mardi 8 janvier 2008

AP : 4. Réalité : Chapitre 5

5

Pour vivre heureux, vivons cachés... des réalités.

[Vivien Bourrié]


Maÿcentres : Colline du conseil

Dya s’avançait à tâtons dans la pénombre des caves du palais présidentiel. Après la lumière extérieure, la faible luminescence des murs n’était pas suffisante pour donner une clarté décente. C’était un vrai labyrinthe s’étalant sur deux étages de caves. Les murs de pierres étaient froids. Elle détestait cette bâtisse. Le président n’aurait pas dû se l’approprier, il aurait dû la raser. Tout le gratin de Vengeance et des Maÿcentres s’extasiaient devant cette merveille mais, elle n’était pas dupe, ces murs suintaient quelque chose de mauvais. Rien ici n’était naturel, ca empestait la sorcellerie d’un autre monde. Elle était arrivée au cœur des caves. Une grosse porte métallique avait été aménagée par ses soins. Elle glissa son plateau par une petite fente avant de la refermer promptement ne laissant que la grille d’aération.

Nul bruit, nul mouvement. Dya retint son souffle puis elle entendit le plateau glisser à l’intérieur et un couvercle métallique qu’on soulevait. Elle eut un geste de recul malgré la porte épaisse. Elle attrapa une chaise qui l’attendait et s’assit.

Une voix s’éleva venue de l’autre coté, dure et froide « C’est pas trop tôt, ca fait trois jours que je n’ai pas mangé. »

Dya ébaucha un rictus. « Trois jours, que me voila confuse, aurais-je mal calculé le nombre de rations dont vous aviez besoin ? » Elle avait très bien calculé. D’ailleurs, depuis plusieurs jours, elle se délectait en pensant que prisonnier attendait sans savoir si il allait ou non mourir de faim. Il avait beau garder un ton détaché, elle n’était pas dupe. Il devait souffrir. Mais pas encore assez au regard de ce que les siens lui avait fait voir, la traitant comme une moins que rien, elle Dya, l’assistante du président. Oui, la vengeance était encore faible.

« Je voudrais de l’eau aussi ».

Dya jeta un œil à la bouteille qu’elle avait apportée puis se tourna vers la porte. « Après quelques questions peut-être. Quels liens y a-t-il entre Mike Gentry, Hélène Giolani et Thibault Malta ?

- Aucun ».

Dya ne se démonta pas.

« Et quels liens entre ces trois personnes et vous ?

- Mike est mon père adoptif et Hélène ma mère. Je ne connais pas de Thibault. »

Dya ne supportait pas qu’on se paie sa tête, elle se mit à hurler. « Je sais tout de vous, en particulier que vous avez été aperçu en compagnie de Thibault Malta dans un endroit où, ni vous, ni lui n’avait à vous trouver. Que faisiez-vous là-bas ?

- Du tourisme. »

Dya inspira profondément. La colère est l’arme des faibles.

« Qui est Marcus Substance ?

- Jamais entendu parler. »

Maîtriser sa colère rend plus fort. « Pourquoi étiez-vous sur Terre ?

- Je suis originaire de la Terre et vous n’avez pas le droit de me retenir ici. »

Dya attrapa la bouteille d’eau et la brisa violement contre la porte.

« Faites passer ce message à vos semblables. Je les détruirais tous, vous entendez, tous. Je les massacrerais de mes mains et je commencerais par vous.

La chaleur du jour calma les nerfs de Dya. Petit à petit ses tremblements diminuèrent. Il se fichait d’elle, elle lui ferait payer. Il était en son pouvoir, il ne pouvait la narguer ainsi. Un frisson d’angoisse la parcourut. Elle s’était laissée emporter par la colère, elle avait été trop loin dans son discours. Et si les autres revenaient ? La puissance de la confédération du cercle était immense, ils ne pourraient rien faire, qu’ils viennent et ils seraient écrasés. Une petite voix murmura à la limite de sa conscience. Le président avait dit cela aussi avant de chercher à prendre le pouvoir sur Plume et il a été vaincu. Elle repoussa cette éventualité. Les Maÿcentres n’avaient rien à craindre de la primitive Plume ni de leurs sorciers barbares.

Maÿcentres : Colline du conseil

Accalmie se redressa dans sa cellule faisant quelques pas pour se dégourdir les jambes puis tomba à genoux. Il était de plus en plus faible. Il prit une gorgée d’eau de sa dernière bouteille. Il avait bluffé en faisant croire qu’il n’avait plus d’eau. De même pour la nourriture, il avait pris soin de se rationner, mais ses réserves ne tiendraient sans doute pas longtemps. Il avait cessé de compter les jours quand sa montre s’était arrêtée. Dans cette semi obscurité permanente, comment distinguer la nuit du jour ?

Encore une fois il se maudit de l’impulsion irraisonnée qui l’avait conduit ici. La femme avec sa voix de crécelle semblait persuadée qu’il faisait partie d’ un réseau d’espionnage. Qu’elle pense ce qu’elle veut, il en avait cure mais qu’elle ne mêle pas ses parents à ça. Pitié, pas ses parents. Et Thibault ? Comment avait-elle trouvé sa trace ? Ha si, elle l’avait dit, ils avaient été vus ensemble. Elle avait parlé de quelqu’un d’autre. Substance, Marcus Substance. Il avait déjà entendu parler de lui par Thibault mais impossible de se souvenir dans quel contexte. Il fallait qu’il sorte d’ici. Encore une fois, il martela les murs, cherchant une faille, n’importe quoi, griffant l’acier qui recouvrait les murs. Il s’accroupit sur la paillasse qui lui servait de lit et reprit l’activité qui lui prenait tout son temps. Il cherchait quelqu’un.

Plume : Taegaïan

Réalité était assise à l’ombre du manguier dont les ramures couvraient la quasi-totalité de son petit jardin privatif. En Cashir, personne n’avait de jardin pour lui seul et ici, c’était réservé à la haute société tout comme sur les Maÿcentres. Quand elle avait découvert ce concept, elle avait trouvé qu’il n’avait aucun sens. En Cashir, le jardin était un lieu de rencontre, de discussion avec les voisins, d’échange de services. Jamais elle n’aurait voulu s’isoler ainsi. Pourtant, maintenant, elle était contente d’avoir ce petit coin à l’abri du regard grâce aux falaises et à des hautes haies de lauriers roses. Elle s’était déjà fait la remarque que si quelqu’un grimpait le long de la falaise, du sommet, il pourrait l’apercevoir. Jamais, elle n’avait vu personne là-haut mais elle avait tout de même déplacé son sofa un peu plus sous les branches pour être parfaitement invisible. Elle ne voulait voir personne. En tout cas personne venant des territoires Adarii. Elle les détestait tous autant qu’ils étaient. Leur sourire, leur joie de vivre, alors qu’ils n’étaient que des esclaves, trop bêtes ne fut-ce que pour s’en rendre compte. Elle tira le drap, dans lequel elle s’était enroulée, au-dessus de sa tête. La luminosité devenait trop forte. Il serait tant qu’elle se lève mais elle n’en avait ni l’envie, ni le courage. Elle avait tiré ce sofa dans le jardin pour profiter de la fraîcheur du soir mais bien vite, elle s’était installée à dormir là. Il n’y avait pas suffisamment d’air à l’intérieur. La chaleur du jour s’accumulait dans le pavillon et la nuit, c’était étouffant. Dehors, elle dormait mieux. A travers le drap, elle discernait quelques ombres en mouvement, des branches qui, poussées par le vent, retenaient ou révélaient les rayons du soleil. Le soleil disparut comme prisonnier d’une ombre plus importante. Réalité sortit la tête et poussa un hurlement.

« J’ai entendu dire que les filles de Cashir et des mondes extérieurs étaient bizarres, ce n’était pas exagéré » se contenta de remarquer l’homme assis sur une chaise face à elle.

Il ne devait pas être plus âgé qu’elle mais il émanait de lui cette puissance propre aux Adarii, elle en tremblait encore. Elle se força à se reprendre. Il était hors de question qu’elle lui donne le spectacle d’une loque, incapable de se contenir.

« Par où êtes-vous entré ?

- Par la porte quelle question ? Pourquoi, tu pensais qu’on traversait les murs ? »

Elle secoua la tête, c’était la première chose qui lui était passé par la tête. Loin d’être très intelligents. « Que faites-vous chez moi ? » Elle avait voulu être polie, elle le devait mais elle se rendait bien compte que son exaspération se décelait dans le ton qu’elle avait employé. De toute façon, ca n’avait pas d’importance s’il percevait les émotions ambiantes.

« Chez toi ! Quelle présomption ! Ces terres nous appartiennent et tu devrais nous remercier de mettre cette habitation à ta disposition. Nous aurions pu te laisser dehors. Bien qu’à ce que je vois, ca ne ferait que peu de différences.

- Pourquoi êtes-vous là ?

- J’ai droit à l’interrogatoire » dit-il en souriant s’appuyant tranquillement sur le dossier de sa chaise. « Ma chère cousine Pluie a raison, ton comportement est digne des mondes extérieurs. Eux aussi aiment les interrogatoires futiles et irrespectueux mais tu as de la chance, je suis justement venu pour répondre à tes questions. Commence par aller me chercher à boire, je te répondrais ensuite. »

Réalité hésita. Malgré sa crainte, elle devait montrer qu’elle n’était pas venue au monde dans le but de servir les Adarii. Pourtant, si elle n’obtempérait pas, il risquait de partir en la laissant dans l’ignorance. Et cela, dans le meilleur des cas. Dans le pire, elle préférait ne pas imaginer ce qu’il pourrait lui faire. Elle laissa glisser le drap qui la couvrait, le retenant au dernier moment se rappelant qu’elle ne portait qu’une courte tunique. Le jeune homme sourit face à elle. Il devait sans doute imaginer qu’à force de côtoyer les indigènes des Maÿcentres, elle avait aussi attrapé leur pudeur exagérée. Ce n’était peut-être pas tout à fait faux ou alors sa retenue était-elle due au regard scrutateur qui la fixait, si pénétrant et séduisant aussi. Une sorte de vertige l’envahit. Elle se força à respirer profondément pour vaincre ce malaise qu’elle savait être uniquement le résultat d’une magie qu’elle ne pouvait maîtriser. Elle laissa tomber le drap et se leva en évitant de regarder l’homme qui la suivait toujours des yeux, entra dans la maison, passa un sari autour d’elle, descendit dans la chambre froide et remonta une cruche de jus de fruit.

« Vous pourriez peut-être vous présenter » dit-elle en lui servant à boire.

Le jeune homme sembla s’étonner puis sourit d’une façon qui lui fit peur. « C’est vrai » dit-il enfin, « je manque à tous mes devoirs d’hôte. Je m’appelle Eclaircie. Je suis issu des terres de Taegaïan par ma mère Brume. Par elle aussi, je suis le frère du Maître actuel. Le petit frère » précisa-t-il même si, vu son jeune age, cela semblait évident. « Bien trop petit pour que tu t’inquiètes autant. Je ne suis pas venu pour te faire du mal. »

Il ne cessait de sourire. Elle se demandait pourquoi. Etait-ce juste de la voir si mal à l’aise ou y avait il autre chose ? Elle finit par imaginer une raison mais ce ne devait être que sa paranoïa qui reprenait le dessus pourtant elle ne put s’empêcher d’ajouter.

« Peut-être nous sommes-nous déjà vu ?

Eclaircie se mit à rire. « Certains pensent que tu n’es qu’une petite cruche. Une jolie petite cruche » précisa-t-il. « Parce qu’il faut avouer que ta fuite au milieu du désert était aberrante.

- Ca n’avait rien d’aberrant » hurla-t-elle sans attendre la suite. « Je veux rentrer chez moi, je suis libre. Vous n’avez pas à me retenir ainsi.

- Bien sur, tu es libre de te suicider mais ce serait dommage, les jolies filles sont rares, il faut les préserver. » Tout en disant cela, il s’était approché d’elle, suivant du doigt les contours de son visage. Son cœur s’accéléra et elle se remit à trembler mais elle ne se recula pas. Elle n’en avait plus envie. Elle était attirée comme un papillon découvrant la lumière, belle, brillante, chaude. Celui près de lui aussi brillait d’une aura si forte, son visage parfait, doré par le soleil faisait encore ressortir des yeux clairs et les mèches dorés de ses cheveux, elle aurait presque voulu s’approcher davantage, le toucher même. Il continuait à parler avec douceur.

« En effet, j’ai déjà eu le plaisir de te voir mais tu étais dans un sale état avec une très vilaine cicatrice traversant ton joli minois. Tempête a fait des miracles. C’est une bonne guérisseuse.

- Pourquoi me soigner pour ensuite me retenir prisonnière ?

- Prisonnière ! Invité, je préfère.

- Si j’étais invitée, je pourrais rentrer chez moi.

- Mais voyons, bien sur que tu en as le droit. Attends juste que les tiens viennent te chercher, ce serait plus raisonnable. Nous avons fait passer le message pour qu’en Cashir ils apprennent ta présence parmi nous. Ton père viendra te chercher. »

Réalité sourit enfin. Elle en aurait presque pleuré. « Je pourrais rentrer en Cashir alors ?

- Bien sur, et en attendant ton père, tu devrais en profiter pour visiter les lieux et te faire des amis. Rare sont les extérieurs à avoir eu le privilège d’être invité sur nos terres. Tu es la deuxième. Le premier était le Syhy Eïsky bien avant qu’il ne devienne président.

J’aime te voir sourire ainsi. » Ajouta-t-il la voyant reprendre confiance « Tu es vraiment très belle. »

Il s’approcha encore un peu l’effleurant presque de ses lèvres et elle recula si vite qu’elle tomba de son fauteuil tandis qu’Eclaircie éclatait de rire.

« Ne riez pas ainsi » cria-t-elle en bégayant. « Vous n’avez pas le droit de m’approcher.

- Voyons Réalité, j’ai tous les droits. Tu ne m’empêcheras sûrement pas de rire mais, si tu le désires, je ne m’approcherais plus. Si tu le désires » répéta-t-il en insistant.

Réalité prit encore quelques inspirations pour lutter contre l’attraction qu’elle éprouvait et qui lui faisait peur. Ce n’était pas lui qui l’attirait ainsi, ce n’était pas naturel, ce n’était qu’une illusion de la magie. Elle se sentit plus sûre d’elle.

« Je devine ce que vous essayez de faire. J’ai beau venir de loin, je ne suis pas ignorante. Je sais que les Adarii lisent les pensées quand ils ont un contact physique avec les autres.

- N’exagérons rien, nous en sommes capables mais seuls les adolescents sans formations ne peuvent y résister. On apprend vite à garder une certaine distance mentale même lors d’un contact physique même si je dois admettre que ce n’est pas toujours évident.

- Ca ne change rien. De toute façon, vous n’apprendrez rien ainsi, je ne sais rien qui vous intéresse.

- Je le sais déjà. »

Réalité se rassit sur son sofa. « Vous voulez dire que vous avez déjà sondé mes pensées ? » Cette idée la fit frissonner malgré la chaleur.

Eclaircie recommença à s’approcher d’elle suffisamment pour lui parler à voix basse et de nouveau elle sentit son cœur battre plus vite. « Bien sur » lui souffla-t-il à l’oreille. Les tiennes, celles de tes amis aussi.

« Je… Vous avez sondé mes pensées » répéta-t-elle en tremblant de nouveau. « Vous voulez dire que vous savez tout. » Elle s’arrêta net.

« Tout » répéta Eclaircie à son oreille.

« Même…

- Je sais même que tu as lu le journal de Réalité que possédait ton père oui.

- Et vous allez me le faire oublier ? » Sa voix n’était plus qu’un murmure. Sa gorge était trop nouée pour parler à voix haute.

« Non » dit-il « ce n’est pas grave.

- Mais mon père… »

- Ton père a dû oublier certaines choses, mais il s’agissait d’une autre époque. Nous avions quelques soucis avec les mondes extérieurs et peut-être étions nous un peu, disons paranoïaques. Nous ne pouvions risquer que la cité de Tiyana passe par n’importe quelle main.

- Et vous avez retrouvé Tiyana ?

- Crois-tu que nous aurions vaincu les mondes extérieurs sans elle ?

- Et vous avez le pouvoir de les chasser de Cashir ?

- Sans doute.

- Et vous le ferez ?

- Allez savoir, tu le voudrais ?

- Je voudrais que Cashir soit libre. Nous ne prêterons pas allégeance aux Adarii si c’est ce que vous insinuez.

- Alors, ce sera sans doute moins évident mais ne te préoccupe pas ainsi de tout cela. Profite de la douceur de Taegaïan pour reprendre des forces. Ta guérison t’a épuisée et ton petit voyage dans le désert n’était pas une bonne idée pour une convalescente. Ton père viendra sans doute bientôt te chercher. »

Réalité hocha la tête. La douceur d’Eclaircie l’avait un peu calmée. Il lui souriait. Il était beau. Elle avait l’impression d’être dans du coton, tout doux. Quelque chose frappait pourtant à sa conscience, comme une alerte qui lui disait de ne pas perdre pied, de se raccrocher à la réalité. Quelque chose n’allait pas, ce n’était pas normal. Pourquoi les Adarii attendaient-ils que ses parents débarquent ici ? Ils avaient les moyens de la ramener et ils détestaient avoir des gens de l’extérieur sur leurs terres. Toutes les pièces prenaient place dans son esprit. Le journal de Réalité, les connaissances de son père. Un jour il lui avait parlé d’un code. C’est cela qui l’avait poussé à le lire malgré l’interdiction de son père mais elle n’avait rien trouvé. Son père qui viendrait la chercher. Eclaircie avait bien insisté. Il n’avait pas dit ses parents ou des gens de Cashir. Non, il disait toujours son père viendrait la chercher. Ils voulaient l’attirer ici. Sans doute cette histoire de code. Ses pensées avaient dû le trahir et maintenant ils voulaient l’attirer dans un piège sans doute pour lui soutirer ses découvertes. Et elle avait eu confiance en Eclaircie, elle l’avait cru quand il l’avait rassurée. Elle leva les yeux vers lui. Il la regardait toujours mais il ne souriait plus. Sans doute avait-il perçu le changement de ses émotions.

« Vous voulez attirer mon père dans un piège » siffla-t-elle entre ses dents.

Eclaircie resta un moment interloqué, comme sous le choc puis s’avança de nouveau en souriant.

« Je savais que tu n’étais pas idiote. Tu es très intelligente même. Et ravissante ». La fureur de Réalité l’aida à ne pas retomber sous le charme de l’Adarii. Elle serrait les poings si fort que ses ongles rentraient dans ses paumes mais au moins la douleur l’aidait à garder conscience. Eclaircie s’approcha encore et elle sentit la douceur de ses lèvres sur les siennes, le plus doux baiser qui lui fut accordé et elle succomba fermant une seconde. Quand elle les rouvrit, il avait disparu. Elle se retrouvait seule, assise sur son sofa, hébétée. La matinée était bien avancée et la chaleur devenait difficile à supporter. Le silence était irréel, pesant. Elle était complètement perdue n’arrivant pas à cerner si son invité avait été réel ou s’il ne s’agissait que d’un rêve mais elle ne dormait pas et cette présence avait été trop intense pour être issue de son imagination. Elle avait l’impression de ressentir encore l’attraction et la crainte qu’il exerçait sur elle. Plus forte que tout ce qu’elle avait pu ressentir, si puissant, si effrayant et si doux aussi. Tellement doux. Petit à petit, sa conscience prit le pas sur ses émotions. Ce qui avait été dit lui revint, puis soudain, comme un éclair qui la transpercerait elle reprit conscience de la réalité. Il la gardait pour attirer son père. Il voulait l’attirer dans un piège et elle était l’appât

Terre : Arabie Saoudite

Cyril écrasa sa cigarette et en alluma une autre. Heureusement que dans ce pays, ils n’étaient pas regardant. Thibault ignorait ce qu’il fumait mis ce n’était pas du tabac et c’était suffisamment fort pour l’abrutir. « Un jus d’orange » dit Thibault au serveur en ajoutant en espagnol que en tant que dieu lui-même il devrait avoir droit à une bière. Le serveur ne comprit évidemment pas. « private joke » ajouta-t-il en lui faisant signe de partir s’occuper de sa commande.

Ils avaient retrouvé la terrasse de leur bar habituel où ils se retrouvaient chaque jour. Thibault avait confié ses traductions à Cyril. Il rechignait à s’en séparer mais il ne s’agissait que d’une copie. En plus, c’était traduit en Français et il doutait que Cyril connaisse cette langue.

« Alors ? » dit-il interrogeant Cyril.

Ce dernier hésita et se lança. Je crois que certaines personnes tueraient pour ses traductions. Moi-même j’en aurais été capable il y a quelques années de cela. Maintenant, je ne vois dans ces quelques papiers que l’histoire incomplète d’une personne isolée vivant il y a huit mille ans. Une belle histoire sans doute. Celle d’un homme nommé Onirique qui se sacrifie pour tenter de transmettre à son fils les pouvoirs d’un catalyseur Annunaki »

Alors Cyril avait réussi à déchiffrer sa traduction. Plus Thibault parlait avec Cyril plus il se méfiait de lui. Déjà, il était peu influençable. Thibault avait fini par comprendre que les herbes bizarres qu’il fumait sans cesse y étaient pour quelque chose mais il savait des choses qu’il n’aurait jamais dû savoir. « Tu parles comme si tu en savais plus » remarqua Thibault

« J’en sais beaucoup plus

- Et je suppose que tu ne me le diras pas

- Tu as tort. Si je suis là, c’est pour te parler. »

Thibault ne tenait plus en place « alors parle »

Cyril admira encore la cigarette au bout ses doigts et se décida à parler sans lâcher la fumée des yeux « Je sais qu’à l’origine, il y avait un peuple appelés les Néfilims qui vivaient sur une planète nommée Nibiru. Ce peuple étaient protégés par six Dieux ou du moins entités supérieures. Trois Dieux créateurs : Origine commandant à la vie, Vérité maître de l’esprit et Substance modelant la matière. Sous leurs ordres, il y avait trois entités cosmiques appelé aussi concepts. Il s’agissait de Sampiternelle dirigeant le temps, d’Espace gérant les distances et de Savoir recoupant toutes les connaissances de l’univers. Ce peuple a conquis la Terre il y a quelques centaines de milliers d’années pour prospecter des minerais en particulier l’or. Pour cette mission, Vérité, le Dieu de l’esprit et Substance le Dieu de la matière créèrent 44 catalyseurs renforçant la puissance des Néfilims auxquels ils étaient accordés. Ils nommèrent ces catalyseurs les pierres Annunaki. Substance donna à 44 élus un catalyseur sous forme de pierre ainsi qu’une apparence physique. Le Dieu de l’espace envoya ses élus sur terre dans une ile que vous nommez Madagascar et bientôt les Néfilims portant les catalyseurs prirent le nom d’Annunaki. Les années passèrent mais le travail n’avançait pas assez vite aussi les trois Dieux créateurs se concertèrent afin de créer une nouvelle race pour aider les Néfilims. Les Dieux avaient soignés leur création afin qu’ils aient les capacités d’effectuer leur travail et leur donnèrent en plus la possibilité de se reproduire car ils étaient mortels contrairement aux Néfilims. Ils furent nommés Igigi et Vérité créa pour eux des pierres de faibles intensités accordées à leurs esprits pour les aider dans leur travail. Le travail continua plusieurs milliers d’années mais les Igigis gagnèrent en puissance et se révoltèrent contre leurs conditions de travail aussi les Dieux créateurs créèrent une nouvelles race plus faibles pour les aider et gérer les travaux subalternes. Les Néfilims réunirent ainsi les réserves de métaux dont ils avaient besoins et quittèrent la terre laissant sur place les nouvelles races crées qui ne leur étaient plus utiles. Mais voila que plusieurs milliers d’années plus tard, à force de guerre et de comportements mal adaptés, la planète Nibiru ne fut plus apte à assurer la vie de ses occupants. Des cataclysmes la ravagèrent et son orbite fut déviée rendant toute vie impossible. Les derniers survivants la quittèrent et retournèrent sur Terre. Ils pensaient retrouver la planète tel qu’ils l’avaient laissée mais leurs créations avaient évolué et pris goût à la liberté. Les Igigis et les humains avaient mis en place des civilisations trop développées aux yeux des Néfilims certains ayant même conquis l’espace et crée une colonie su une planète qu’ils avaient nommésConquête. Les Néfilims demandèrent donc aux Dieux créateurs de se débarrasser d’eux mais, dans un premier temps, ils refusèrent. Il y eu donc des guerres et grâce aux catalyseurs, les Néfilims Annunaki prirent le pouvoir sur certaines régions mais ils ne purent s’approprier la planète entière.

L’histoire aurait pu continuer ainsi mais l’impensable se produisit : Il y eut une histoire d’amour entre une Néfilim Annunaki nommée Aangaal et un Igigi et une fille naquit de cette union. Cette fille grandit, séduit un autre Néfilim nommé Eshdarii et tomba enceinte à son tour. Pour les Dieux créateurs Origine et Vérité, c’était inadmissible. Les Néfilims Annunaki étaient puissants mais ne devaient pas être capable de se reproduire. Les Dieux créateurs Origine et Vérité prirent peur car ils imaginaient leur suprématie mise en déroute par cette nouvelle race hybride et il décidèrent de détruire les Annunaki devenu trop puissant ainsi que leur création en les noyant dans un déluge ne gardant que quelques Néfilims qui leur étaient fidèles. Les Annunaki furent décimés. Les Néfilims restés fidèles aux Dieux survécurent ainsi que quelques Igigis et humains mais si faibles que les Dieux ne les considérèrent plus comme une menace. Voyant le résultat, le Dieu Substance avec la complicité d’Espace, le gardien de la distance et de Sampiternelle la gardienne du temps récupéra quelques survivants qu’il envoya sur Saphir où ils fondèrent une nouvelle civilisation loin des regards d’Origine et Vérité. Les Igigis prirent le nom d’Adarii. Substance sauva aussi la fille qui n’aurait jamais dû naître, hybride d’un Néfilim Annunaki et d’un Igigi en la faisant disparaître dans le temps grâce aux pouvoirs de Sampiternelle

Les années passèrent, de nouvelles civilisations se créèrent sur Terre mais trop faibles pour inquiéter Origine et Vérité et gêner les Néfilims occupant la Terre. Petit à petit, les diex créateurs se désintéressèrent de la Terre et des quelques survivants Néfilims. Remarquant que leurs occupations étaient ailleurs, le Dieux Substance demanda à Sampiternelle de relâcher la fille hybride. Elle se retrouva sur Terre, huit mille ans plus tard alors que pour elle un seul instant s’était écoulé. Le choc lui fit perdre la raison. Elle accoucha de jumeaux et disparut. »

« Cyril prit une nouvelle cigarette et aspira une première bouffée.

Thibault restait silencieux accroché au récit de Cyril ne pouvant ni y croire ni ne pas y croire. « Je descends des Néfilims » se décida-t-il à dire

« Si je pense que vous êtes capables de m’aider, ce n’est pas sans raison »

Thibault se recula. Il avait toujours eu un complexe d’infériorité vis-à-vis des Adarii. Il apprenait que non seulement il avait du sang Adarii mais plus encore, il descendait d’un peuple encore plus puissant. C’était très satisfaisant pour son égo mais il se refusa à se réjouir trop vite de peur d’être déçu. « Comment pourrais-tu savoir tout cela ?

Cyril souffla un nuage de fumée « Savoir» dit-il Ne trouvant aucun moyen de sortir Cashir de la situation, j’ai été jusqu’au territoire Adarii pour leur demander de l’aide. Ne l’ayant pas obtenu, j’ai invoqué le concept de Savoir, cette entité qui faisait partie des 6 premiers Dieux. C’est lui qui m’a fait savoir que tu serais dans le désert, c’est lui qui m’a dit de te dire ce que je t’ai révélé et c’est Espace qui m’a transporté sur Terre

Les yeux de Thibault brillèrent de cupidité. Invoquer la connaissance, tout savoir, tout connaître. Il lui fallait absolument ce pouvoir et Cyril allait le lui donner sur un plateau. Il allait demander des éclaircissements mais s’arrêta net percevant quelque chose de bizarre. Il était repéré. Il ignorait par qui et pourquoi mais quelqu’un le cherchait et pas pour lui annoncer qu’il avait gagné au loto. Il aperçut plusieurs hommes au bar et le tenancier le désigna du doigt. Merde songea-t-il, pas maintenant. Il comptabilisa mentalement trop de monde. « On se casse » dit Thibault et joignant le geste à la parole, il fila par derrière

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