Rafale revenait mais que Tempête restait sur Terre mais leur principale inquiétude était parce que Rafale ferait le trajet seul. Après, Pluie avait appris par Tempête que c’était faisable car il y avait la possibilité de faire plusieurs haltes sur le parcours tout comme Mutine avait fait et Pluie avait été furieuse. Si Jade avait bien compris, en son temps, elle avait voulu tenter le voyage en solo et elle s’était vue répliquée qu’avec une navette ou un vaisseau, ça réclamait trois jours de voyage ce qui était impossible seul et ils n’avaient rien de plus rapide sous la main. Jamais personne ne lui avait parlé de ces escales potentielles. Bref, une humeur massacrante avait plané au dessus de sa tête et de celles des autres pendant deux jours. Personne n’avait relevé le véritable problème : la pauvre Tempête se retrouvait seule, sur un monde hostile. Devant cette remarque Pluie avait ricané que Tempête était un monde hostile à elle seule, toujours vexée à cause de cette information manquante. Jade n’avait pas été convaincu, c’est Rafale qui aurait dû rester. C’était son problème. Ambre, toujours pragmatique, lui avait fait remarquer que Rafale ne connaissait ni la langue ni les coutumes Terrienne et que Tempête se débrouillerait mieux. Pluie avait pouffé, sans qu’il puisse savoir pourquoi, et Ambre avait ajouté que l’approche des Maÿcentres était la partie la plus dangereuse et que Rafale était le seul à pouvoir l’effectuer sans risque. Alors il n’avait qu’à revenir tous les deux ! Pourquoi Tempête avait-elle tenu à rester là-bas ?

Pavillon Eysky : Résidence de Marcus Substance

La goutte d’eau qui faisait déborder le vase.

Accalmie donna un coup sur le bol sur la table qui tourna telle une toupie avant de s’écraser au sol. Sa patience avait des limites. Il avait intitulé le jeu qu’il jouait avec Marcus : devine qui je suis. Il était seul, désespéré, ayant nul part où aller et il avait rencontré Marcus. Il le connaissait de réputation, par Grésil surtout mais il ne s’attendait pas à ce qu’il venait de découvrir. Marcus lui avait proposé de passer chez lui. Il avait accepté, trop intrigué pour refuser.

Marcus regardait ce qui restait du bol sur le sol. Bas les masques hurla presque Accalmie, « je sais qui vous êtes. » Marcus souleva légèrement la tête et haussa un sourcil. « Et qui suis-je ?»

Accalmie allait répondre et se ravisa « je n’en sais rien mais vous allez me le dire » Marcus se mit à rire et Accalmie se fâcha plus fort en le pointant du doigt. « Il y avait près de chez moi une vieille maison où vivait par intermittente un homme que je respectais. Vous êtes plus jeune, vous ne lui ressemblez pas physiquement mais d’une façon dont je ne m’explique pas, vous êtes lui. »

Marcus se laissa aller sur sa chaise. Accalmie perçut sa surprise mais le simple fait qu’il ne réponde pas à sa question prouvait que Marcus était autre chose que le sculpteur qu’il prétendait être.

Accalmie pensa qu’il obtiendrait une réponse voyant Marcus se décider à ouvrir la bouche mais ses paroles n’étaient pas pour le satisfaire : « où était cette maison avec un moi qui n’était pas moi ? » demanda-t-il

« Vous le savez très bien

- Sur Plume ?

- Non sur Terre

- Un Adarii qui vient de la Terre ?» d’accord, il voulait le prendre en faute

« Je ne suis pas Adarii

- Vous êtes quoi ?

- Je… . » Mais c’est qu’il retournait l’interrogatoire ce vieux schnock qui avait perdu 40 ans « Vous, qui êtes-vous ?

- Juste un homme qui tente de comprendre ».

Accalmie se leva pointant un doigt accusateur sur Marcus. « Je vous avais fait confiance. Vous avez tenté de me duper.

- J’avoue avoir sous estimé tes compétences.

- Suffit la flatterie, me direz-vous qui vous êtes vraiment ou, qu’est ce que vous êtes ?

- Je peux faire mieux, je peux te dire qui tu es. »

Accalmie tomba littéralement sur sa chaise

Marcus lui resservit un autre thé dans une nouvelle tasse, disparut dans une pièce adjacente et revint avec une coupelle de biscuits. « Gateau ? » lui dit-il en tendant la boite

Ambassade de Saphir Plume

« Alors ?

- Ca se tasse. » Jade hésitait. Il finit par s’approcher et tendre une mèche de cheveux que Rafale accepta sans un mot. Il devrait s’expliquer, il les avait abandonné en territoire ennemi sans plus se préoccuper de leur sort mais que pourrait-il dire ? Je suis désolé, je n’ai pas réfléchis. Oui, il devrait le leur dire. Un jour, quand il en aurait le courage. En attendant, il devait reprendre la situation en main. Glace avait profité de son absence pour souffler ses directives. Rafale ne pouvait le lui reprocher mais il n’était pas d’accord avec sa façon de voir les choses. En particulier à propos de Dyasella. Rafale se méfiait de cette fille. Jade avait repris expliquant que la foule s’était peu à peu tarie et que la garde avait repris le contrôle du funiculaire. Il restait quelques curieux qui tournaient autour de la villa, mais rien de bien méchant. De toute façon, les risques ne venaient pas d’en bas, ils venaient plutôt du bâtiment du conseil où les conseillers étaient moins enthousiastes de leur retour. C’est que, sans même lever le petit doigt, ils avaient pratiquement soulevé une guerre civile alors que les citoyens de la confédération avaient horreur de la moindre agitation. Pluie surveillait les conseillers grâce au matériel de Synshy. Elle était peu loquace sur le sujet se contentant de dire : « ça va ». Il devra surveiller ça par lui-même quand il aura dormi. Tempête avait raison, c’était de la folie de revenir seul. Il ne s’était permis de dormir qu’une fois, quelques heures, dans un des paramètres jugés sûr par Tempête. Elle ne voulait pas le laisser seul mais lui, refusait de perdre du temps. Il fallait retrouver ce Thibault au plus vite. Il voulait le faire lui-même, c’était sa vengeance mais il n’avait pas les connaissances nécessaires. Il avait refusé de laisser Tempête, il voulait aller avec elle. Elle l’avait pourtant convaincu de revenir, mais uniquement pour Mutine. Elle lui avait dit : D’accord, on cherche Thibault ensemble et on laisse le corps de Mutine aux insectes de ce monde hostile. Il ne pouvait l’accepter. Elle aurait droit à un rituel suivant les règles et au cœur d’une villa Adarii même si c’était sur les Maÿcentres. Durant le trajet, il avait réalisé qu’il ne pouvait en être autrement, sa place était parmi les siens. Il avait commencé cette mission avec eux. Il ne pouvait les laisser tomber. Il n’avait plus qu’à espérer que Tempête obéisse en se contentant de retrouver Thibaut sans se faire remarquer. Jade était sorti après avoir fini son rapport et Grésil était entrée. Il l’avait à peine aperçu depuis son retour. Sa mère avait raison, elle grandissait. Elle s’était lancée dans une tirade sans fin sur la façon dont elle avait réussi à tenir à l’écart les troupes des Maÿcentres, sa vie chez la Syhy, Marcus Substance qui lui avait appris à sculpter et qui croyait à Onirique Rafale la coupa, ça ne faisait que le culpabiliser d’avantage de l’avoir laissée. Il prit une grande inspiration. Il avait eu le temps du voyage pour tourner et retourner toutes les hypothèses dans sa tête. Il était prêt à tout accepter, même ce qu’il avait devant les yeux depuis des années mais qu’il se refusait d’admettre. Le problème est que, s’il avait raison, les mondes extérieurs ne seraient qu’un soucis mineurs par rapport à ce qui les attendait. Il repensa encore à Mutine et à cette aura qui entourait sa mort. Les fabulations de Grésil lui semblaient moins extravagantes dans ce contexte. Et si ces histoires d’Onirique étaient autre chose qu’une fabulation d’enfant ?

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