lundi 21 janvier 2008

AP : 5. Plaisir : Chapitre 9

9

Tout mortel au plaisir a dû son existence ; par lui le corps agit, le cœur sent, l’esprit pense

Voltaire

Terre : France : Paris

« Elle s’appelle Ninoursha mais elle écrit son nom avec le pictogramme que vous utilisez pour le concept de plaisir. Elle ne semble agir que pour satisfaire son plaisir immédiat sans aucune structure ni aucune prévision. Enfin, c’est l’impression qu’elle m’a donnée. Ca la rend complètement imprévisible. Je ne pourrais pas dire pourquoi elle a tué la fille, sans doute juste sous l’impulsion du moment. Quand j’ai vu ça, j’ai paniqué mais je n’ai rien osé faire. Elle avait commencé par me séduire et me promettre la lune pour ensuite me considérer comme un objet servant à faire la basse besogne. Dès que je l’ai vu tuer la fille, j’ai su que je devais me tirer au plus vite et, pendant la nuit, j’ai pris mes affaire et j’ai filé. J’étais persuadé qu’elle me rattraperait. Je ne sais même pas si elle essaie. A moins qu’elle ne me laisse un peu d’avance pour que la traque soit plus amusante. »

Tempête n’avait pas eu la moindre réaction. Elle suçait la sauce qui avait coulé le long d’un de ses doigts. Durant la semaine où il avait remarqué qu’elle le suivait, il s’était dit : quand elle se décidera à m’aborder, je l’emmènerais manger chez Maxim’s. Du moins, s’ils ne s’étaient pas entretués avant. Il avait d’abord pensé au train bleu mais, quelque soit sa réputation, ce n’était qu’un restaurant de gare puis au restaurant de la tour Eiffel mais ce monument avait quelque chose de trop populaire et les Adarii n’aiment que la pierre. Tempête méritait ce qu’il y avait de mieux. Il avait fini par lui proposer de marcher un peu et avait quitté les grandes avenues touristiques pour se perdre au hasard de ruelles moins tape à l’œil mais dont l’ambiance convenait mieux à son état d’esprit et ils avaient fini dans un tout petit restaurant marocain connu sans doute uniquement par quelques arabes du quartier pour manger un kebab. Pour une fois qu’il n’était pas avec une fille qui se laisserait impressionner et jouerait la mijaurée devant un étalage de richesse, il n’avait plus envie de jouer les grands seigneurs. Il souhaitait juste être Thibault. Un type qu’il commençait presque à oublier à force de paraître. Certains hommes avaient faits quelques réflexions en reluquant la jolie femme qui l’accompagnait. Il n’avait pas apprécié autant leurs paroles que leurs regards lubriques un peu inquiet et les sentiments qui allaient avec. Que lui, se permette de tels comportements, c’était une chose mais Tempête avait beau être une peste, elle méritait un certain respect de la part des autres. Elle ne semblait pas gênée. Déjà, elle ne comprenait pas l’arabe. Il valait mieux. Ils avaient commencé à se parler en Espagnol, sans doute parce que c’était la langue qu’ils avaient utilisée quand ils s’étaient rencontrés au pérou. Il continua de même. C’était plus discret.

Il se pencha vers Tempête toujours concentrée sur ses frites « Ninoursha » lui dit-il « elle est Néfilim »

Toujours pas de réaction. Ca voulait dire quoi ça ? Qu’elle ne voyait pas de quoi il parlait ou qu’elle connaissait cette civilisation et n’en était pas étonnée. Il en avait marre de la voir ainsi. Il préférait encore qu’elle lui saute à la gorge comme elle savait si bien le faire. Il décida d’y aller franchement « Tu les connais ? »

Elle ne leva même pas les yeux pour répondre, comme s’il n’en valait pas la peine. « Les Néfilms. Je crois qu’ils viennent de la dernière planète du système solaire, celle que les peuples de Sumer appelait Nibiru que Vengeance nomme Ellipse à cause de sa trajectoire elliptique et que la Terre semble avoir oubliée au fur et à mesure que sa trajectoire si spéciale l’éloignait d’ici »

Oui, elle en savait beaucoup. Il en était arrivé aux mêmes conclusions mais sans savoir que Vengeance avait déjà répertorié ce monde. Voila qui corroborait ses recherches.

« Mais ce caillou n’est qu’un désert glacé plongé dans l’obscurité » continuait Tempête. Si un jour il y a vraiment eu une civilisation, son éloignement du soleil a tout couvert de glace. J’avais émis l’hypothèse que la proximité de cette planète avait pu provoquer certains cataclysmes qui auraient mis fin aux anciennes civilisations »

Thibault reprit sans attendre. « C’est le cas, mais les Néfilms ont un peu aidé »

Tempête approuvait comme si il venait enfin de soulever quelque chose de nouveau ou peut-être parce que ça concordait avec ses idées. Il continua « on les retrouve ensuite dans la religion Sumérienne. Ils se faisaient passer pour des Dieux afin de réduire les hommes à un pseudo esclavage et leur faire extraire divers minerais dont j’ignore l’utilité. Cyril lui avait dit que les maîtres Néfilims avaient crée la race humaine. Il hésita à le dire à Tempête et décida de le passer sous silence. Ce détail lui semblait peu convaincant

Tempête étoffa ses connaissances « Ils se retrouvent aussi dans les anciennes religions de Vengeance. Sans doute un reste des croyances des premiers colons venant de la terre. On y retrouve même une Ninoursha. Peut-être un ancêtre de celle-là »

Thibault secoua la tête. « J’ai plutôt l’impression que c’est la même. »

Tempête leva enfin ses grands yeux d’ambre vers Thibault. Il avait enfin réussi à l’intriguer. « Ca fait 8000 ans. Tu veux dire qu’ils sont immortels ? »

Thibault haussa les épaules, je l’ignore. » Il devait évoquer ce point avec Cyril quand ils avaient été interrompu « Peut-être. J’ai aussi émis l’hypothèse qu’ils vivent juste beaucoup plus longtemps ou qu’ils contrôle la matières de leur corps mais je pense plutôt qu’ils contrôlent le temps. D’une certaine manière. Ou alors que le concept même de temps serait un Néfilm. Je me rends bien compte que ça n’a pas de sens pourtant je ne veux pas écarter cette hypothèse. »

Tempête avait cessé de manger. Il avait enfin réussi à l’intéresser. Elle avait écarté son assiette pour se rapprocher de lui et l’écouter plus attentivement. Voila ce qu’il lui fallait. Pouvoir discuter avec une femme belle et intelligente de sujets qui le passionnaient mais que le commun des mortels ne pouvait ne fut-ce que appréhender. Il se sentait seul. Il avait bien trouvé quelques filles mais devant l’insignifiance de leurs conversations, il finissait vite au lit avec un sentiment d’insatisfaction. Tempête s’impatientait, elle voulait en savoir plus. Il finit par lui raconter comment il pouvait marcher au coté de Ninoursha et d’un pas sur l’autre se retrouver dans des endroits totalement différents. Il marchait en ville, un pas de plus et il se retrouvait en pleine campagne. Il évoqua aussi la façon dont Marcus avait utilisé un tel stratagème pour le sortir de sa prison et comment il était tombé dans sa piscine » Il s’arrête net se rendant compte qu’il n’aurait sans doute pas dû parler du vieil homme. A force de vivre comme un reclus, il se laissait aller à en dire trop. Tempête ne releva pas, sans doute trop étonnée par cette information pour s’être rendu compte de la présence d’un nouveau personnage dans son récit. Afin d’être sur qu’elle ne s’en préoccupe pas, il décida de lui donner de quoi l’étonner encore plus. « J’ai de sérieuses raisons de penser que les Néfilims auraient aussi, d’une certaine façon, bloqué une ou plusieurs personnes dans le temps. Des personnes venant de l’époque Sumérienne pour les lâcher dans une époque moderne peut-être il y a deux ou trois générations.

- Bloquer quelqu’un dans le temps ?

- Oui, une femme et ses enfants. »

Il évita de dire l’aide qu’il descendait en ligne directe de cette personne.

« Que savent-ils faire d’autres ? »

Tempête avait repris son air dégagé et son assiette mais il n’était pas dupe. Elle n’était pas rassurée.

« Ils semblent aussi avoir un certain pouvoir sur la matière, ils savent se transformer en n’importe quel animal. Ninhoursha avait l’apparence d’une très belle femme mais au fond, elle ressemble peut-être à quelque chose de totalement différent.

-Télépathe ?

- Peut-être. Elle parlait souvent toute seule. En particulier quand elle était en colère mais je n’ai jamais perçu la moindre communication. Elle ne devait sans doute pas lire mes pensées, sinon elle m’aurait tué vu l’idée que j’avais d’elle mais en attrapant Mutine, elle a appris l’existence du livre d’onirique ou elle l’a deviné. »

Tempête releva de nouveau la tête. Et merde, il devrait aussi s’expliquer sur ce livre. De toute façon il n’y aurait pas coupé. « Elle me l’a pris et l’a brûlé » dit-il devançant ses questions.

- Elle l’a tué d’une manière… Spéciale » finit-elle par dire après une hésitation.

« Elle l’a étranglée. J’ignore si ça avait quelque chose de surnaturel ou non si ce n’est une force hors du commun. Parfois, quand elle était vraiment hors d’elle, il y avait comme de légères secousses. Comme un tremblement de terre mais très légers. En fait je n’en suis pas sûr. De même quand le jet a atterri et qu’elle m’a tiré du lit pour fouiller à sa recherche dans le désert, j’ai cru a un pouvoir surnaturel mais elle m’avait emmené a proximité du désert pour toute autre chose et elle était sur le balcon. Elle aurait très bien pu voir l’appareil atterrir même s’il semble qu’il soit passé inaperçu. De même, elle m’a traîné sur le balcon, de là nous nous sommes retrouvé sur le site de l’atterrissage mais elle a été incapable de situer le lieu exact ni même de repérer la fille »

Thibault se tut. Tempête ne fit pas de commentaire, sans doute transmettait-elle ses informations au fur et à mesure ce qui expliquait cet air disant et concentré pensa soudain Thibault se trouvant stupide de ne pas y avoir songé plus tôt. Il se concentra et perçut en effet sa communication avec Pluie. Il s’éloigna ne pouvant supporter l’idée que Pluie soit mêler à quoi que ce soit. Rien que l’idée de cette fille le rendait malade. Il s’écarta pour payer le repas puis ils sortirent et firent quelques pas l’un à coté de l’autre comme un couple. Il aurait presque eu envie de lui prendre la main afin de renforcer cette image. Pas pour lui. Juste aux yeux du monde. Présenter au monde deux amoureux alors qu’ils n’étaient que deux ennemis obligés de se supporter. Lui parce que rien n’est pire que la solitude et elle parce qu’il était plus fort qu’elle. Il pensa à son fils espérant le voir un jour et lui dire en face que son père était un type bien même s’il n’en était pas convaincu. Il pensa à Mike, culpabilisant de l’avoir laissé tomber. Tempête lui avait dit que les Adarii le gardait en otage sur les Maÿcentres afin d’avoir un moyen de pression malgré cela, ou a cause de cela, il continuait à le tenir à l’écart. Il se sentait comme ces gosses qui craignent de se trouver devant leurs parents pensant que ces derniers doivent avoir eu vent de leurs bêtises. Il devrait trouver Hélène pour la mettre au courant de la situation. Elle se terrait toujours. Et puis, a quoi bon l’inquiéter inutilement. Mike n’était pas en danger. En tout cas, pas dans l’immédiat. Et Accalmie ? Tempête n’en avait pas parlé. Thibault chercha une formulation pour tenter de lui faire dire si ils avaient eu vent de son existence mais sans le trahir mais Tempête le sortit de ses réflexions.

« Tu m’as parlé d’un Marcus. S’agit-il de Marcus Substance ? »

Vengeance : Arsalata


Les feuilles crissaient sous les pas d’Accalmie répandant une douce odeur d’humus. Marcus avait raison. Nulle part il n’avait vu de mélange de couleur plus harmonieux. Un sanctuaire. C’est ainsi qu’il évoquait ce lieu. Une silhouette apparut à la limite de son champ de vision, se détourna et disparut. Il y avait peu de monde et les rares occupants des lieux fuyaient tout contact. Marcus disait qu’ils venaient ici rechercher le calme pour méditer. C’est sur, niveau calme, ils étaient servis. Il s’engagea sur un sentier qu’il n’avait pas encore testé se concentrant à nouveau sur lui. Que voulait-il ? Marcus disait qu’il devait déjà trouver la réponse à cette question avant qu’il lui dise quoi que se soit. Stupide. Il lui fallait avoir tous les éléments pour répondre. Il ne s’était jamais engagé aussi loin. Les nuages étaient de plus en plus menaçants, il devrait faire demi-tour s’il voulait rentrer avant l’orage. Quelque chose le fit tourner la tête. Rien de visible. Une émotion. Une souffrance. Pas physique. Il ne ressentait pas la souffrance physique mais la douleur morale qui l’accompagnait. Il s’éloigna du chemin écartant quelques plantes piquantes pour enfin apercevoir quelqu’un accroupi contre un arbre. Il ajusta son capuchon avant de demander « Quelque chose ne va pas ? » Une tête se retourna. Une toute jeune fille au visage clair parsemé de tache de rousseur. Elle se détourna se balançant doucement d’avant en arrière. Accalmie fit encore quelques pas dans sa direction « je peux vous aider ? » Quelques gouttes commencèrent à tomber. Bientôt ce serait l’averse. Cette fille l’intriguait. Il hésita. Il ne voulait pas l’effrayer d’avantage. Il s’approcha doucement comme on le ferait d’un animal sauvage. Elle lui jeta un air apeuré et les sentiments qui vont avec et s’enfuit en courant

Maÿcentres : Ambassade de Saphir Plume

Mike se rassit sur son lit après le départ de Rafale. Un gosse. Ils étaient dirigés par un gosse. De mieux en mieux. Au moins, il l’avait sorti des sous-sols pour l’enfermer dans une chambre convenable et lui avait fait porter à manger. Encore une fois il tenta désespérément de joindre Thibault. Pour la première fois, il sentit quelque chose. Un sentiment de culpabilité. Une idée « je suis désolé » Puis plus rien. Désolé de quoi ? De le laisser tomber alors qu’il devait savoir dans quel pétrin il était ou désolé d’avoir tué cette fille ? Non, il n’y croyait pas. Thibault n’était pas un meurtrier. Il avait beau réussir à se tenir a distance, ça, il l’aurait su. Mais alors pourquoi ne voulait-il pas lui parler ? Il devait savoir qu’on le gardait en otage pour le faire chanter. Là aussi il n’en revenait pas que les Adarii utilisent des moyens aussi mesquins. Ce n’était que Thibault, ils n’auraient aucun mal à le faire parler. Et Accalmie ? Toujours aucune nouvelle. S’il était revenu, il l’aurait sorti de là. Il n’était plus sur de rien avec ce gosse. Sans doute ne lui avait-il pas parlé de sa présence. Il avait dû comprendre le danger et rentrer chez Dyasella. Oui, ça ne pouvait être que ça. Tout autre possibilité était trop désagréable à envisager. Pourquoi était-il incapable de contacter ce gosse alors qu’il avait eu si facile avec Thibault du temps où ils étaient avec Espoir. Il s’allongea et ferma les yeux. Il fallait qu’il sorte de là. A tout prix. Thibault hurla-t-il mentalement se retrouvant confronté à ce mur infranchissable qu’il avait bâti entre eux. Il soupira et tenta autre chose. « Onirique ! ». Rien bien sur. Il se répéta ce nom si longtemps qu’il ne s’était même pas rendu compte s’être endormi quand il se retrouva propulsé dans la prairie d’herbe verte.

« Je croyais que tu ne voulais plus me voir !

Mike releva la tête. » J’ai besoin d’aide. Je suis prisonnier. »

Onirique regarda autour de lui la prairie à perte de vue. « Je ne vois nulle prison.

- Très drôle. »

Onirique plissa les yeux. Il faisait toujours ça quand il était en colère. « Ne prends pas ce ton avec moi, Mike.

- S’il te plait, peux-tu m’aider ?

- Bien sur que non, je ne suis qu’un rêve.

- He bien fais faire des cauchemars à Rafale jusqu’à ce qu’il me libère.

- Non.

- De quel coté es-tu à la fin. » Mike se laissa tomber dans l’herbe. Il se retourna vers l’homme qui le toisait toujours de haut, les sourcils froncés. « Je suis désolé » dit-il se prenant la tête dans les mains. J’ai tout perdu. Tout. Mon fils, ma liberté, mon ami. Et Hélène, que devient-elle ?

- Hélène va bien.

Mike soupira. C’était déjà ça. « Et Lull ?

- Il est ce qu’il est. Il n’a jamais été ton fils et ne le sera jamais. Je t’ai assez prévenu ».

Mike serra les poings. « Et ça t’arrange.

- Je ne le nie pas.

- Que veux-tu à la fin ? »

Onirique ne bougea pas. Il ne répondit pas mais son image commença à se désagréger.

« Non reste » supplia Mike. « Je dois sortir d’ici.

- En es-tu sur ?

- Evidemment, j’en suis sur. »

Onirique hocha la tête. « Alors tu sortiras »

Ambassade de Saphir Plume

Umia reprit la pièce posée par Rafale et la déposa à son emplacement initial.

« Ce mouvement est interdit » expliqua-t-il sans lever les yeux du tableau de jeu.

« Et pourquoi donc ?

- C’est un mouvement impossible ». Umia hésita à expliquer encore les règles et subtilités des mouvements impossibles du jeu des assauts à Rafale. La dernière fois qu’il s’y était risqué, ce dernier lui avait répliqué qu’il l’avait très bien entendu et que ses rabâchages étaient inutiles. Pour autant il continuait les mêmes erreurs. Pourquoi aussi acceptait-il ses invitations forcées à venir jouer avec le jeune Annunaki ? Quand donc comprendrait-il qu’il n’en obtiendrait rien ?

« Je ne pense pas que ce soit impossible » reprit Rafale.

« C’est la règle.

- Je sais oui et je m’y plierais. Du moins, en ce qui concerne le jeu. »

Umia prit une grande inspiration. Il aurait voulu être n’importe où, sauf ici. Non, ce n’était pas tout à fait vrai. Malgré le malaise perpétuel qui le tiraillait en présence de ces étrangers, il éprouvait une intense satisfaction à se trouver là, au sein de l’ambassade de Plume, à se mesurer à leur plus puissant sorcier. Et au moins dans ce jeu, il était le plus fort. Il étudia encore la disposition des pièces et les cartes qu’il avait en main. Encore une fois, il gagnerait et pourtant, il lui donnait des avantages au départ. Mais Rafale n’était qu’un débutant et ses stratégies étaient trop légères, irréalistes et souvent incompréhensibles. « Vengeance, les Maÿcentres et Conquêtes » répéta-t-il, « Ce sont les mondes qui rapportent le plus de points, c’est vers eux que doivent se porter vos actions.

- Tu me l’as déjà dit Thaïs.

- Oui, mais vos actions ne vont pas dans ce sens. Enfin, si je puis me permettre de le faire remarquer » ajouta-t-il sentant le regard désapprobateur de Rafale.

« Tu peux » dit-il avant de se pencher sur le tableau de jeu pour libérer une planète d’extraction qu’il aurait eu facile de garder en son pouvoir.

Umia hésita à lui en faire la remarque et décida de se taire.

« Quel est ton but Thaïs ?

- A quel niveau ?

- Au niveau du jeu bien entendu.

- Gagner tout simplement ».

Rafale acquiesça. « Il se peut que tu réussisses dans ce cas. »

Sans aucun doute pensa Umia. « Parce que tel n’est pas votre but ? »

Rafale leva à nouveau les yeux et Umia se força à le soutenir quelques secondes. « Parce que ça en a l’air ? »

Il se replongea sur le jeu de Rafale acculé de toute part. Ca avait l’air d’un jeu de débutant sur le point de se faire massacrer.

« Si vous n’avez pas l’ambition de gagner, que désirez-vous ? »

Un sourire traversa le visage de Rafale et disparut aussitôt. « Ca ne te regarde pas Sy Thaïs ».

Ca faisait longtemps qu’il n’avait pas eu droit à cette réflexion. Ca lui aurait presque manqué. Il déplaça un de ses mondes, laissa Rafale prendre conscience de la situation. Et en rajouta. « Moi, j’ai atteint mon but. J’ai gagné. »

Il se leva, fier de son coup, alors que Rafale étudiait encore la configuration du jeu.

« Moi, je n’ai pas encore tout à fait atteint mon but » maugréa Rafale en replaçant les pièces en configuration de départ. « Assis » ajouta-t-il.

Umia refusa. Il avait déjà perdu une bonne partie de l’après-midi. Si au moins il avait pu réussir à avoir des informations sur Mike. Sa disparition inexpliquée après celle d’Accalmie était incompréhensible et il était persuadé que les Adarii y étaient pour quelque chose. Il se rendit compte qu’il était de nouveau assis face à Rafale alors qu’il pensait se diriger vers la sortie. Il sentit une sorte de panique confuse et une légère nausée qu’il avait déjà ressenti quand son esprit et son corps n’était pas à l’unisson. Il avala deux ou trois fois pour faire disparaître cette sensation et reprendre avec un calme feint. « Je dois vraiment partir. » Rafale se contenta d’appuyer sur un bouton et quand un serviteur entra dans la salle il lui demanda de faire excuser Sy Umia auprès de la Syhy Lytil pour son retard.

Il lui tendit ensuite le paquet de carte et les pièces.

« Il ne suffit pas de m’excuser, mon temps n’est pas à votre disposition. »

Rafale hocha les épaules. « Ce que tu avais prévu avec la Syhy Lytil pour ce soir ne me paraît pas affaire d’état. »

Umia se sentit rougir à l’idée que Rafale ait pu s’immiscer dans ses pensées. « Décidemment vous ne respectez vraiment rien !

- En effet, j’allais justement vous proposer d’alléger les règles qui cloisonnent de façon désastreuses ce jeu pourtant fort instructif.

- Non » dit-il « ça n’a aucun sens, vous ôteriez tout le plaisir du jeu.

- Tu as peut-être raison » avoua-t-il.

Umia tendit quelques cartes supplémentaires à Rafale afin de lui procurer une avance mais il les refusa.

« Jouons à égalité mais à la place d’une avance de départ, je préférerais que tu fasses quelques coups à mon avantage afin d’aider le débutant que je suis. »

Umia refusa. Encore une idée qui contredisait le principe du jeu. « Je veux bien vous donner une avance mais quand je joue, je joue pour moi. Afin d’atteindre mon but.

- Qui est de gagner » ajouta Rafale.

« En effet.

- Et jamais vous ne jouerez dans le sens d’un concurrent ?

- Non. Enfin si. Si ça peut me permettre par la suite de gagner plus.

- Je vois » dit Rafale comme si cette information pourtant simple exigeait une étude particulière. « Ca me paraît cohérent » ajouta-t-il.

Evidemment que c’était cohérent. Parfois il en arrivait à penser que sorti de ses pouvoirs, Rafale était vraiment stupide. Ce dernier leva les yeux comme s’il avait perçu cette pensée. C’était peut-être le cas. Umia se pencha vite sur le tableau de jeu. Rafale reprit son jeu, délaissant les mondes les plus importants s’accrochant systématiquement à Saphir et Plume, qui pour le jeu rapportait peu. Umia dut encore le reprendre plusieurs fois avant de céder et le laisser jouer des coups pourtant interdits ce qui ne lui permis même pas d’atteindre la majorité des points. Pourtant, il parut satisfait. Umia décida de profiter de cette bonne humeur passagère. « Je suppose que si vous restez ici, c’est que vous avez décidé de soutenir la Syhy Lytil. »

Rafale lâcha le jeu des yeux sans doute étonné par ce changement de conversation. « Ce serait un coup pour toi ou pour moi ? »

Umia reconnut une réplique qu’il avait lancé au cours de la partie. « Il ne s’agit plus d’un jeu. »

Rafale sourit. « Je croyais que tu appréhendais la vie comme un jeu. »

Umia approuva, « disons que ce serait un coup pour moi qui vous servirait aussi. Comme ce dont on parlait tout à l’heure. Jouer à deux est restrictif et ne vous permet pas d’appréhender le concept d’alliance. »

Rafale réfléchit encore trop pour une réplique si simple. Umia commença à voir le jeu différemment. Rafale ne se contentait pas de passer du bon temps. Ces études des stratégies des assauts allaient bien plus loin qu’un passe temps. Il cherchait quelque chose. Mais quoi ? « Faisons une autre partie.

- Non » dit Rafale « c’est suffisant pour aujourd’hui. Par contre, il se peut que je te demande deux vaisseaux afin de raccompagner Mike sur Terre mais, pas de suite.

C’est bien ce que je pensais, c’est vous qui détenez Mike.

- Evidemment

- Et contre sa volonté !

- Cela va sans dire

- Et vous imaginez que je ne vous dénoncerais pas !

- Comme vous disiez, ce ne serait pas dans votre intérêt.

- Laissez le partir ». Umia s’était dressé, prêt à faire face. Ce n’était pas que dans le jeu que les Adarii refusaient les règles.

« Et ce n’est pas que dans le jeu que tu restes cloisonné » répondit Rafale à sa pensée.

Une nouvelle nausée s’empara d’Umia qui se raccrocha au mur de pierre froide pour éviter de tomber. Il recula vers la sortie. Il se sentait mal. Comme si Rafale lui avait encore imposé sa volonté. Pourtant il voulait partir. Ou peut-être pas. Peut-être lui avait-il imposé de partir. Ca n’avait pas de sens, il suffisait de lui demander, il ne voulait pas mieux. Enfin si, il avait réclamer une nouvelle partie. Il voulait étudier la stratégie de Rafale. Pourquoi au fond ? Réfléchir ici était inutile, au dessus de ses forces.


Maÿcentres : Ambassade de Saphir-Plume

Rafale suivit des yeux le départ mal assuré d’Umia. Il fronça les sourcils, à tituber en marche arrière, il finirait par renverser quelque chose. Il fut soulagé de le voir disparaître dans le hall sans avoir rien cassé et reprit ses réflexions. Bien trop coincé et restrictifs. Lui dire qu’il retenait Mike n’était pas une bonne idée il s’en doutait mais ça ne coûtait rien d’étudier sa réaction. Il pourrait se contenter d’attendre pour lui annoncer qu’il le libérait, il serait dans de meilleures dispositions pour accepter de lui prêter les deux vaisseaux. Oui, il essayerait ça. Du moins si ça se passait bien du coté de Thibault. Autant dire pas de suite.

Il replaça quelques pions sur le tableau de jeu et se remémora la fierté d’Umia lui annonçant qu’il avait gagné. Limité. Très limité.

Il déplaça un pion imaginant la sempiternelle réflexion d’Umia, lui rabâchant que c’était un mouvement impossible. Il allait voir si c’était impossible. Il claqua des doigts et toutes les pièces représentant les plus importantes de la confédération qui tombèrent sur le sol amorties par le tapis. Il allait construire ses propres règles. Il leva les yeux sentant une présence. Pluie entrait dans la pièce

« Où en sommes-nous ? »

- Tempête continue votre approche spéciale diplomatie comme vous le souhaitiez Annunaki. »

Un jour les sarcasmes de Pluie causeront sa perte. Pourtant, pour une fois, il partageait l’état d’esprit de Pluie et aurait bien étripé Thibault avant même de l’interroger juste histoire de calmer la souffrance que lui causait la mort de Mutine. D’un coté, c’est Pluie qui l’avait aidé à surmonter ça. A voir comment elle s’échauffait en parlant de Thibault, il l’avait trouvée immature et ne souhaitait surtout pas lui ressembler. Il avait repris un peu ses esprits et avait même accepté l’idée qu’il n’était pas coupable de la mort de Mutine. Pour autant, il avait été présent et n’avait rien fait et c’était déjà trop. En plus il avait hérité d’une de ses petites pierres. Lui, un simple Terrien avec une pierre de Tiyana. Il devait revoir ses façons de penser. Ses pierres étaient originaires de la Terre et non de Tiyana. Peut-être même d’autres parts. Thibault avait dit qu’elles avaient été conçues par les Néfilims. Qu’à l’époque ceux qui possédaient ses pierres étaient à leurs ordres. Il n’aimait pas ça. Depuis qu’il avait appris leur existence par Brouillard, il avait classé les Néfilims comme une espèce éteinte. Il fallait en savoir plus. Où vivaient-ils ? Combien étaient-ils ? Que voulaient-ils ? Etaient-ils une menace ? Déjà, ils pouvaient prendre n’importe quelle apparence et voyager instantanément n’importe où. De quoi faire froid dans le dos. Bien sur que c’était une menace. Ils avaient déjà conduit plusieurs civilisations au néant et tués Mutine. « Marcus Substance » répéta Rafale en écho au rapport de Pluie. Il en avait entendu parler, vaguement. Un sculpteur renommé. Grésil lui avait dit qu’elle le connaissait. Pourquoi lui avait elle parlé de lui ? Ha oui. Elle disait qu’il prenait ses histoires de rêves aux sérieux. Non, si il avait retenu ce nom, c’est surtout car il semblait que Dya avait remué ciel et terre pour le retrouver. Il réfléchit et en revint aux dires de Grésil. Substance avait pris au sérieux les histoires d’Onirique. Il respira un bon coup cherchant désespérément autre chose. « Ce n’est pas possible » murmura-t-il avant d’appeler Grésil


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