lundi 21 janvier 2008

AP : 5. Plaisir : Chapitre 10

10

"Si on respecte toutes les règles, on gâche tout le plaisir."

Katharine Hepburn

Terre : Paris

Thibault frappa à la porte de la chambre de Tempête. Il était venu plus tôt mais elle était absente. Il ferait mieux de filer d’ici, de trouver une nouvelle identité, vivre en dehors de toute civilisation dans un temple Tibétain ou un truc du genre. Méditation, contemplation, harmonie des shakras et autres bobards. Ou alors il se débarrassait de Tempête, après tout il n’avait aucune raison de tenir sa part du marché. Elle voulait qu’il l’aide à trouver des renseignements sur les Néfilms voire, retrouver Ninhoursha en personne. Lui ne voulait surtout pas la retrouver. Tempête lui avait dit qu’en échange, ils libéraient Mike et qu’ensuite il pourrait voir son fils. Parce que, maintenant qu’il était plus puissant qu’eux, ils négociaient. Ils le traitaient tout à fait différemment. Rien que pour ça, il serait resté. Pour cela est parce qu’Onirique le lui avait ordonné et que il avait beau faire son fier avec lui, il n’était pas encore prêt à lui désobéir. Mais il n’était pas fou au point de se frotter de nouveau à Ninoursha. Les Adarii avaient tenu la première partie du contrat, ils avaient libéré Mike. Il s’était approché à peine de lui. Juste de quoi percevoir son soulagement. Mike avait perçu ce contact et avait tenté de s’y accrocher mais avec une telle violence et tant de haine que Thibault avait fui. Il se sentait coupable. Il devait renouer avec Mike, lui expliquer, mais pas comme ça. Quand il serait là, en face à face, ce serait plus facile. Il pourrait s’expliquer calmement. Mike comprendrait. Il le fallait.

Il pourrait partir maintenant. C’était la seule chose raisonnable à faire. Faire faux bond aux Adarii comme eux avaient fait dès qu’ils avaient eu fini de pomper ses informations. Il frappa plus fort à la porte. Il s’appelait Revanche. C’est pour lui qu’il faisait ça.

Nulle part

Le château disparut, ses murs se désagrégeant en des millions de petits carrés qui se dispersèrent au vent. Grésil avait gardé sa robe de princesse mais Chiffre et son armure de chevalier se décomposèrent à leur tour. La petite fille fit quelques pas dans l’herbe verte et d’une pensée transforma sa robe en quelque chose de plus confortable. « Onirique ? » appela-t-elle dans la prairie déserte. Elle aperçut un arbre. Très loin. Elle se dirigea vers lui. Dans les rêves la distance importait peu. Elle y parvint d’une simple pensée. Onirique était là, assis contre l’arbre entouré du parterre de fleur. Grésil avait tant de chose à lui dire et il était resté longtemps absent. Elle lui fit son plus beau sourire mais il ne lui répondit pas. Quelque chose n’allait pas. « Tu es triste Onirique ?

- J’ai perdu quelqu’un. »

Grésil ne savait que dire, elle ignorait si ses mots avaient le même sens que pour elle « tu veux dire que tu ne sais pas où il est ?

- Où elle est. C’est une amie. Et c’est plus complexe que ça.

- Elle est morte ?

- Non, emprisonnée je crois. Dans un lieu que je ne peux atteindre. Elle a peur. Si peur qu’elle n’arrive pas à s’approcher de moi et que je ne peux la toucher même dans ses rêves »

Grésil s’assit à coté de son ami. Il avait vieilli ou du moins il avait pris l’apparence de quelqu’un de l’age de sa mère et était aussi sérieux qu’un adulte. Il se tourna vers elle. Et un miroir apparut devant elle revoyant l’image d’une jeune fille bien plus grande qu’elle ne l’était en réalité. « Tu as grandi Grésil. C’est le miroir qui a raison. Tu t’imagines encore comme une toute petite fille mais Sempiternelle ne te fera pas ce cadeau. Pourquoi n’acceptes-tu pas de grandir ? »

Grésil se recroquevilla. « Je ne sais pas. Je n’en vois pas l’intérêt. Chiffre est parti tu sais ? » Ce n’était pas le terme exact il était toujours là. Elle voulait dire qu’il s’était éloigné. Chez Dyasella, ils étaient toujours ensemble. Maintenant il vivait dans la maison des domestiques. Il avait ramené tous les exilés de Plume et sans doute car c’était lui qui leur avait appris le retour de leur protecteur, il était presque devenu leur mascotte. Du coup, il s’était éloigné d’elle gardant une distance respectueuse qu’elle avait du mal à supporter.

« Il grandit » dit Onirique « et si tu restes petite fille, il s’éloignera encore plus de toi ». Elle acquiesça juste pour le faire taire. Elle regarda encore son reflet. Elle se reconnaissait maintenant.

« Rafale voudrait te voir »

Onirique émit un léger rictus. « Il ne croit pas en moi.

- Je crois qu’il change d’avis. Il m’a parlé de beaucoup de chose. »

Onirique ne voyait aucun intérêt dans les paroles de Grésil. Comme si l’Annunaki Rafale ne représentait rien pour lui. « Tu pourrais peut-être le voir dans ses rêves. Il m’a dit qu’il croyait en toi » insista Grésil sans plus de succès. « Il pense que tu pourrais l’aider.

- Je ne suis qu’un rêve Grésil » répondit-il mécaniquement comme il disait toujours quand il ne voulait pas s’impliquer.

Grésil décida de tenter une autre tactique « Il m’a parlé des Néfilims »

Onirique réagit enfin et pour la première fois, Grésil sentit ses émotions. De l’inquiétude, beaucoup d’inquiétudes.

« Ne prononce plus jamais ce mot là Grésil. Pas ici »

Le comportement d’Onirique était disproportionné. « Tu es des leurs ? » Demanda-t-elle encore.

« Quoi ! »

- Je te demande si tu es un Néfilm ? »

Onirique se décomposa tellement qu’il en devint presque transparent et que les fleurs fanaient à ses pieds. « Non » s’indigna-t-il « bien sur que non »

Ce n’était pas prévu ça. Grésil ne comprenait plus rien. Il n’avait pas à paniquer ainsi.

L’image d’Onirique reprit un peu plus de forme. Il regardait en tout sens comme s’il risquait d’être surpris : « Je ne suis qu’un esclave » se décida-t-il à dire « un simple esclave. ».

Grésil ne s’attendait pas à cela. Onirique était le plus puissant de tous. Peut-être même plus que Rafale. Il pouvait contacter l’univers entier dans les rêves et il dénigrait même Maître Matinée. Il ne pouvait pas être si peu.

« Tu es un esclave des Néfilms ?

- Ne prononce pas ce nom » supplia encore Onirique « Maître Vérité risque d’entendre et Maître Origine…

Vérité et Origine, ils sont » Grésil hésita « ce qu’il ne faut pas dire ? »

Onirique ne répondit pas. « Fuis Grésil. Dépêche toi. Va-t-en, réveilles-toi »

Onirique disparut la laissant seul. Elle eut le temps d’apercevoir un grand corbeau noir qui la fixait d’un œil cerné de rouge, les paroles d’onirique faisaient encore écho dans sa tête. « Réveilles-toi Grésil ». Et tout disparut

Vengeance : Arsalata

« Votre dernière création ? » Accalmie désignait une robe si fine qu’on aurait dit une toile d’araignée. Elle en avait même la couleur. Comme une toile enrobée de rosée matinale. « C’est fait en quoi » ajouta-t-il plus pour parler que par réel intérêt.

« Je suis le maître Substance. Je dirige ce qui est matière et tout est matière. Quel importance d’appeler soie, lin ou coton, c’est pareil. De même les rochers, les feuilles, les animaux, toi. La base est la même, la matière. »

Bien. Aujourd’hui il allait le comparer à une feuille. Voila qu’on avançait sérieusement dans ses questionnements pensa-t-il avec ironie. Accalmie était incapable de cerner quand Marcus était sérieux ou quand il parlait par métaphore. De toute façon avec Marcus, c’était soit : attends et tu comprendras soit de grands discours métaphoriques totalement incompréhensibles. « Je perçois tout de même quelques différence entre une feuille et moi.

- Parce que tu restes cloisonné à tes sens. La seule différence, c’est ton esprit et la vie qui t’anime. Pourtant, sur Terre, la science commence à appréhender tout cela. Les molécules, les atomes. Au niveau visuel la diversité est immense. Formes, couleurs, textures. Déjà au niveau du tableau périodiques des éléments, les structures de bases se font plus rares et au niveaux atomiques, nous ne retrouvons que trois bases : protons, neutron, électron. Plus nous descendons dans l’infiniment petit moins la diversité est importante et si nous allons encore plus loin, il ne reste que trois choses pour créer un univers : la matière, l’énergie, l’esprit »

Oui. Il pouvait le comprendre. Il ne voyait pas du tout l’intérêt mais il comprenait. « En tout cas, c’est très joli » dit-il pour mettre fin à ce sujet inutile

Marcus sourit et parut dix ans de moins « je suis un homme, ou tout au moins, j’en ai l’apparence. Ce que j’admire n’est pas la robe mais celle qui la porte »

Accalmie accepta avec connivence mais se renfrogna. Il n’avait pas vu d’autres filles que cette petite sauvageonne dans les bois. « Serait-elle brune avec des reflets dorés dans les cheveux, des taches de rousseur et des yeux verts ?

Les yeux de Marcus pétillèrent « Tu as fait la connaissance de Chance ?

Il secoua la tête « j’ai entre aperçu une petite sauvage »

Le sourire s’effaça sur le visage du vieil homme qui reprit dix ans « il lui faut du temps. Elle revient de loin. Comment la trouves-tu ? »

Accalmie n’aimait pas ce genre de question. Il avait l’impression qu’il lui demandait de juger un vêtement ou une sculpture « je l’ai à peine aperçue » éluda-t-il.

« Mais n’est-elle pas splendide ? »

Accalmie s’offusqua plus du sentiment de fierté de Marcus que de ses paroles. « Vous en parlez comme de vos travaux » Il s’arrêta ne pouvant accepter ce qu’il lui venait l’esprit, rejeta son idée mais ne put s’empêcher de demander tout de même « la fille » dit-il « vous ne l’avez tout de même pas fabriquée ? »

Marcus se mit à rire à gorge déployée. Accalmie se sentit bête d’avoir pu penser quelque chose de si stupide. « Voyons Accalmie, tu ne m’écoutes pas. Un être vivant, c’est autre chose qu’un assemblage de matière. Il y a aussi une étincelle de vie, un esprit et ça, je ne peux le créer. » Oui, Accalmie se sentait bête mais rassuré aussi. L’étendu des pouvoirs du vieil homme l’inquiétait. Il avait repris sa robe et étudiait les moindres détails à la lumière cherchant sans doute la moindre imperfection. « Non » soupira-t-il « Chance existe depuis longtemps. Je me suis contenté de l’attraper et de l’enfermer dans ce corps car j’en ai besoin pour quelques affaires. La chance est plus facile à saisir qu’un rêve

Ambassade de Saphir-Plume

Grésil se faufila pour éviter sa mère. Cette dernière passa juste à coté d’elle sans même sentir sa présence. Elle en ressentit un grand sentiment de victoire. Après tout grandir n’était pas si mal. Plus jeune, elle aurait été très excitée de ce qui l’attendait et du rôle important qu’on lui confiait. Maintenant, elle avait vécu tant d’expériences que ça lui paraissait moins extraordinaire. Elle devenait déjà blasée. Elle se faufila jusqu’à la chambre de Rafale, entra sans s’annoncer, et referma la porte derrière elle. « Ta mère te cherche, tu vas la mettre en retard » dit ce dernier sans lever la tête de son jeu d’assauts. Il était très important qu’elle parle à son frère et lui s’attachait à de tels détails. « Je dois te parler.

- Grésil, tu dois te forcer à me joindre par télépathie, je sais que tu en es capable et je voudrais bien que tu restes lié à moi, surtout si tu pars. »

Il y avait certaines choses qu’il n’était pas possible d’évoquer sinon en face à face, tout doucement en espérant que ça suffise. Elle se faufila sans un bruit jusqu’à son frère. « Maman est fâchée, elle ne veut pas aller sur Terre.

- Elle fera ce que je lui dirais. C’est ça la chose si importante dont tu devais m’entretenir ?»

Grésil leva les yeux au ciel. Décidemment, personne ne la comprenait ici. « Non, il s’agit de la mission que tu m’as confiée, au sujet d’Onirique. Elle lui raconta son entretien avec Onirique. Qu’il avait perdu quelqu’un, qu’elle lui avait parlé des Néfilims, qu’il s’était affolé, qu’elle avait vu un oiseau noir et n’oublia pas d’évoquer sa condition d’esclave. Rafale se décida enfin à lui accorder toute l’attention qu’elle méritait.

« Et tu penses que cet Origine et Vérité sont Néfilim ? »

Grésil lui dit qu’elle l’ignorait mais qu’elle avait plusieurs fois entendu Onirique les évoquer. C’était inutile qu’elle en dise plus. Rafale le savait déjà. Il repensait aux discours du vieux Brouillard et des pictogrammes qu’il avait gravé sur sa villa. Le début ou l’Origine. La vérité ou l’esprit. Ca correspondait. La matière ou Substance pour Marcus Substance et le Plaisir ou Désir pour la Ninoursha dont Thibault avait parlé à Tempête. Il avait les quatre. En tout cas les quatre plus important. Il y en avait peut-être d’autres. Grésil était toujours près de lui. Elle attendait la suite. « Tu crois que tu peux retrouver Onirique ? »

Grésil fit non de la tête et lui rappela que c’était toujours lui qui venait à elle et qu’elle ne savait pas comment le joindre. En plus, vu comme il s’était affolé, il risquait de ne plus venir. Elle avait dit ça d’une petite voix. Elle s’inquiétait pour son ami. Elle avait sans doute raison. Si c’était un esclave et qu’il désobéissait en ayant des contacts avec Grésil, Rafale ignorait ce que ses maîtres pouvaient lui faire. Il réalisa que ça pouvait même être dangereux pour Grésil. Rafale prit une grande inspiration pour mettre ses craintes de coté avant que Grésil ne le sente. Elle avait beau le nier, son empathie se développait. Si même rêver devenait dangereux… Il fallait absolument en savoir plus. « Grésil » dit-il « tu dois joindre Accalmie » Outre les besoins qu’il en avait, il y avait de forte chance qu’il soit avec Substance.

« Je n’y arrive pas » répéta-t-elle encore.

Motivation pensa encore Rafale, Grésil serait capable de soulever l’univers pour une friandise si elle en avait envie mais si elle ne comprenait pas l’intérêt d’une action, elle n’arrivait à rien.

« Mais si c’est pour trouver le Syhï Substance » ajouta-t-elle « je sais qu’Umia avait moyen de communiquer avec lui ».

Rafale eut un hoquet de surprise et se prit à sourire. Enfin quelque chose de facile


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